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Cinéma

Israël-Hamas: indignation après des propos jugés antisémites à la Berlinale, une enquête ouverte

Le tapis rouge de la 74e Berlinale, le 15 février 2024

Le tapis rouge de la 74e Berlinale, le 15 février 2024 - Odd Andersen - AFP

De nombreuses voix ont dénoncé des positions "unilatérales" sur le conflit véhiculées à Berlin lors de la manifestation culturelle.

Le festival du film de Berlin s'est retrouvé lundi au coeur d'une vive polémique après des déclarations jugées "inacceptables" de lauréats à l'encontre d'Israël qui vont provoquer l'ouverture d'une enquête par les autorités allemandes.

Les faits remontent à samedi, lors de la cérémonie de remise des prix de la Berlinale, quand des metteurs en scène ont sévèrement critiqué Israël dont les bombardements à Gaza ont fait près de 30.000 morts, majoritairement civils, selon le ministère de la Santé du Hamas.

Le problème: ces artistes n'ont pas mentionné parallèlement que l'offensive israélienne avait été déclenchée par une attaque sans précédent menée en Israël le 7 octobre dernier par le Hamas, qui a entraîné la mort d'au moins 1.160 personnes, là aussi en majorité des civils, ni que l'organisation terroriste détient toujours 130 otages israéliens.

"Une telle position unilatérale ne peut être tolérée"

Et depuis dimanche, les voix accusant la Berlinale de propager l'antisémitisme se sont multipliées.

"Il est inacceptable que l'attaque terroriste du Hamas du 7 octobre n'ait pas été mentionnée", a déclaré lundi une porte-parole du gouvernement, Christiane Hoffmann, lors d'une conférence de presse régulière.

Le chancelier Olaf Scholz estime "qu'une telle position unilatérale ne peut être tolérée, et que dans tout débat sur ce sujet, il est important de garder à l'esprit l'événement qui a déclenché cette nouvelle escalade du conflit au Moyen-Orient", a-t-elle insisté.

"Relativisation inacceptable"

La ministre de la Culture écologiste Claudia Roth a annoncé lundi qu'elle se pencherait sur "les incidents survenus", en collaboration avec le maire conservateur de Berlin Kai Wegner, tous deux se partageant la responsabilité de la Berlinale.

Une enquête doit déterminer comment ces déclarations ont pu être faites et éviter que cela se reproduise à l'avenir.

Kai Wegner a parlé d'une "relativisation inacceptable". "L'antisémitisme n'a pas sa place à Berlin, et cela vaut également pour la scène artistique", a-t-il dit dans un message sur son compte X.

Accusation de "génocide"

Parmi les interventions concernées figurent celle de Casel Adra, qui s'est vu décerner samedi un prix pour un film sur les expulsions de Palestiniens en Cisjordanie occupée. Il a notamment accusé Israël de "massacrer" la population palestinienne.

Le cinéaste américain Ben Russel est lui monté sur la tribune en portant un foulard palestinien et en accusant Israël de génocide. Leurs prises de position ont été applaudies par l'assistance dans la salle.

Parler de génocide signifierait que "l'armée israélienne attaque pour tuer des Palestiniens pour la simple raison qu'ils sont palestiniens", a déclaré Felix Klein, coordinateur du gouvernement chargé de la lutte contre l'antisémitisme. Or "Israël se défend après l'attaque terroriste du Hamas", a-t-il ajouté au groupe de médias Funke.

Indignation du Conseil central des juifs d'Allemagne

Des voix se sont élevées lundi pour réviser le financement public accordé au festival. "J'attends des responsables politiques qu'ils se positionnent clairement et qu'ils tirent les conséquences en ce qui concerne la promotion de la culture", a ainsi déclaré le président du Conseil central des juifs d'Allemagne Josef Schuster au journal populaire Bild.

"L'incitation à la haine contre Israël et les juifs lors d'événements culturels allemands est devenue d'une régularité effrayante", a-t-il ajouté.

Un scandale autour de contenus jugés antisémites avait notamment éclaté l'an passé lors de l'exposition allemande Documenta, l'un des plus grands rendez-vous internationaux d'art contemporain. Sa directrice avait fini par démissionner en juillet.

Des propos "ressentis comme trop partiaux"

Dans le cas de la Berlinale, aucune conséquence de ce style à attendre puisque Mariette Rissenbeek et Carlo Chatrian, qui dirigaient en duo le festival depuis 2020, vont laisser la place pour la prochaine édition à l'Américaine Tricia Tuttle.

L'Allemagne, traumatisée par les horreurs de l'Holocauste quand les nazis ont exterminé 6 millions de Juifs, a été l'un des principaux soutiens d'Israël et de son droit à l'autodéfense à la suite des attentats du 7 octobre.

La Berlinale avait déclaré dimanche que les remarques des lauréats étaient "des opinions indépendantes et individuelles" qui ne reflétaient en aucun cas la position du festival, ajoutant "comprendre l'indignation" suscitée par les propos "ressentis comme trop partiaux" tenus lors de la remise des prix.

"Cependant, la Berlinale se considère – aujourd’hui comme hier – comme une plateforme de dialogue ouvert entre les cultures et les pays. Nous devons donc également tolérer les opinions et les déclarations qui contredisent nos propres opinions, à condition que ces déclarations ne discriminent pas des personnes ou des groupes de personnes de manière raciste ou discriminatoire", a également souligné Mariette Rissenbeek.

B.P. avec AFP