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Taylor Swift: pourquoi ses concerts américains ont eu un tel écho

Taylor Swift sur la scène de son "Eras Tour" à Arlington, au Texas, le 1er avril 2023

Taylor Swift sur la scène de son "Eras Tour" à Arlington, au Texas, le 1er avril 2023 - Suzanne Cordeiro - AFP

Les nerfs des fans de Taylor Swift seront mis à rude épreuve ce mardi, avec la mise en vente des billets pour ses dates françaises. Ces concerts font l'objet d'une attente hors norme, après les retombées mondiales des shows américains.

Les fans français de Taylor Swift retenaient leur souffle depuis des mois. C'est ce mardi qu'a lieu la mise en vente des billets pour les concerts hexagonaux de son Eras Tour, une tournée mondiale lancée en mars outre-Atlantique. Six dates qui s'étireront entre mai et juin 2024 à Paris et Lyon, à la Paris La Défense Arena et au Groupama Stadium, et qui sont précédées du rayonnement mondial des shows américains.

Pour éviter le chaos face à une demande qui s'annonce très forte, Ticketmaster a pris des mesures inédites en amont: les personnes qui accèdent à la billetterie ce mardi ont été précédemment tirées au sort. L'entreprise n'a pas révélé combien de personnes s'étaient inscrites ni combien ont été retenues, mais elle est claire sur le fait qu'il y aura des déçus.

Depuis son lancement le 17 mars à Glendale (Arizona), le Eras Tour offre en effet une véritable vitrine à la chanteuse, tant les réseaux sociaux et les médias américains s'en font le relais.

De la bataille virtuelle pour obtenir des tickets aux extraits du show devenus viraux sur TikTok, en passant par les images de foules en délire et les revenus hallucinants générés, retour sur la manière dont cette tournée s'est emparée des États-Unis avant de partir à la conquête du monde.

Terrain favorable

The Eras Tour marque un retour scénique pour Taylor Swift, dont la dernière tournée remonte à 2018. Après cette absence prolongée due au Covid-19, la chanteuse retrouve des stades pleins à craquer pour ce spectacle dans lequel elle revisite l'ensemble de sa discographie. Une œuvre pléthorique - dix albums publiés en 17 ans d'activité - pour un show de plus de trois heures durant lequel elle interprète environ 45 chansons, choisies parmi les deux centaines que compte son répertoire.

Il faut dire que tous les paramètres étaient réunis pour faire de cette tournée un événement. Depuis sa dernière tournée, Taylor Swift a sorti pas moins de quatre albums, Lover en 2019, Folklore et Evermore en 2020, et Midnights en novembre dernier, sans pouvoir les interpréter sur scène à cause du coronavirus.

À ces nouveaux opus originaux, qui lui ont tous valu la tête des classements aux États-Unis et les critiques élogieuses de la presse spécialisée, s'est ajouté un coup de projecteur sur ses premières œuvres. Taylor Swift s'est lancée dans le réenregistrement de ses six premiers albums afin d'en récupérer les droits, et trois d'entre eux sont reparus dans des versions réhaussées depuis 2021.

Ses plus vieux disques se sont ainsi retrouvés aux côtés des plus récents dans les rayons des disquaires, sur les plateformes de streaming et dans les chroniques des médias musicaux. De quoi offrir une session de rattrapage à ses fans les plus récents tout en multipliant les sorties dans une laps de temps très court, rendant Taylor Swift toujours plus présente dans le paysage médiatique.

Si l'on compte les réenregistrements, ce sont pas moins de sept albums que la chanteuse a publiés depuis sa dernière tournée. Stratégie gagnante: un sondage relayé par NME en mars avançait que 53% des Américains se considéraient comme fans de Taylor Swift.

73 records d'écoutes et de ventes autour du monde

Sa course au succès a atteint son paroxysme avec la sortie de Midnights en octobre: selon le site Consequence of Sound, l'album a décroché à lui seul 73 records d'écoutes et de ventes autour du monde, porté par le tube Anti-Hero. L'effet s'est fait ressentir jusque dans l'Hexagone: en novembre, ce disque est devenu le premier de sa carrière à prendre la tête des ventes en France, un pays qui a longtemps boudé la chanteuse.

Avec une histoire récente aussi riche, l'annonce d'une tournée ne pouvait que générer des passions. Et l'engouement des fans a été bien au-delà de ce à quoi s'attendait Ticketmaster, la billetterie en ligne, qui n'a pas réussi à faire face à la demande lors de la vente des tickets américains.

La version pop music des Hunger Games

Le phénomène qu'allait devenir le Eras Tour a commencé à se profiler le 18 novembre 2022, jour de la prévente des billets pour les dates américaines. Malgré un système de présélection mis en place afin d'éviter la présence des robots, le plateforme s'est retrouvée face à un trafic qu'elle n'a pas pu gérer: le site a été perturbé toute la journée par un nombre incalculable de bugs et de mises en attente interminables.

De façon générale, les billets de concerts n'ont jamais été aussi difficiles à obtenir que ces derniers mois. En France, la prévente des derniers concerts de Beyoncé à réuni plus de 200.000 personnes dans des files d'attentes virtuelles, et pas moins de 420.000 personnes ont bataillé pour les places du concert de Lana Del Rey de ce soir à L'Olympia, une salle de 2800 places.

Mais le trafic généré par la mise en vente des billets américains du Eras Tour a pris une ampleur particulière. La plateforme a expliqué avoir vendu 2 millions de billets - un record pour un artiste en une journée - rien qu'avec la prévente, ce qui l'a contrainte à annuler la vente officielle prévue quelques jours plus tard. Dans un communiqué, le site a expliqué que pour répondre à la demande, Taylor Swift aurait dû effectuer 900 shows dans des stades, soit un concert chaque soir durant deux ans et demi, rien qu'aux États-Unis.

Des mots qui n'ont en rien apaisé la colère des fans: 26 d'entre eux ont attaqué Ticketmaster en justice pour "fraude, fixation des prix et violation des lois antitrust". La billetterie en ligne a même dû répondre aux questions du Congrès américain dans cette affaire, qui a relancé les critiques sur la position dominante de ce géant du secteur.

Ce fiasco et ses retombées ont eu un retentissement mondial, instillant partout l'idée que ce Eras Tour était un spectacle exceptionnel, à ne manquer sous aucun prétexte.

De la scène aux réseaux sociaux

La fascination s'est confirmée avec les premirèes représentations, notamment grâce aux réseaux sociaux. Sur Twitter ou TikTok, un nombre incalculable d'extraits ont fleuri au fil des mois, offrant à la tournée une publicité virale et gratuite.

Outre les extraits des interprétations de la chanteuse, ses tenues et ses décors, les à-côtés ont eu un véritable écho sur le web. Chaque soir, de nouvelles célébrités ont été aperçues dans les gradins VIP des stades. Comme un feuilleton, les internautes ont suivi de semaine en semaine la liste toujours plus longue de stars américaines vues dans le public.

Fine stratège, Taylor Swift a aussi su ajouter une dose de suspens à ses concerts, avec les "surprise songs". Chaque soir, en plus de la quarantaine de chansons prévues au programme, Taylor Swift interprète à la guitare ou au piano une à trois chansons supplémentaires. La règle a été annoncée dès le premier show: aucune chanson surprise ne sera interprétée deux fois. Ce procédé a maintenu les fans en haleine et les a poussé à suivre chaque concert, pour savoir quelles chansons surprises ils avaient encore des chances d'entendre en concert.

D'autres éléments annexes ont permis au Eras Tour de bénéficier de retombées dans la presse, souvent par le biais d'informations insolites. Notamment lorsque les vidéos d'un membre de la sécurité des concerts de Nashville chantant en chœur avec la star sont devenues virales sur TikTok. Les médias locaux avaint alors révélé qu'il s'agissait d'un fan qui n'avait pas réussi à obtenir de place et s'était fait engager sur la tournée pour pouvoir y assister.

Plus récemment, c'est une fan de Cincinatti qui a fait le tour du web lorsqu'elle a été interviewée par une chaîne locale entièrement dissimulée sous une couverture. La jeune femme s'était fait porter pâle auprès de ses employeurs afin de participer à une vente de produits dérivés en marge du concert et n'avait accepté de témoigner que sous couvert d'anonymat, offrant une image ubuesque aux internautes.

D'autres vidéos, particulièrement impressionnantes, montrent comment des fans lésés par le fiasco de Ticketmaster se sont réunis par milliers devant les stades où se tenaient les concerts, dans l'espoir d'entendre les chansons depuis l'extérieur.

Enfin, l'irruption sur le devant de la scène de la vie privée de la chanteuse a parachevé le tableau. En avril, la presse américaine a révélé la rupture de Taylor Swift et de l'acteur britannique Joe Alwyn, à qui nombre de ses chansons les plus récentes sont sans doute dédiées, après six ans de vie commune. Les observateurs ont redoublé d'attention lors des concerts pour y trouver une trace de séparation, s'attachant aux détails les plus minimes.

"Comme une émission de télé-réalité"

Quelques semaines plus tard, des rumeurs de relation entre Taylor Swift et Matty Healy, leader controversé du groupe de rock britannique The 1975, ont émergé. Nouveau coup de projecteur, à double tranchant cette fois-ci. Une partie des fans se sont immédiatement passionnés pour les supposés messages codés que les deux artistes semblaient s'adresser lors de leurs concerts respectifs, en épelant les mots "I love you" face caméra. D'autres se sont indignés de voir la chanteuse associer son image à celle d'un artiste accusé de racisme et d'antisémitisme.

"Le Eras Tour peut être perçu comme une émission de télé-réalité en évolution constante plutôt que comme une série de concerts", analysait ainsi le Guardian en mai. "Tout dans ces shows peut devenir du contenu en ligne, qu'il s'agisse de Taylor Swift, des célébrités présentes, ou éventuellement de vous-mêmes."

Selon des projections de Forbes, ce Eras Tour pourrait rapporter pas moins d'un milliard et demi de dollars à Taylor Swift. Un chiffre qui en ferait la tournée la plus lucrative de tous les temps, record détenu pour l'instant par le Farewell Yellow Brick Road d'Elton John et ses 900 millions de dollars générés. Mais la popstar de 33 ans n'est pas la seule gagnante de cette tournée-monstre de 131 dates à travers le monde; l'Amérique peut lui dire merci.

Selon les estimations du site Fortune, toutes les villes des États-Unis où le tour de chant a fait escale ont bénéficié d'un coup de boost économique. Le média américain donne l'exemple de Chicago, où le taux d'occupation des chambres d'hôtel a atteint 96,8% les soirs du Eras Tour - un record historique. Outre le logement, les fans dépensent en transports et en restaurants, profitant aux commerce locaux. Ainsi, pas moins de 4,6 milliards de dollars pourraient être dépensés par les spectateurs du Eras Tour rien qu'aux États-Unis.

Ces chiffres n'ont pas fini de s'accumuler. Après son passage par les États-Unis, qui s'achèvera en août, le Eras Tour se poursuivra en Amérique du Sud. Il traversera l'Asie à partir de février prochain avant d'investir enfin le Vieux Continent.

https://twitter.com/b_pierret Benjamin Pierret Journaliste culture et people BFMTV