Coronavirus: le cinéma termine l'année 2020 à bout de souffle
Salles fermées et tournages perturbés: le cinéma finit l'année 2020 à bout de souffle, la crise sanitaire n'ayant pas épargné le pays des frères Lumière. Mercredi, le Conseil d'Etat s'est prononcé en faveur de la décision du gouvernement de maintenir les salles fermées jusqu'au 7 janvier, malgré les recours déposés par les professionnels du secteur.
Même si la plus haute juridiction administrative a alimenté un petit espoir, laissant espérer une réouverture des salles quand la situation sanitaire s'améliorera, le 7e art va devoir se renouveler et aborde l'année 2021 dans l'incertitude totale.
Fauteuils vides
Des étoiles du Grand Rex à Paris, aux multiplexes des zones commerciales, en passant par les cinémas associatifs, c'est une même image désespérante de fauteuils vides et d'écrans noirs qui restera.
Confinement et mesures sanitaires obligent, les 2000 cinémas français, parc unique au monde, auront été fermés près de la moitié de l'année. Seuls les mois de janvier et février ont connu une exploitation "normale", sans jauge réduite.
Du jamais vu en 125 ans d'histoire du cinéma, même en temps de guerre, se pincent les professionnels. Les chiffres de fréquentation arrêtés par le Centre national de la cinématographie fin octobre permettent déjà de dresser le bilan de l'année. Il est catastrophique.
Le loisir préféré des Français, qui attirait ces dix dernières années 200 millions de spectateurs par an, a vu sa fréquentation fondre de deux tiers: 64,9 millions de billets écoulés.
Tenet et les autres
Malgré l'absence quasi-totale de sorties de films américains à grand public depuis mars, le box-office de cette année très particulière reste dominé par les productions d'outre-Atlantique.
En tête, un blockbuster s'en tire moins mal que les autres: pourtant sorti fin août, alors que le public rechignait encore à revenir en salles, Tenet de Christopher Nolan a attiré 2,34 millions de spectateurs. Suivent des films sortis avant le premier confinement: 1917 (2,2 millions d'entrées), puis Sonic et Bad Boys for life...
Le premier français pointe à la 5e place, Ducobu 3 (1,49 million d'entrées). Un score très faible en comparaison avec le champion tricolore de 2019, Qu'est-ce qu'on a encore fait au bon dieu, qui attirait plus de 6 millions de spectateurs...
Consolation pour le cinéma tricolore: sur les dix premiers mois de l'année, la part de marché des films français bondit (+10 points, à 44,9%) et passe devant celle des films américains (40,9%, -13 points).
Sortir ou ne pas sortir?
Si certains films (Tout simplement noir, Antoinette dans les Cévennes) ont pu tirer leur épingle du jeu entre les deux confinements, d'autres, sortis à l'automne, ont été stoppés en plein élan, comme Adieu les Cons, meilleur démarrage pour un film d'Albert Dupontel, ou ADN de Maïwenn.
Sans parler de ceux qui, comme Mandibules, une comédie de Quentin Dupieux, étaient prêts pour une réouverture aux vacances de Noël, avec des milliers d'affiches déjà placardées...
Que deviendront tous ces films, et les dizaines d'autres, comme Les Tuche 4, le nouveau OSS 117, ou Kaamelott, attendus prochainement? Chacun redoute un énorme embouteillage de sorties en salle. La tentation de limiter la casse en sortant directement sur plateforme, comme Bronx d'Olivier Marchal, racheté in extremis par Netflix qui l'a sorti en octobre, pourrait croître...
De Funès et les portables
Et si les Français n'avaient jamais vu autant de films qu'en cette année sans cinémas? En plein confinement, les téléspectateurs se sont réconfortés derrière les classiques de Louis De Funès, quand d'autres n'hésitent plus à découvrir des films sur l'écran de leur téléphone. 2020 a bouleversé les habitudes.
Dans ce contexte, le secteur du cinéma se réjouit de la mise en oeuvre d'une règlementation européenne, pour laquelle la France veut faire figure de pilote, qui va faire contribuer au financement du cinéma hexagonal les plateformes de streaming, grandes gagnantes de la crise.
Cette "régulation rigoureuse" de Netflix, Amazon Prime ou Disney+, est "une décision majeure (...) en faveur (...) de la création et de l'exploitation culturelle", ont salué les associations de producteurs. Les exploitants, eux, parient toujours sur la "magie de la salle", et espèrent que le public, lassé des films sur canapé, reviendra.