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Cinéma

Le dernier cinéma porno parisien survit "pour se faire plaisir"

Maurice Laroche teint le dernier cinéma pornographique de Paris.

Maurice Laroche teint le dernier cinéma pornographique de Paris. - -

Concurrencés par les sites gratuits disponibles sur Internet, les cinémas porno d'antant n'ont plus beaucoup de clients. A Paris, le Beverley est le dernier lieu de projection X. Reportage.

Au son du rideau métallique qui se lève, les clients apparaissent des coins de rues et s'engouffrent dans l'unique salle aux fauteuils rouges du Beverley, pour y regarder les films pornographiques des années 70, 80 ou 90.

Seul à avoir survécu à la concurrence d'Internet, Le Beverley, dernier cinéma pornographique de Paris, accueille quotidiennement "une centaine de spectateurs seulement", déplore le propriétaire, Maurice Laroche, parce qu'"avant c'était une ruche ici".

"Il y a des habitués, comme ce Monsieur qui vient depuis trente ans", raconte le propriétaire de ce cinéma jouxtant les grands boulevards, dans le IIe arrondissement.

Autoproclamé "fondateur du patrimoine des plaisirs"

Un quart d'heure après l'ouverture, dans le cinéma autoproclamé "fondateur du patrimoine des plaisirs", une dizaine de clients sont installés aux quatre coins de la salle Alain Payet (réalisateur de films pornographiques) qui accueille aussi deux soirs par semaine une soirée "couples".

L'entrée de 12 euros donne accès aux projections de midi à 21h. "Certains restent 6 heures, d'autres quelques minutes déçus de ne pas avoir trouvé de femmes, même s'il y en a à l'écran", explique Maurice Laroche.

Les spectateurs viennent surtout pour "se faire plaisir", avoue amusé le propriétaire, qui vend au guichet des paquets de mouchoirs, pour les "sensibles" qui "ont vite la larme à l'oeil".

Salle parfumée aux huiles essentielles

Maurice Laroche parfume la salle du cinéma X qu'il gère.
Maurice Laroche parfume la salle du cinéma X qu'il gère. © -

Maurice Laroche est un peu l'homme à tout faire: agent de nettoyage, ouvreur et projectionniste. Il parfume la salle d'huiles essentielles. Au guichet, il vend le petit ticket de cinéma à l'ancienne entouré d'affiches annonçant le "parfum d'une petite culotte". Dans la cabine de projection il plaisante en changeant de bande "le plus dur c'est de trouver le trou... de la bobine!".

L'homme de 71 ans, "comme Johnny mais mieux conservé", est entré comme directeur au sein du Beverley en 1983, alors qu'il n'avait "jamais mis les pieds dans un porno". En 1992, il a racheté le cinéma à son patron qui partait à la retraite.

Le porno est "à 85% sur des sites gratuits"

"Avant on faisait des soirées à thème, on faisait de la lecture de poésies érotiques écrites par les clients", se rappelle Maurice Laroche.

Il renouvelle la programmation du Beverley chaque semaine avec deux "nouveaux" films en bobine 35 mm ou en numérique datant des années 1970, 1980 ou 1990. Le propriétaire se fournit auprès du dernier distributeur de films pornographiques, "on se fait vivre l'un de l'autre, on se soutient", explique le propriétaire.

Le Beverley recevait "deux fois plus de clients il y a dix ans" se souvient le propriétaire. Mais la consommation de vidéos pornographiques se fait "à 85% sur des sites gratuits", selon un sondage réalisé en décembre 2013 par l'institut Harris Interactive pour le producteur de films X français Marc Dorcel, leader européen avec un chiffre d'affaires de 27,5 millions d'euros en 2013.

La diffusion de films porno en salle "n'est pas rentable"

Au Beverley, ce sont encore des bobines 35 mm.
Au Beverley, ce sont encore des bobines 35 mm. © -

Pour le septuagénaire, la diffusion de films porno en salle "n'est pas rentable, il n'y a plus assez de bénéfices et trop de taxes".

Même s'"il vaut mieux que je pense à acheter mon cercueil, arrivé à 70 ans", blague le propriétaire, il continuera d'être à la tête du Beverley "tant que je pourrai le faire et que j'y trouve du plaisir". "Après moi, ce sera terminé pour Le Beverley, il deviendra peut-être un petit théâtre", estime Maurice Laroche.

M. P. avec AFP