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"Je ne me mets aucune limite sur aucune blague": Jean-Pascal Zadi arrive sur Netflix avec "En place"

Deux ans et demi après le succès de Tout simplement noir, Jean-Pascal Zadi dégaine sur Netflix une série politique où il tente de devenir le premier président noir de France.

Après avoir voulu organiser la première marche de contestation noire en France dans son faux documentaire Tout simplement noir (2020), Jean-Pascal Zadi s'imagine en candidat à la présidentielle dans En place, série comique de six épisodes disponibles à partir de ce vendredi sur Netflix.

Dans la lignée de Serviteur du peuple de Volodymyr Zelensky, En place plonge Stéphane Blé (Zadi), un éducateur de Bobigny, dans la campagne présidentielle. Jouant les candides dans un monde dont il n'a pas les codes, il est chaperonné par une éminence grise sans foi ni loi (Eric Judor).

Comme dans Tout simplement noir, où il joue son propre rôle, Zadi incarne dans En place un personnage inspiré de sa vie, un looser animé d'un projet impossible auquel personne ne croit. "C'est un peu l'histoire de ma vie", confirme à BFMTV ce réalisateur autodidacte, qui a commencé en autofinançant des films amateurs.

"J'espère que les jeunes vont regarder"

Avec En place, Zadi veut "déconstruire les limites" que les Noirs s'imposent. "Quand on est noir en France, on sait inconsciemment qu'il n'y aura jamais de président noir. On n'y rêve même pas. Peut-être qu'avec le temps ça va changer. Cette série est faite pour ouvrir les imaginaires. C'est une ode à l'accomplissement de chacun."

Enchaîner un succès au cinéma avec une série de streaming suit une logique similaire: de repousser les limites: "J'ai envie d'aller où je le sens", explique-t-il. "J'avais l'impression que Netflix était le bon endroit pour qu'une série sur ce sujet soit accessible aux plus jeunes. Netflix est un bon vecteur populaire."

"J'espère que les jeunes vont regarder", ajoute-t-il. "Le message, c'est qu'on a notre place partout, qu'on est chez nous [en France]. C'est important que ce soit entendu par les jeunes. Et pas que par les jeunes qui grandissent dans les cités. Aussi par les jeunes campagnards et les jeunes ouvriers. J'ai envie qu'on arrête de se limiter."

"Aucune limite sur aucune blague"

Cette crainte des limites reste d'autant plus étonnante que Zadi ne s'en pose aucune: fécondation in vitro, mal-être des campagnes, handicap... l'humoriste s'attaque à tous les sujets dans En place. Le premier épisode se termine avec Marianne sale pute, une parodie des clips de La Mafia K'1 Fry "où ça disait des gros mots à toute berzingue".

"Faire une comédie légère, décollée de la réalité, je n'y arrive pas. Ce que je préfère, c'est parler de notre société, m'amuser de choses un peu limites. Faire des œuvres, c'est ma manière de m'engager. La comédie est une arme et il faut s'en servir pour dire ce qu'on a envie de dire. Je veux faire avancer mon pays."

Il a fait attention à ce que Corinne Douanier (Marina Foïs), une parodie de la députée EELV Sandrine Rousseau, ne soit pas ridicule. "Changer l'angle d'éducation des jeunes garçons dans la société, la domination masculine néfaste... Je suis d'accord! Je ne peux pas me foutre de la gueule de quelqu'un avec qui je suis d'accord."

"Je ne me mets aucune limite sur aucune blague parce que j'ai confiance en l'intelligence des gens", développe-t-il. "Après j'évite de blesser les gens. Si je sais qu'il y a un truc qui est blessant ou gênant, je l'enlève."

"Netflix, c'est une case"

Lui-même a pris soin de ne pas se présenter à l'écran sous un jour avantageux. Si les premiers épisodes laissent croire qu'il va se révéler en génie de la politique, plus la série avance, plus son personnage devient ahuri et à côté de ses pompes. "Il s'enfonce dans un milieu qui n'est pas le sien et dont il ne maîtrise pas les codes", précise Zadi.

Comme dans Tout simplement noir, son personnage est armé "de bonnes intentions" mais montré avec "de la nuance". "Il a fait des conneries, il a des proches borderlines. C'est ce qui fait qu'il est réel", insiste Zadi. "C'est pas parce que tu as un combat louable que tu n'es pas un connard sur d'autres sujets."

Même si les limites sont faites pour être repoussées, il est souvent difficile de les faire bouger trop loin. Marianne, sale pute a ainsi suscité "beaucoup de débats" chez Netflix, note Zadi: "Il était beaucoup plus cru que ça. On a enlevé des choses et John Waxx [co-réalisateur de Tout simplement noir, NDLR] m'a dit que j'avais bien fait."

Jean-Pascal Zadi dans la série "En place"
Jean-Pascal Zadi dans la série "En place" © Netflix

Il était plus libre sur Tout simplement noir, assure-t-il: "C'était pour le cinéma. Il n'y avait pas de canevas, de normes. Netflix, c'est une case. Tu dois correspondre à une case, les gens ne doivent pas zapper. Ils voulaient que ce soit une comédie populaire et rythmée. Pour Tout simplement noir, on ne m'a rien demandé pour le rythme."

"Ça fait partie du game"

Depuis son César du meilleur espoir masculin en 2021, les opportunités se multiplient. "J'ai un peu plus de crédit maintenant", confie l'acteur. Il est en ce moment à Bordeaux où il tourne avec Vincent Macaigne Pourquoi tu souris, une comédie "sur un SDF qui veut s'en sortir et se fait passer pour un migrant."

Puis il enchaînera avec Le Procès du chien, une comédie de et avec Laetitia Dosch sur le procès d'un chien condamné à mort après avoir mordu des êtres humains à plusieurs reprises. Et il sera dans L'Amour ouf, le nouveau film de Gilles Lellouche après le succès du Grand bain.

"Ceux qui ne peuvent pas me blairer, ça va être relou pour eux", s'amuse Zadi. "Même Bob Marley avait des détracteurs. C'est pas moi, JP Zadi, qui vais ne pas en avoir. C'est la vie. Ça fait partie du game."

"Un film qui est osé"

Zadi écrit aussi son deuxième film, qu'il espère tourner à la fin de l'année. Intitulé Les Damnés de la terre (un titre inspiré d'un livre de Franz Fanon, une figure majeure de l'anticolonialisme), il collabore avec la scénariste Hélène Bararuzunza. La réalisatrice Alice Diop, dont le film Saint Omer fait la campagne des Oscars, participe aussi.

Jean-Pascal Zadi dans la série "En place"
Jean-Pascal Zadi dans la série "En place" © HBO

"Ça va être incroyable", s'enthousiasme-t-il. "C'est un film qui est osé. Les gens vont se demander comment on a osé aller aussi loin. Je suis à la page 60 sur 110 du scénario." En parallèle, il se consacre à l'écriture de la saison 2 d'En place, dont la validation est soumise aux audiences de la première.

Et si la série est annulée, ce ne sera pas un drame pour l'humoriste, qui fourmille d'idées. "J'ai fait mon premier film à 37-38 ans. Le temps d'avoir ces accès, il y a beaucoup de trucs qui ont mûri dans ma tête. J'ai beaucoup d'idées."

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV