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"NTM a inventé une langue": "Suprêmes", le biopic coup de poing de JoeyStarr et Kool Shen

Sandor Funtek et Théo Christine sur le tournage du film "Supremes" d’Audrey Estrougo

Sandor Funtek et Théo Christine sur le tournage du film "Supremes" d’Audrey Estrougo - Gianni Giardinelli / Sony Pictures Entertainment France

En salles ce mercredi 24 novembre, "Suprêmes" retrace les débuts du célèbre groupe de rap. Sa réalisatrice Audrey Estrougo raconte les coulisses de ce film qui veut redonner la parole aux banlieues.

Après un passage remarqué au dernier festival de Cannes, Suprêmes, le biopic du groupe de rap NTM, sort en salles ce mercredi 24 novembre. Réalisé par Audrey Estrougo, ce film retrace les débuts de Didier Morville (JoeyStarr) et Bruno Lopes (Kool Shen), de leur début en Seine-Saint-Denis au Zénith de Paris du 24 janvier 1992. "On sort le rap de terre et on l’amène à la lumière, au zénith", résume Audrey Estrougo.

Sous son impulsion, Suprêmes se démarque des autres biopics en ancrant le récit dès ses premières minutes dans une réalité concrète. On y voit les membres du collectif Suprêmes NTM graffer le titre du film sur un métro. Une scène tournée dans l'esprit du groupe:

"C’était très important que le film commence sous terre, dans le métro, sachant que l’on n’a pas le droit de tourner dans le métro. On a rusé. On a fait les brigands. On a fait des courses poursuites avec la police. On a fait du vandalisme. On a repeint un métro aux couleurs des années 1980 et 1990 et on l’a graffé. On a tout fait en hors-la-loi car c’est interdit."

NTM au travail

Suprêmes, dont le scénario a été écrit par Audrey Estrougo et Marcia Romano, puis supervisé par JoeyStarr, Kool Shen et DJ S, imprime sur grand écran la légende du groupe, selon laquelle NTM s'est formé par hasard, sans calcul. Mais Audrey Estrougo les montre aussi au travail, un stylo bille à la main, suant en train de noircir les pages de leurs cahiers. Comme pour insister sur l'importance de ce duo précurseur et leur talent inné.

"Ils ont inventé le rap!", insiste la réalisatrice. "Ils ont inventé une langue, une manière d’écrire le monde, une manière de la chanter, une manière de le punchliner. C’est impressionnant. Que des gamins de vingt ans aient une telle plume, une telle réflexion, un tel regard sur leur monde, c’est incroyable. C’est ultra prophétique surtout, parce que rien n’a changé. J’avais envie de remettre en avant la richesse de leurs textes."

Audrey Estrougo voit Suprêmes comme "une passerelle entre les générations antérieures et celles d’aujourd’hui", pour "questionner le monde d’hier par le prisme d’aujourd’hui": "Le film raconte surtout un abandon terrible des politiques envers cette jeunesse. On n’a jamais voulu entendre ce que NTM avait à dire. On n’a jamais voulu les considérer comme des musiciens. On les a tout de suite présentés comme les représentants d’une jeunesse en colère alors qu'ils se revendiquaient autrement. Ils n’ont jamais eu le droit de le dire publiquement. C’est terrible."

C'est chose faite avec Suprêmes, film toujours en mouvement, sauf lorsque le groupe est confronté à des figures d'autorité (les maisons de disque, le père de JoeyStarr). "Je voulais du mouvement, parce qu’on parle d'une jeunesse pleine d’espoir, persuadée que les choses pouvaient changer. Il fallait que cette énergie traverse l’écran, qu'elle percute le spectateur, parce que c’est ce qui fait que ce groupe n’a pas la même identité que les autres."

Trouver les bons comédiens

Pour transmettre cette énergie, il a fallu aussi trouver les bons JoeyStarr et Kool Shen. C'est au terme d'un long processus d'environ six mois qu'elle s'est décidée pour Théo Christine (JoeyStarr) et Sandor Funtek (Kool Shen).

"Je me demandais s’il me fallait des rappeurs, des chanteurs. Il y avait cette idée de faire des vrais lives. Il fallait être capable de monter sur scène et d'être crédible artistiquement. Sinon, on me rejetterait le film. J’ai finalement choisi deux comédiens qui n’avaient jamais fait de rap, mais qui avaient la capacité d’abattre le travail nécessaire pour arriver à ce résultat-là."

Il a fallu un an de travail à Théo Christine et Sandor Funtek pour apprendre à rapper comme il y a trente ans. "C'est une différente manière de respirer, de parler", précise la réalisatrice. "J'ai refusé au casting des rappeurs d'aujourd'hui qui étaient totalement en galère pour faire des vieux morceaux de NTM. Ce n'était pas leur flow, pas leur plume, pas leur musique."

L'intimité du duo

Afin que ses comédiens se glissent dans la peau de leur personnage, Audrey Estrougo leur a fait apprendre dans un premier temps des morceaux de 1998 avant de "gommer ce qui n’avait pas de lien avec la narration pour arriver aux morceaux de 1990, qui sont les plus compliqués". JoeyStarr et Kool Shen eux-mêmes n'étaient pas très loin pour les conseiller: "Ils ne les ont pas coachés, mais ils étaient là pour eux. On a pu aller les observer en résidence quand ils préparaient leur dernière tournée."

NTM, c'est plus qu’une histoire de musique. Le film explore en toute logique l’intimité du duo pour mieux comprendre son fonctionnement. "Bruno a été plus que le collègue de musique de Didier", détaille Audrey Estrougo. "Il a été son repère, son roc, son papa quelque part."

Théo Christine se révèle très impressionnant en JoeyStarr brisé par son père abusif. "Il est encore à un âge où il ignore absolument tout ce qu’il fait", lance admirative Audrey Estrougo. "Il va sans calcul dans les émotions. C’est un bonheur, quand on est réalisateur. Il ne fabrique pas. Il vivait vraiment les scènes." On devrait entendre parler de lui aux César en février 2022.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV