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"Le Dernier Voyage", "Méandre", "Oxygène"... la SF made in France contre-attaque

"Le Dernier Voyage"

"Le Dernier Voyage" - Copyright Tandem Films

Les cinémas rouvrent avec Le Dernier Voyage et Méandre, deux propositions de genre ambitieuses et inattendues. A l'heure où Oxygène cartonne aussi sur Netflix, la SF française tient-elle enfin sa revanche?

Souvent décriée pour son manque d’ambition et de crédibilité, la SF made in France tente une contre-attaque dans les salles obscures. Les cinémas rouvrent leurs portes avec Le Dernier Voyage (le 19 mai) et Méandre (le 26 mai), deux propositions inventives qui témoignent de la volonté de combattre ce cliché selon lequel la France ne saurait pas faire de SF:

"Il y a eu Jules Vernes, Georges Méliès... On sait faire de la SF! C'est juste qu'on a oublié. Et ce n'est pas parce qu'on a moins d'argent que les Américains qu'il ne faut pas en faire!", assure Romain Quirot, le réalisateur du Dernier Voyage, dont la bande-annonce a suscité énormément de réactions très positives ces dernières semaines sur les réseaux sociaux.

Avec Mathieu Turi (Méandre), mais aussi Léo Karmann (La Dernière vie de Simon, 2020), Céline Sciamma (Petite maman, le 2 juin au cinéma) et Douglas Attal (Comment je suis devenu super-héros, le 9 juillet sur Netflix), Romain Quirot fait partie d’une "nouvelle génération de réalisateurs qui n'a pas envie de se faire enfermer dans une case" et ose prendre à bras le corps la SF: "On veut prendre des risques. On se bat, c'est compliqué, mais avec la passion des premières fois, l’envie de proposer quelque chose de différent. Le plus gros frein, c’est la peur."

Affiche du "Dernier Voyage"
Affiche du "Dernier Voyage" © Copyright Tandem Films

Le succès d’estime et le retentissement à l’international du film horrifique Grave (2016) de Julia Ducournau est à l’origine de cette nouvelle vague, estime Mathieu Turi: "C'est d'autant plus facile pour moi d'en parler que j'ai fait Hostile, mon premier film, avant cette espèce d'engouement qui a été redémarré après Grave. C'était alors très compliqué. Personne ne voulait faire de genre en France."

Depuis, une nouvelle génération de producteurs, qui a grandi avec Steven Spielberg et James Cameron, est arrivée. "C'est un vrai changement. Les décisionnaires de ce genre de cinéma comprennent de quoi on parle, ils ont les codes. C'est génial." Et d’ajouter: "Ce n'est toujours pas simple, mais c'est moins complexe. II suffit de voir le nombre de films de SF et de genre qui sortent. Maintenant, il faut qu'il y en ait qui marche!"

Le Dernier voyage, Mad Max et Star Wars à la sauce française

Six ans après le succès de son court-métrage Le Dernier voyage de l'énigmatique Paul W.R., Romain Quirot sort sur grand écran son premier long, Le Dernier Voyage, dont il est une version longue et remaniée. L’intrigue se déroule dans un futur proche. La France est devenue un désert. Alors qu’une mystérieuse lune rouge exploitée à outrance pour son énergie change de trajectoire et fonce sur la Terre, Paul W.R., le seul astronaute capable de la détruire, refuse d’accomplir sa mission et disparaît...

"Proposition de film à grand spectacle" réalisé "en mode kamikaze" avec un budget réduit, Le Dernier Voyage impressionne par la qualité de ses effets spéciaux et sa capacité à s’emparer de la pop culture française pour la fondre dans un univers de science-fiction. "J’ai voulu m'amuser avec les images de la SF et de les amener dans un univers français", explique le réalisateur, qui utilise Couleur Menthe à L'Eau d'Eddy Mitchell pour rythmer un affrontement assez violent entre son héros et une milice aux allures de stormtroopers.

Le Dernier Voyage, qui s'inspire autant du Petit Prince que de Ray Bradbury, et détourne les clichés des récits de sauveur de l’humanité, peut faire penser aux premiers Star Wars et à Mad Max. Tourné au Maroc à Casablanca et dans le désert de Ouarzazate, dans des intérieurs Art déco et de vieux décors de films américains, le film a bénéficié de la lumière et des paysages d’Afrique du Nord, renforcés en post-production pour créer une ambiance post-apocalyptique:

"J'aime bien la poésie qui se dégage de ces ambiances désertiques", s’enthousiasme Romain Quirot, qui a pu se lancer dans cette folle aventure grâce au soutien la productrice Fannie Pailloux, une ancienne collaboratrice de Luc Besson: "C'était un tournage un peu fou. J'étais avec ma caméra, à cadrer moi-même, un peu à tous les postes. On était dans des granges pour créer des voitures volantes et des fusées. Ça nous obligeait à se donner coeur et âme dans ce projet, à avoir une croyance totale dans l'univers, même si ça faisait peur au départ."

En bon lecteur de Dune, il sait aussi qu’il faut combattre la peur pour avancer: il planche d'ailleurs déjà sur un nouveau projet, une série de SF, toujours en France.

Méandre, une relecture d’Aliens de James Cameron

Assistant réalisateur sur Inglourious Basterds, Sherlock Holmes 2 ou encore Lucy, Mathieu Turi signe Méandre, son deuxième film. Une jeune femme se réveille dans un tube rempli de pièges mortels. Pour ne pas mourir, elle doit avancer… Mathieu Turi s’est inspiré d’Aliens, le retour (1986) de James Cameron: "Quand j'ai cherché à faire un film concept, j'ai réfléchi aux idées qui m'avaient toujours terrifié. Il y a une scène très précise dans Aliens qui m’avait fait cet effet-là ado alors qu'il ne s’y passe rien: c'est la scène où Bishop doit passer dans un tube d'aération pour aller récupérer l'antenne à la fin. Si un alien arrive, il meurt!"

Bercé par le cinéma de SF depuis son enfance ("le premier film que j'ai vu, c'est The Thing de Carpenter quand j'avais 6 ans. ça a forcément fait des dégâts!"), Mathieu Turi est animé par "l'envie de surprendre": "Dans les huis clos, les personnages sont habituellement coincés. Là, elle est tout le temps en mouvement", commente le réalisateur, qui s’est refusé à tout dialogue inutile: "l'idée est de jouer sur les silences, les regards, l'action pure."

Si Méandre suit un postulat très classique, celui de la femme enlevée par un individu louche rencontré en pleine nuit sur une route isolée, le film bifurque rapidement: "La logique du spectateur qui a vu ça 1.000 fois est de se dire que c'est lui qui l'a mis dans le tube, mais le film bascule dans la SF au milieu et je l'assume jusqu'au bout, quitte à rebuter les gens. L’idée est de réveiller le spectateur: dans le cinéma français, c'est toujours difficile d'assumer la SF avec un petit budget. il faut être malin. Il faut l'implanter de manière nouvelle."

Doté d’un budget de 2,6 millions d’euros, Méandre a pu bénéficier de bonnes conditions de fabrication: 33 jours de tournage, et une post-production pour peaufiner les 150 plans d'effets spéciaux du film. "Le paradoxe en France, c'est qu’on a peu d’argent pour faire les films de genre, et ce sont ces films où il faut mettre le plus d'argent à l'image", déplore Mathieu Turi. Il a pu compter sur le soutien de techniciens aguerris, le chef opérateur Alain Duplantier (Pour elle) et le spécialiste des VFX Jean-Christophe Spadaccini, collaborateur de Jean-Pierre Jeunet, "un génie du genre qui fait tout sur le plateau". Sans attendre la sortie de Méandre, Mathieu Turi prépare déjà la suite, un nouveau film de genre qui devrait mélanger terreur et social.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV