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Qui sont les nouveaux visages de la scène rap marseillaise ?

Les nouveaux visages de la scène rap à Marseille

Les nouveaux visages de la scène rap à Marseille - Montage captures d'écran YouTube

Au-delà des artistes au sommet des charts tels que Jul, SCH ou Soso Maness, la cité phocéenne regorge également de talents en pleine ascension. Coup de projecteur sur cinq d'entre eux.

Propulsé sur le devant de la scène par des artistes comme IAM, la Fonky Family ou plus récemment Jul, SCH ou Soso Maness, le rap marseillais a su, ces dernières années se faire une place de choix dans l’industrie de la musique. Les chiffres sont éloquents: dans le top 50 albums 2021 du Snep, huit albums sont réalisés par des rappeurs marseillais.

Mais il serait dommage de résumer le rap de la cité phocéenne aux artistes en tête des charts car Marseille regorge de talents en pleine ascension. Coup de projecteur sur cinq d'entre eux.

• Zamdane, peintre de la douleur

Fasciné par la France, Zamdane quitte son Maroc natal en 2015 et s'installe à Marseille où il découvre le rap français. Inspiré par ce genre musical qui dépeint un quotidien dans lequel il se retrouve, Zamdane voit dans le rap un moyen de mettre des mots sur sa vie marquée notamment par l’exil.

Alors âgé de 17 ans, le rappeur en devenir participe à des sessions de freestyles à Marseille où il fait la connaissance de personnalités du rap qui lui prédisent un avenir brillant. Dans un élan d'inspiration, Zamdane enregistre son premier morceau, Favaro en 2017, qui comptabilise désormais plus de 2,5 millions de vues sur YouTube.

Grâce au succès immédiat de ce titre, Zamdane est propulsé sur une scène dont il maîtrise encore mal les codes. Le jeune rappeur comprend qu’il lui reste encore beaucoup de travail à accomplir.

Il fait alors évoluer ses textes - qu'il écrit à la fois en français et en arabe - ses rimes, mais surtout sa musique à laquelle il incorpore des mélodies de plus en plus travaillées. Entre 2018 et 2021, il propose sept projets et monte son propre label baptisé Affamé Records.

Le 25 février, Zamdane a dévoilé son premier album Couleur de ma peine, un projet touchant dans lequel le rappeur marseillais laisse parler ses émotions et affirme son style sincère et authentique.

• Lansky Namek, venue d'une autre planète

Difficile, quand on parle de rappeuse à Marseille, de ne pas penser immédiatement à Keny Arkana. La longévité et la réussite de sa carrière constituent en effet une belle prouesse mais nombreuses sont les artistes féminines qui essayent de s'imposer dans le milieu du rap au sein de la cité phocéenne, à l'image de Lansky Namek.

D’origine russe, marocaine et polonaise, Lansky Namek commence à rapper en CM1 pour combattre sa dyslexie. Entre foot, graffiti, beatmaking et rap, la jeune artiste dévoile ses premiers freestyles au Cours Julien et à la Plaine à Marseille où elle construit au fil des années son personnage de Lansky Namek: Lansky, en référence au célèbre mafieux américain Meyer Lansky et Namek, du nom de la planète dans le manga Dragon Ball Z.

Dotée d'un caractère bien trempé et d'un franc-parler très marseillais, la rappeuse de 23 ans fait osciller ses textes entre introspection intime et critique de la société. Éclectique, elle s'approprie aussi bien l'univers de la drill ou du punk que du boom bap ou de la trap.

Preuve de sa capacité d'adaptation, l'artiste marseillaise a annoncé, le 8 mars dernier, avoir travaillé sur la bande son originale du documentaire J'irai crier sur vos murs réalisé par Élodie Sylvain et Charlotte Ricco. En janvier 2022, la rappeuse marseillaise a dévoilé son premier EP baptisé Pile ou Face.

En parallèle du rap, Lansky Namek est également fondatrice de "Le Rap C'est Quoi", un projet d'ateliers d’écriture à Marseille destiné aux enfants et aux adolescents afin de promouvoir la culture hip-hop et les valeurs qui y sont associées.

• JMK$, le rappeur SoundCloud

Depuis ses débuts dans la musique en 2014, JMK$ n’a jamais cherché à profiter des avantages qu’il aurait pu tirer d'être le fils d’Akhenaton. Préférant écrire une histoire qui lui est propre et ne pas être résumé au "fils de", le jeune rappeur de 26 ans a rapidement développé sa propre identité artistique, aux antipodes de celle de son géniteur.

Là où son paternel fait figure d’icône populaire dans rap "à l'ancienne", JMK$ se complaît davantage dans les profondeurs de SoundCloud, plateforme qu'il privilégie pour publier ses premiers morceaux. Un choix avant tout "artistique" qui lui vaudra d'être assimilé au mouvement du "SoundCloud rap" porté notamment par les rappeurs XXXTentacion et Juice WRLD aux USA ou encore Freeze Corleone en France.

"Ce n’était pas vraiment la plateforme numéro 1 à l’époque, mais il y avait une qualité qu’on n’avait pas sur les autres plateformes où les sons sont vachement compressés. Comme nous n'avions pas de mix conséquents à l’époque si on décidait de poster sur YouTube, le rendu était horrible. SoundCloud, c’était d’abord le choix de la qualité", explique JMK$ dans une interview pour le média Yard.

Loin de la cité phocéenne où il est né et a vécu jusqu'à ses 17 ans, c'est plutôt dans la ville lumière que JMK$ explore ces nouvelles sonorités, encouragé par d'autres rappeurs parisiens qui partagent sa sensibilité artistique. JMK$ rejoint alors le collectif EradoubleV en 2014 qu'il quitte ensuite pour le Summum Klan en 2015 dans lequel il évolue toujours aujourd'hui.

Depuis, JMK$ a multiplié les projets et les collaborations notamment avec Zamdane, Ashe 22 ou Sofiane Pamart mais surtout avec son père Akhenaton sur le titre Once upon a time, présent sur l'album Yasuke d'IAM.

Après un nouveau single Bossy, en janvier dernier, le rappeur s'apprête à dévoiler sa nouvelle mixtape, Bad Boy Romance le 30 mars prochain, qui s'annonce déjà très prometteuse.

• Soumeya, une plume poétique et dénonciatrice

À l'instar d'Obélix, Soumeya est tombée dans le rap quand elle était petite. Biberonnée à ce genre musical grâce à ses grands-frères, elle découvre des artistes comme Rohff, LIM ou Sefyu qui lui donnent envie, dès l'âge de 13 ans, de se lancer à son tour dans l'aventure.

La jeune artiste débute avec des freestyles postés sur YouTube qui connaissent un certain succès. En 2017, elle sort ses premiers clips qui lui permettent de faire résonner sa musique au-delà de son quartier et d'être repérée par Fianso pour participer à la saison 2 de Rentre Dans le Cercle.

Attachée à rapper ce qu'elle vit, Soumeya livre un cocktail explosif dans lequel on retrouve la puissance d’une Diam’s, la plume d’un Kery James et la modernité de PNL. La rappeuse de 23 ans, dont les textes sont souvent à teneur politique, n'a aucun mal à laisser transparaître sa colère face à une société qui va mal et se sert régulièrement de l'actualité pour dénoncer la corruption politique ou les inégalités sociales et de genre.

"François Fillon est pas le seul à offrir à son épouse un emploi fictif. Ils préfèrent taper sur les pauvres, font des contrôles à la CAF. C'est pas du rap conscient c'est du rap " - extrait du morceau Rapport Consentant.

Lauréate de la première édition du dispositif "Rappeuses en liberté" et membre du Red Bull Spinner, Soumeya prépare déjà la suite de sa carrière. En février elle a dévoilé le titre Tout ce temps, premier extrait d'un album studio à venir.

• S.Téban, initiateur d'une nouvelle vague

On pourrait prendre S.Téban pour un jeune rappeur, en raison de sa proximité avec certains nouveaux talents marseillais cités précédemment (Zamdane, JMK$...). Mais il n'en est rien. Dans la première moitié des années 2000, S.Téban ouvrait déjà la scène des Psy 4 de la Rime avec son groupe de l'époque Lygne 26.

"On est du même quartier qu'eux (la cité du Plan d'Aou, ndlr) donc on les suivait un peu partout, quand ils allaient en studio des fois, dans leurs concerts, etc. On a découvert le monde de la musique avec eux", explique S.Téban dans une interview vidéo de Yard.

Cependant, depuis une pause en 2017 et un retour dans le paysage rap en juillet 2020 avec la sortie de son premier EP en solo Base 015 - en hommage à l’arrondissement de Marseille qui l’a vu grandir -, S.Téban a réalisé un véritable changement artistique, à tel point qu'il ne serait pas totalement insensé de parler de nouveau départ musical pour le rappeur.

Dans l'optique de marquer un tournant dans sa carrière, le rappeur a fondé son label Tesma Prod en 2019 et essaye de créer la différence en apportant sa propre palette sonore et son identité visuelle dans une scène rap marseillaise déjà bien installée.

"Je vais pas raconter un Marseille différent de Jul ou de Naps, je me revendique autant Marseillais qu'eux. Mais c'est plutôt grâce à mon style musical que je vais me différencier", précise-t-il au média Yard.

En 2021, S.Téban a dévoilé son second EP Mode Sport, véritable carte de visite de son renouveau esthétique. Si le rappeur tente, grâce à ce projet, d'insuffler un second souffle au rap marseillais, il n’oublie néanmoins pas de rendre hommage aux pionniers du genre musical dans la cité phocéenne en invitant Alonzo (Psy 4 de la Rime) sur le titre Paris Dakar.

S.Téban met également fièrement à l'honneur la ville qui l'a vu grandir en participant au projet d'album Classico Organisé initié par Jul en novembre 2021.

Carla Loridan