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"The Killer": comment une BD française a inspiré le nouveau film de David Fincher

Couverture du premier tome de la BD "Le Tueur" et l'affiche de "The Killer", son adaptation cinématographique par David Fincher

Couverture du premier tome de la BD "Le Tueur" et l'affiche de "The Killer", son adaptation cinématographique par David Fincher - Casterman - Netflix

Adapté d'une BD de Matz et de Luc Jacamon, le nouveau film du réalisateur de Seven suit un tueur à gages obsessionnel envoyé aux quatre coins du monde pour liquider ses cibles.

La sortie de The Killer, ce vendredi, sur Netflix, est un événement à bien des égards. Ce nouveau thriller d'action de David Fincher, sur un tueur à gages sans états d'âmes, marque non seulement le retour de Michael Fassbender à l'écran après six ans d'absence, mais aussi une rare incursion de Hollywood dans la BD française.

Adapté du Tueur, une BD du scénariste Matz et du dessinateur Luc Jacamon déclinée en 13 tomes, The Killer suit un tueur à gages obsessionnel (Michael Fassbender) dont la voix off berce le film. Ascète du crime, solitaire et ultra-méticuleux, il est envoyé aux quatre coins du monde liquider ses cibles.

"Le premier scénariste de BD français adapté à Hollywood, a priori, c'est moi!", s'enthousiasme sur BFMTV Matz, dont l'album Du plomb dans la tête a aussi inspiré un film avec Sylvester Stallone en 2013. "Barbarella (BD de Forest des années 1960) avec Jane Fonda est un film franco-italien et Tintin, dont Spielberg s'est emparé, est une BD belge", précise-t-il.

"Les pensées du tueur"

Tout commence au milieu des années 1990. Grand amateur de polars (Jean-Patrick Manchette, James Cain) et de films noirs (Le Samouraï, La Loi du milieu avec Michael Caine), Matz souhaite consacrer un livre à la figure du tueur à gages qu'il juge sous-employé dans la fiction.

"Je voulais le faire sous forme de roman. Et en cours de route, je me suis dit que ce serait mieux en BD: on pourrait ainsi lire les pensées du tueur qui seraient déconnectées de ce que les cases montrent pour créer une profondeur. J'ai eu du mal à le vendre aux éditeurs. Plusieurs ont refusé", se souvient-il.

Le Tueur, finalement édité par Casterman, rencontre un certain succès sans toutefois susciter l'engouement du cinéma français. Sa publication outre-Atlantique en 2006, va pourtant changer le statut de cette œuvre, que Matz a imaginée comme un "polar pur et dur": "Dans les six mois, on a eu six ou sept offres d'adaptation à Hollywood. C'était totalement étonnant."

"On n'a pas lâché le projet"

Parmi ces offres figure celle de David Fincher avec Paramount et Plan B, la société de production de Brad Pitt. "Là-bas, les gens sont très à l'affût de tout et sans a priori. Ce qui n'était pas le cas en France", dénonce Matz. Tobey Maguire, l'interprète de Spider-Man, se place également sur les rangs.

"Les autres voulaient juste faire un film d'action et j'aimais déjà les films de Fincher", raconte Matz. "Je n'ai pas hésité une seule seconde." Alors accaparé par Zodiac et L'étrange histoire de Benjamin Button, Fincher va mettre près de 18 ans à mener à bien ce projet. Entre-temps, Le Tueur s'est enrichi d'une demi-douzaine de tomes.

"On n'a pas lâché le projet. Ni lui ni moi. On a fait une BD ensemble, une adaptation du Dahlia noir que j’ai cosigné avec lui. On a toujours été en contact. On a bien sympathisé au fil du temps. Quand il a eu l'opportunité de proposer Le Tueur à Netflix, il l’a fait et ça c’est fait comme ça."

17 ans de gestation

Au cours de ses 17 ans de gestation, le projet a très peu changé. "La première fois qu’on en a parlé, il m'a dit ce qu'il voulait faire et c'est exactement ce qu'il a fait 18 ans après. Ça lui plaisait beaucoup comme concept. C'est un homme tout à fait fidèle et persévérant." Matz aussi est resté fidèle à David Fincher:

La couverture de la BD "Le Tueur" de Matz et Jacamon
La couverture de la BD "Le Tueur" de Matz et Jacamon © Casterman
"Il y a eu un long moment où personne n'avait les droits. L'option de Paramount avait expiré. J'ai repoussé pas mal d'offres en attendant Fincher. Avec un risque que ça n'arrive jamais. Mais je m’étais dit que ça valait le coup de prendre ce risque. Je pensais qu’il ne ferait pas une série B d’action qui passerait aux oubliettes aussitôt."

Individualisme moderne

David Fincher était fasciné par le "décalage sinon comique, du moins ironique, entre ce que pense le tueur et ce qui lui arrive", a-t-il raconté dans les colonnes de Télérama. Le réalisateur du Social Network a voulu dénoncé avec ce personnage une forme d’individualisme moderne:

"Ce tueur anonyme est déconnecté de la société et ne cesse de ressasser sa vision du monde, encore et encore, pour ne pas affronter l’insupportable réalité de son métier. Nous nous mentons tous à nous-même, pour justifier égoïstement certains de nos comportements. Mais un jour, la réalité nous rattrape comme elle rattrape le tueur."

Matz est très heureux du résultat. "Michael Fassbender a dit dans une interview qu'il s'était beaucoup inspiré de la BD pour son personnage. Ça m'a touché", s'émeut le scénariste, très heureux également des "couches supplémentaires" ajoutées à son histoire par Fincher. "Elles sont tout à fait passionnantes à mon avis."

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV