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Musique

Paris: un groupe punk interdit de concert pour "incitation au viol"

Pour le groupe Viol, interdit de se produire dans une salle parisienne, leur chanson n'est qu'un clin d'oeil à la musique punk...

Pour le groupe Viol, interdit de se produire dans une salle parisienne, leur chanson n'est qu'un clin d'oeil à la musique punk... - Greg Baker - AFP

POLÉMIQUE - La mobilisation éclair d’une association féministe a fait annuler le concert d’un groupe punk nantais dans une salle parisienne. En cause, des paroles faisant l’apologie du viol.

"Dans la rue tu m’as provoqué, Petite pute à souliers! Tu pensais te faire sauter par ton mec...". Inutile de poursuivre, les paroles de la chanson Viol interprétée par le groupe éponyme sont sans équivoque.Informée de la venue du groupe ce vendredi soir à la Mécanique ondulatoire, salle de concert située à Paris, l’association féministe Les Effront-é-es a immédiatement donné l'alerte en interpellant, via son site web et les réseaux sociaux, la direction de l'établissement, la mairie de Paris et le secrétariat d’Etat en charge des droits des femmes, pour faire interdire le concert.

Mea culpa de la salle de concert

"Sous couvert d’un style trash et prétendument anticonformiste, les paroles de leur chanson phare, Viol, est un appel sans ambiguïté à ce crime sexiste", dénonce-t-on sur le site militant. La mobilisation a été payante puisque dès le lendemain, la maire de Paris, Anne Hidalgo, saisissait le préfet pour signaler un trouble à l’ordre public.

Dans la foulée, l’établissement a annulé le concert et fait son mea culpa sur Facebook. "La Mécanique ondulatoire est un bar antiraciste, antifasciste, pro-LGBT, prolibertaire et proféministe (...). Nous regrettons que la programmation du vendredi 27 mars ait heurté certain-e-s personnes et nous vous demandons d’accepter nos excuses". Et de préciser qu’il ne s’agit pas d’une programmation mais d’une location. Nuance.

"Un clin d’œil au punk français provoc’ des années 80"

Du côté du groupe, c’est la stupéfaction. On s’étonne qu’un titre enregistré en 2009 qui n’a "pas été joué depuis longtemps" et "qui n’est jamais sorti", puisse autant déchaîner les passions. Il s’agit "simplement d’un clin d’œil au punk français provoc’ des années 80 et en aucun cas un hymne du groupe", espère rassurer Samuel, chanteur et guitariste du groupe, dans une interview donnée jeudi au magazine Vice.

Dépassé par les événements, le leader tente de relativiser les motivations de la chanson, écrite lorsqu’il avait 18 ans: "On n’avait aucun autre objectif que d’écrire le truc le plus vénère possible par rapport au viol, de la même façon que tu peux mater des films super violents, sans morale, et juste te dire: wow. (...). Le viol est une chose abjecte et c’est justement ça le but: écrire une chanson abjecte pour dénoncer le truc. C’est une des possibilités de l’art, faire quelque chose de brut, choquant (...). Pour être clair: je suis contre le viol, je trouve ça horrible et je suis désolé si j’ai pu choquer des gens qui n’ont pas l’habitude de côtoyer des groupes avec des concepts aussi violents".

Plainte contre le groupe

Mais les excuses et la simple annulation du concert ne sont pas suffisants pour Les Effront-é-es. Les membres de l’association ont décidé de porter plainte contre le groupe pour incitation au viol. Problème, "aucune sanction n’est prévue dans le Code pénal pour incitation au viol", fait remarquer Avi Bitton, avocat pénaliste, interrogé par Le Monde, néanmoins, une disposition [l’article 24] de la loi de 1881 sur la presse prévoit qu’inciter des personnes à commettre un crime tel que le viol est un délit pénal même si l’incitation n’a pas été suivie d’effet", poursuit-il.

A quelques détails près, l'affaire fait écho à celle d’Orelsan. En 2009, le rappeur scandait les paroles de Sale pute, de quoi provoquer une levée de boucliers de la part d’associations féministes. Condamné en première instance en 2013 pour injure et provocation à la violence envers les femmes, le chanteur n’a finalement pas été poursuivi lors de son procès en appel qui s'est tenu un an plus tard.

Mais le dossier Viol est pris très au sérieux par la secrétaire d’Etat chargée du droit des femmes, Pascale Boistard. Cette dernière a fait savoir sur Twitter qu’elle s’était entretenue avec Hélène Bidard, adjointe (PC) à la mairie de Paris chargée des questions relatives à l’égalité femmes-hommes, et que des "solutions ont été trouvées". Lesquelles? on l’ignore encore. A suivre.