BFMTV
Musique

"Une grosse claque": comment l'album "Or Noir" de Kaaris, sorti il y a 10 ans, a changé le rap

Il y a dix ans sortait le premier album de Kaaris. Désormais culte, ce disque fête son dixième anniversaire lors d'un concert inédit à l'Accor Arena de Paris ce jeudi 29 février.

Le 21 octobre 2013 Kaaris dévoilait son premier album Or Noir. Avec ses sonorités sombres avant-gardistes et ses textes crus, ce disque a profondément marqué le rap français.

Et dix ans plus tard, alors que Or Noir continue de passionner les foules, et pour faire perdurer l'engouement autour de ce disque, désormais certifié double disque de platine, Kaaris a annoncé en juillet dernier deux concerts à l'Accor Arena de Paris, les 17 et 29 février 2024 pour lesquels les billets se sont écoulés en quelques heures.

"C'est une consécration. Remplir deux Bercy sur un album d’il y a 10 ans, c’est rare. Il y a peu de personnes qui le font. C’est que du bonheur", confie Kaaris à BFMTV.com.

"On aurait pu faire un troisième Bercy!"

"On savait qu'on allait faire un Bercy mais on ne pensait pas que ça allait se remplir aussi vite et qu’on allait enchaîner un deuxième. Je pense même qu’on aurait pu en faire un troisième", indique-t-il avec humour.

Après ces deux dates à Paris, Kaaris continuera à jouer Or Noir en festival cet été puis à l'automne sur la scène du Zénith de Lille, le 29 novembre, et au Dôme de Marseille, le 5 décembre."Ça fait plaisir. 10 ans ça passe vite. C'est loin et c'est proche en même temps mais on a vécu beaucoup de choses et on a kiffé", note Kaaris.

"Une grosse claque"

Pour le rappeur, tout a commencé au début des années 2010. Encouragé par sa participation à la mixtape Autopsie 4 de Booba et la sortie sa propre mixtape Z.E.R.O, l'artiste originaire de Sevran émerge auprès du grand public grâce à son couplet dans le morceau Kalash, en duo avec celui qui deviendra son pire ennemi, Booba.

À l'époque, l'industrie du disque connaît un creux avec l'émergence des plateformes de streaming et le rap français peine à se renouveler musicalement après son âge d'or. Alors à l'apogée de sa maturité artistique Kaaris décide de dévoiler en 2013 son très attendu premier album Or Noir.

Avec ce projet sombre et trash, inspiré par la scène hip-hop d'Atlanta et de Chicago et porté par les hits Zoo, Bizon ou Or Noir, l'artiste va apporter nouveau souffle au rap français et va marquer un tournant majeur dans sa carrière.

"C'était une grosse claque", se souvient Fred Musa, auprès de BFMTV.com. "J'avais déjà percuté sur Kaaris avec son premier projet 43e Bima et son morceau avec Booba mais quand j'ai vu débarquer avec 'Zoo' et cette esthétique violente, je me suis dit: 'Ah ouais quand même'", ajoute le journaliste rap et animateur sur Skyrock.

"Quand on l'écoutait on avait l'impression d'être dans un film d'action comme Heat, avec beaucoup de grossièretés, qui ne laissent pas le public de marbre", poursuit-il.

"J'avais cette envie de gagner, de croquer le monde, de tout réussir. Je savais que c'était maintenant ou jamais et ce fut un strike", ajoute Kaaris au micro de BFMTV.

S'approprier les codes de la trap

Alors qu'aux États-Unis la trap - courant musical né au début des années 2000 dans le sud du pays - est en pleine effervescence avec des artistes tels que Chief Keef, Waka Flocka ou Future, en France certains rappeurs à l'instar de Booba avec son album Futur tentent d'importer le genre sur la scène musicale hexagonale.

Mais c'est Kaaris qui, grâce à ses gimmicks, son phrasé atypique et ses nombreuses références très françaises, parviendra avec Or Noir, à s'approprier les codes de la trap pour en faire un genre musical à part entière en France.

Résultat, malgré une industrie fragilisée par le streaming, cet album va réussir à tirer son épingle du jeu et s'écouler à plus de 19.000 exemplaires, seulement une semaine après sa sortie.

Un exploit que l'on doit notamment à la collaboration entre le rappeur et le quatuor de beatmakeurs Therapy, aux manettes de l'intégralité des productions du disque, pensées pour être en alchimie avec les punchlines hardcores de Kaaris.

"Therapy vont apporter à Kaaris un son trap américain qui à l'époque en France n’existe pas ou très peu. Et 10 ans après, ces sonorités sombres combinées avec des paroles très crues et violentes ont réussi traverser les époques et ça, c’est pas donné à tout le monde", assure Fred Musa.

"Je crois que le public et le monde du rap ne s'attendaient pas à ce genre d'album à ce moment-là et à ce qu'il ait cet impact", abonde Kaaris. "À la base c'était pas un album fait pour le grand public, ses thèmes et ses paroles étaient underground mais ça a pris une autre ampleur"

"Ça a été une espèce de 'game changer' dans le rap. Après cet album, c'était difficile de rapper comme avant. Tout le monde a dû se réadapter", poursuit le rappeur.

Lumière sur Sevran et émergence d'une nouvelle scène

Outre la révolution musicale opérée par Or Noir, cet album truffé de références à Sevran va également permettre à Kaaris de placer le nom de cette ville du 93 sur la carte du rap français.

"Avant, on s'identifiait à la Seine-Saint-Denis avec des groupes comme NTM, mais Kaaris va apporter un renouveau côté territoire avec Sevran qui deviendra ensuite un véritable terreau pour les artistes de rap", détaille Fred Musa.

Le succès d'Or Noir et de la trap va ainsi inspirer toute une nouvelle génération de rappeurs à l'instar de Gradur, Niska, Lacrim, Damso, Sofiane, Dosseh, 13 Block, Kalash Criminel ou plus récemment Kerchak, qui a d'ailleurs collaboré avec Kaaris sur le titre Double K.

"Quand il est sorti on a vu apparaître des mini Kaaris de partout. Quand t’es un artiste avec un univers fort d'un seul coup on va tenter de te copier, Mais il n'en reste qu'un au bout du compte", note Fred Musa.

S'il confie avoir mis du temps avant d'assimiler l'impact qu'a eu son album sur le rap français, Kaaris assure être "fier de ce projet et cet héritage". "Je m'en délecte même", affirme-t-il.

"Quand t'es dans le feu de l'action, généralement t’as du mal à avoir ce recul. Et puis il y a toujours eu cette retenue de dire moi-même que c'est un classique donc ce n'est que récemment, en discutant avec Therapy, que je me suis rendu compte qu'on avait fait un truc de fou", conclut-il.

Carla Loridan avec Florian Huvier