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"Ma musique ne serait pas pareille si j'avais grandi ailleurs": le rappeur lillois Bekar dévoile son premier album

Le rappeur Bekar

Le rappeur Bekar - Nkruma

Figure de la scène rap du nord de la France, Bekar sort ce vendredi son premier album, Plus fort que l'orage. Un disque ambitieux qui marque un tournant dans la carrière du Roubaisien de 25 ans.

Longtemps resté en marge du paysage musical national, le rap du nord de la France, prend aujourd'hui une place de plus en plus importante sur la scène hip-hop hexagonale.

À travers des textes engagés et une créativité débordante, de plus en plus de jeunes artistes, venant de Lille et de ses alentours, se démarquent avec des propositions artistiques innovantes et singulières.

Né à Madrid, mais grandi dans le Nord de la France, entre Valenciennes et Roubaix, Bekar fait partie de ces plumes lilloises touchantes et authentiques. Au travers de quatre projets très personnels - Boréal, Briques Rouges, Mira et Sierra - sortis de 2019 à 2022, l'artiste de 25 ans s'impose comme l'une des figures rap majeures de la scène nordiste.

Afin de confirmer ce statut, Bekar entreprend une nouvelle étape dans sa carrière, ce vendredi et dévoile son tout premier album studio, Plus fort que l'orage. A l'occasion de cette sortie, le jeune Lillois évoque son parcours au micro de BFMTV.com.

"Ça me paraissait impossible d'en faire mon métier"

Pour Bekar, le rap est à l'origine un "délire entre potes". Au lycée, il fonde avec quatre de ses amis son premier groupe, la Green Connexion. "On rappait partout où on pouvait ensemble", se souvient-il. C'était plus une passion qu'autre chose, parce que ça me paraissait tellement impossible à l'époque d'en faire mon métier"

En grandissant, le jeune lillois tente ensuite sa chance en solo. Alors étudiant en graphisme, Bekar fait la connaissance de Lucci, un producteur local, qui l'encourage à sortir un disque. Jonglant entre ses études et des petits boulots pour financer ses sessions d'enregistrement en studio à Roubaix, le rappeur dévoile en mars 2019, son premier EP, Boréal, distribué sur son propre label, Northface Records.

Entre égotrip et titres plus doux et introspectifs, cette carte de visite prometteuse de douze titres permet à Bekar de mettre en avant l'étendue de sa palette artistique et de gagner en notorité pour la suite de son aventure musicale.

"Dans les mois qui ont suivi, on a été contacté par quasiment toutes les maisons de disque de Paris. On faisait des allers-retours entre Lille et Paris. C'est là où tout a vraiment commencé", détaille Bekar.

Briques Rouges, premier succès

Après le succès de ce premier EP, tout s'enchaîne assez rapidement pour Bekar. Le rappeur remporte le tremplin régional du Main Square Festival à Arras, s'engage avec son premier partenaire, le tourneur Arachnée Productions et signe quelques mois plus tard un contrat avec la maison de disque Panenka, fondé par Fonky Flav', ancien membre du groupe de rap 1995.

Cette signature offre à Bekar un nouveau cadre et lui permet d'être ambitieux dans son travail. Attendu au tournant par ses fans, il sort, en septembre 2020, son deuxième projet Briques Rouges - en référence à l'architecture typique du Nord.

Sur ce disque de 18 titres, sans aucun featuring, le rappeur se dévoile avec sincérité sur sa jeunesse lilloise, ses relations familiales complexes mais aussi ses angoisses et ses peurs.

"Même s'il y a des trucs que j'aurais peut-être fait autrement, je suis fier de ce projet parce qu'il représente beaucoup pour moi sur là d'où je viens, là où j'ai grandi. C'est aussi grâce à ce disque que j'ai compris à quel point le rap me permettait d'extérioriser ce que j'avais en moi", confie Bekar.

Et d'ajouter: "C'est important quand tu es dans la musique, surtout dans le rap, d'affirmer là d'où tu viens. Ça renforce quelque chose de singulier. Je pense que ma musique ne serait pas pareille si j'avais grandi ailleurs."

Transformer l'essai

Pour faire patienter son public entre Briques Rouges et son futur album, Bekar travaille en parallèle sur le premier volet d'un projet, Mira, qui se veut "transitionnel". En 2022, Bekar vient compléter son disque avec un second opus, Sierra. Ensemble, les deux projets forment le nom du quartier qui l'a vu grandir à Madrid: Mirasierra.

"Contrairement à Mira, où je m'étais plus focalisé sur les vibes et les mélodies, cette deuxième partie est beaucoup plus aboutie en termes de textes et de direction artistique", détaille le rappeur.

Mais après quatre projets à succès, il faut désormais transformer l'essai. Entouré de son producteur de toujours, Lucci, Bekar se lance donc un nouvel objectif: réaliser son premier album.

"Au départ c'était un peu laborieux. Avec Lucci on a fait une vingtaine de maquettes, j'ai essayé plein de trucs mais je trouvais qu’il n'y avait pas vraiment de direction artistique qui ressortait", ajoute-t-il.

Pour trouver une cohérence sur l'album, Bekar prend comme fil conducteur la métaphore de l'orage. "Parfois, ça gronde de manière hyper violente, parfois c'est très calme et ça représentait bien les périodes un peu tumultueuses de ma vie", confie-t-il.

"Et d'ajouter dans le titre du disque que je suis 'plus fort' que l'orage, ça donne un message de détermination, comme si j'avais combattu mes vieux démons et que je m'en étais sorti", poursuit le rappeur.

"Je souhaitais amener ma musique ailleurs"

Attaché à rapper ce qu'il vit, Bekar livre sur cet album un témoignage des 25 premières années de sa vie. Il se confie sur des sujets difficiles tels que l'échec amoureux (Vide sentimental), le deuil d'un être cher (Au dessus d'un Airbus), sans oublier sa vie lilloise (Razorlight).

Avec ce disque, Bekar réalise aussi une prise de risque artistique. Pour composer son projet, le rappeur s'est entouré pour la première fois de véritables musiciens, le pianiste Vladimir Pariente, le guitariste Vincent David et le producteur et artiste Myth Syzer.

"Je souhaitais vraiment amener ma musique ailleurs. Je n'avais jamais sorti un disque aussi ambitieux dans les prods et dans les textes. Mais c'est important dans une vie d'artiste de faire des choix comme ça, d'assumer un délire propre à soi-même et de pousser à fond", indique Bekar.

L'artiste lillois convie également de nombreux artistes tels que la chanteuse Zinée (Effet mer) ou le rappeur PLK (Fisheye), pour lequel Bekar a réalisé les premières parties de ses Zénith.

"PLK, c'est quelqu'un que j'apprécie beaucoup humainement et artistiquement. Et pendant la création de l'album, il m'a fait la surprise, avec mon équipe, le jour de mon anniversaire le 8 janvier de m'envoyer son couplet sur 'Fisheye'", confie Bekar.

Alors que la scène rap lilloise est en plein développement, avec des artistes comme ZKR, Ben PLG ou encore Sto, l’arrivée du premier album de Bekar pourrait enfin être la consécration attendue par la région depuis de nombreuses années. Avec Plus fort que l'orage, le Roubaisien de 25 ans franchit aussi un nouveau cap et s'ouvre une voie royale auprès des plus grands.

Carla Loridan