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Musique

Le musicien sud-africain Johnny Clegg est mort à l'âge de 66 ans

Johnny Clegg en juin 2017

Johnny Clegg en juin 2017 - Rodger Bosch - AFP

Le manager de Johnny Clegg a annoncé la mort du chanteur, survenue ce mardi. Un cancer du pancréas lui avait été diagnostiqué en 2015.

Le musicien sud-africain Johnny Clegg, surnommé le "Zoulou blanc", est mort mardi des suites d'un cancer à l'âge de 66 ans, a annoncé son manager à la chaîne de télévision publique SABC.

"Johnny est mort paisiblement aujourd'hui, entouré de sa famille à Johannesburg (...), après une bataille de quatre ans et demi contre le cancer", a déclaré son manager, Rodd Quinn, sur la SABC. 

"Il a joué un rôle majeur en Afrique du Sud en faisant découvrir aux gens différentes cultures et en les rapprochant", déclare Rodd Quinn dans un communiqué. "Il nous a montré ce que cela signifiait d'embrasser d'autres cultures sans perdre son identité".

Une voix anti-apartheid

Johnny Clegg a puisé dans la culture zoulou son inspiration pour concevoir une musique révolutionnaire où les rythmes africains cohabitent avec guitare, clavier électrique et accordéon. Engagé dans la lutte contre l'apartheid, il a co-fondé deux groupes composés d'hommes noirs et blancs en pleine période de séparation des peuples, comme le rappelle NPR. L'un de ses plus grands tubes planétaires, Asimbonanga ("Nous ne l'avons pas vu", en langue zoulou), est dédié à Nelson Mandela.

Quelques années après la fin de l'apartheid, l'auteur et le héros de cette chanson, désormais libre, s'étaient retrouvés sur scène à Francfort (Allemagne) pour un concert aussi magique qu'inattendu.

Alors que Johnny Clegg chantait Asimbonanga, le public s'était levé comme un seul homme.

"J'ai aperçu du coin de l'oeil quelqu'un derrière moi qui était en train de monter sur la scène, en dansant (...). C'était Mandela! Ça a été un choc. Je ne savais même pas qu'il était là", avait raconté Johnny Clegg à l'hebdomadaire français Le Nouvel Observateur.

Star (seulement) à l'étranger

Longtemps victime de la censure en Afrique du Sud, il a connu le succès à l'étranger avant d'accéder au statut de star dans son pays. Pendant les pires heures du régime raciste, ses chansons ont été interdites. Pour contourner la censure, il a été contraint de se produire - avec son groupe Juluka, formé avec le musicien zoulou Sipho Mchunu - dans les universités, les églises, les foyers de migrants et chez des particuliers. 

"Nous devions faire preuve de mille et une astuces pour contourner la myriade de lois qui empêchaient tout rapprochement interracial", racontait-il à l'AFP en 2017.

Malgré tout, l'intraitable police de l'apartheid a interdit certains de ses concerts et le chanteur a été à plusieurs reprises arrêté, accusé de violer les lois sur la ségrégation raciale. Le gouvernement raciste blanc ne pouvait pas non plus tolérer qu'un des siens puise son inspiration dans l'Histoire et la culture zoulou.

À l'étranger pourtant, et notamment en France, Johnny Clegg a rapidement trouvé un public. "Les gens étaient très intrigués par notre musique", expliquait le chanteur et danseur, adepte de concerts très physiques. En 1982, la sortie de son album Scatterlings of Africa le propulse en tête des hit-parades en Grande-Bretagne et dans l'Hexagone.

"Né deux fois"

Né en 1953 au Royaume-Uni d'un père britannique et d'une mère zimbabwéenne, chanteuse de jazz de cabaret, Johnny Clegg débarque à l'âge de 7 ans dans une Afrique du Sud où la minorité blanche règne en maître absolue sur la majorité noire. Initié aux cultures locales par son beau-père journaliste, Johnny Clegg assure que son refus de l'apartheid n'a rien de politique.

"Je n'étais pas motivé politiquement mais culturellement. J'aime la musique et la danse", expliquait-il simplement. Il se glisse dès 15 ans dans les foyers de travailleurs noirs, au mépris des interdits. Là, il découvre les danses et les mélodies zoulou et s'invite secrètement pour danser avec les troupes traditionnelles. Quand l'apartheid tombe définitivement en 1994, "c'est comme si nous étions tous nés une seconde fois", confiera-t-il.

Santé détériorée

En septembre 2018, le chanteur avait accordé une interview à Paris Match dans laquelle il donnait des nouvelles peu rassurantes de son état de santé. Il avait alors connu trois rémissions du cancer du pancréas et deux tumeurs au poumon venaient de lui être détectées. "Tout le monde sait que la fin approche. C’est une question de mois au pire, d’années au mieux", avait-il déclaré.

Entre 2017 et 2018, il s'est lancé dans une tournée d'adieux dont il a réussi à honorer toutes les dates. 

Benjamin Pierret avec AFP