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Sandrine Kiberlain réalise "Une jeune fille qui va bien", un film lumineux contre l'antisémitisme

Rebecca Marder dans "Une jeune fille qui va bien"

Rebecca Marder dans "Une jeune fille qui va bien" - Copyright Jérôme Prébois

L'actrice signe son premier film, le portrait d'une adolescente juive insouciante dans le Paris de mai 1942. Un film réalisé pour aborder la recrudescence de l'antisémitisme, un sujet qui la hante.

Raconter d'une manière volontairement joyeuse l'une des pages les plus sombres de l'Histoire, tel est le projet d'Une jeune fille qui va bien (au cinéma ce mercredi 26 janvier). Ce premier film réalisé par Sandrine Kiberlain dresse le portrait d'une adolescente juive (Rebecca Marder de la Comédie-Française), qui ne vit que pour le théâtre et découvre l'amour dans une certaine insouciance, alors que l'étau de la collaboration se resserre dans le Paris de mai 1942, où les Juifs doivent désormais porter l'étoile jaune.

Sobriété et minimalisme sont les maîtres-mots de ce film qui ose une représentation atypique d'une époque déjà maintes fois évoquée au cinéma. "Je voulais parler de la guerre sans la montrer. Je voulais être le plus intemporel possible", explique sur BFMTV Sandrine Kiberlain. "Quand on est dans le présent, on ne se rend pas compte que le monde change. C'est ce que je voulais raconter en suivant le parcours de cette jeune fille ultra vivante qui ne peut pas soupçonner de quoi le lendemain sera fait."

Impossible de montrer l'horreur

Une idée qui a permis à la réalisatrice de marquer le public lors des avant-premières organisées depuis la présentation du film à la Semaine de la Critique du Festival de Cannes 2021: "Le fait de suivre au quotidien cette héroïne qui ne se soucie de rien d'autre que de sa joie implique davantage le public dans l'histoire. Fort de son savoir sur cette période, le public craint davantage pour elle", assure l'actrice vue dans une soixantaine de films (Polisse, Neuf mois ferme).

"Pour moi, il est bien plus choquant de montrer une fille qui va bien, et ce dont elle va être privée, que de montrer l'horreur. Cette horreur, d'ailleurs, on ne peut pas la montrer ou l'imaginer", ajoute encore la réalisatrice, dont l'ambition avec ce film est de combattre la recrudescence de l'antisémitisme et du négationnisme. Un projet de longue date pour cette comédienne à l'aise dans tous les registres, qui attendait de "trouver le bon angle" pour aborder ces sujets qui la "hantent".

"C'est quelque chose que je n'ai jamais compris et je ne comprends pas du tout pourquoi ça continue de faire débat aujourd'hui", poursuit la comédienne doublement césarisée. Avec Une jeune fille qui va bien, elle souhaite "apporter sa pierre à l'édifice" et partager "la mémoire transmise par [sa] famille": "Il faut continuer à raconter cette histoire, et à le faire le plus personnellement possible. Il ne faut jamais oublier. Je suis contente dans ma courte vie d'avoir pu raconter à ma façon cette histoire."

Continuer de transmettre

Petite-fille de quatre grands-parents juifs polonais, arrivés en France en 1933, et rescapés de la Shoah, fille d'un expert-comptable qui a rencontré sa femme dans un atelier de théâtre, Sandrine Kiberlain n'a pas pour autant réalisé un biopic de sa famille: "Le film est inventé de toutes pièces, mais il y a forcément des influences de ma vie. Je me raconte beaucoup dans le film. Les gens vont mieux me connaître en allant voir le film qu'en allant voir les films dans lesquels je joue."

Sandrine Kiberlain a plutôt puisé son inspiration du côté du Journal d'Anne Frank et du Journal d'Hélène Berr, deux témoignages fondamentaux de la période. "Le Journal d'Anne Frank m'avait complètement choquée quand je m'étais rendue compte qu'il était resté inachevé. J'ai essayé de reproduire ce choc au cinéma. Dans Le Journal d'Hélène Berr, il y a cette phrase qui m'a beaucoup marquée et qui m'a servi de point de départ pour le film: 'Il fait toujours beau les jours de catastrophe'."

Plébiscitée par la presse et les premiers spectateurs, Sandrine Kiberlain aimerait repasser derrière la caméra. Elle se fixe deux conditions: "ressentir une nécessité" et "pouvoir apporter quelque chose de nouveau". En attendant, elle sera le 16 février dans Un autre monde, le nouveau film de Stéphane Brizé et Vincent Lindon après La Loi du marché et En guerre. Et elle retrouvera en avril Albert Dupontel pour Second tour, une comédie où une journaliste enquête sur un mystérieux candidat.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse avec AFP Journaliste BFMTV