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Cinéma

Comment "Lolita malgré moi" est devenu le teen movie le plus culte des années 2000

Lindsay Lohan, Amanda Seyfried, Lacey Chabert et Rachel McAdams dans "Lolita malgré moi"

Lindsay Lohan, Amanda Seyfried, Lacey Chabert et Rachel McAdams dans "Lolita malgré moi" - Paramount Pictures

Teen movie avec Lindsay Lohan sorti en 2003, Lolita malgré moi ou Mean Girls en VO s'est imposé comme un film culte grâce à un regard satirique acéré et malgré certains aspects problématiques.

"Ce n'est pas le Mean Girls de votre mère." En salles ce mercredi 10 janvier, Mean Girls - Lolita malgré moi s'impose comme l'un des premiers événements cinématographiques de 2024. Si cette nouvelle adaptation d'un teen movie culte de 2003 tente de s'en démarquer en le modernisant, cette sortie rappelle en quoi Lolita malgré moi (Mean Girls en VO), écrit par Tina Fey, s'est imposé comme un classique du genre.

Lolita malgré moi, qui suit les aventures d'une adolescente confrontée au lycée à une clique de filles populaires qu'elle infiltre pour mieux les faire tomber, a pu être victime d'un malentendu en France. Perçu comme une énième comédie avec Lindsay Lohan, qui avait alors le vent en poupe à Hollywood, le film possède pourtant un ton personnel, une malice, voire une certaine méchanceté.

Le public américain, dès sa sortie, ne s'y était pas trompé et avait réservé au film un triomphe. Succès au box-office, Lolita malgré moi a été aussi acclamé par la presse. En 2021, le prestigieux New Yorker a même placé à la onzième position du classement des meilleures prestations du XXIe siècle celle de Lindsay Lohan dans Lolita malgré moi, saluant sa capacité à mêler "charisme et gêne, innocence et malice".

Un regard satirique

Mais c'est surtout grâce au web que Lolita malgré moi s'est imposé comme une référence dans la culture populaire. "Internet est en grande partie responsable de la longévité de son statut de film culte alors même que Lindsay Lohan (et) Tina Fey n'ont plus une 'fan base' active", analyse Célia Sauvage, coautrice avec Adrienne Boutang du livre Les Teen movies (Vrin, 2011). "La présence de stéréotypes exagérés en fait un support parfait pour la création de mèmes ou de GIF, objets viraux par excellence."

"Le film s'est aussi inscrit définitivement dans le panthéon de la culture populaire car il continue d’être cité par d’autres représentants de cette culture: Mariah Carey dans l'une de ses chansons (Obsessed en 2009), Ariana Grande dans l’un de ses clips (thank u, next en 2019), un défi dans l’émission Ru Paul Drag Race, et même par Obama sur le compte Twitter de la Maison Blanche!"

Huit ans après le succès de Clueless d'Amy Heckerling (1995), fer de lance "des chick flicks" ("les films de nanas"), Lolita malgré moi participe à ce renouveau du teen movie, note Célia Sauvage: "Les deux films ont en commun d'apporter un regard satirique sur les stéréotypes du genre et notamment sur la représentation de la féminité adolescente, sans pour autant devenir des parodies 'méta' du genre."

Ultra-normé

Lolita malgré moi a pourtant failli être éclipsé par le succès colossal de teen movies comme Supergrave ou Juno. "Le succès de Juno (a été) déstabilisant pour l'héritage de Mean Girls", analyse Célia Sauvage. "Il (a ouvert) la porte aux productions indépendantes (non hollywoodiennes) avec des personnages moins conformistes, une sensibilité moins grand public qui (a) ringardis(é) les chick flicks ultra-normés."

"Dans le fond, même si Cady (jouée par Lindsay Lohan) est une héroïne de prime abord contre-stéréotypée - elle est intelligente, aime les maths, fréquente le groupe de marginaux de l’école -, elle se laissera tenter par le groupe des populaires et l'apprentissage de leurs normes oppressantes à travers le récit du "relooking" alors que Juno est une héroïne indépendante qui fait ses propres choix à contre-courant des normes adolescentes", commente Célia Sauvage.

Cette ambiguïté ternit l'héritage de Mean Girls. "Le schéma du relooking réemployé par le film est ambigu", poursuit encore la spécialiste. "A la fois il critique la transformation vers une féminité normative (Cady troque son jean et ses chemises à carreaux pour des tenues roses plus féminines) et il se montre (comme) un enjeu authentiquement essentiel à sa réussite, sans ironie." C'est le sens de l'image finale du film, une fois que Cady est élue reine du bal de promo grâce à son relooking, analyse-t-elle:

"L'image finale de Cady, vêtue de sa robe de bal et du manteau des Mathletes (les matheux, NDLR), démontre, ce qui est rare dans les teen movies, que l’intelligence est compatible in fine avec la beauté féminine, mais il rappelle que celle-ci est une condition sine qua non de sa réussite. Ceci confirme donc l'hégémonie de la beauté féminine sans proposer d’alternative!"

Humour problématique

Le personnage de Regina George, figure de reine du lycée incarnée par Rachel McAdams, a aussi contribué à la popularité du film tout en étant symptomatique des clichés misogynes qu'il véhicule. Au cours du film, Regina George se réapproprie "les armes de la masculinité dominante toxique sans le moindre recul critique: compétition et humiliations, rivalité sexiste", rappelle Célia Sauvage. Un jeu auquel Cady va se laisser prendre en voulant elle-même manipuler Regina.

Très inquiète par son poids, Regina finira par prendre des kilos après avoir été manipulée par Cady qui lui conseille des barres amincissantes. Pour Célia Sauvage, le personnage "semble recevoir une punition 'juste' qui rééquilibre le groupe, ce qui revient à valider en creux la manipulation de Cady et donc le 'bodyshaming' comme une rétribution méritée...": "Regina est une victime du 'bodyshaming' et le film critique la pression liée au poids."

Le nouveau film Mean Girls semble vouloir corriger ces aspects jugés problématiques du film d'origine. "En dépit de tous les débats réguliers à chaque anniversaire du film, seul le sexisme et la grossophobie du film semblent régulièrement dénoncés, déplore Célia Sauvage avant de préconiser: "Pour renouveler l'héritage de Mean Girls, il est temps d'interroger l'humour raciste et LGBTphobe du film par exemple."

L'enjeu est désormais d'intégrer "une plus grande diversité de représentation": "Cette diversité est non seulement nécessaire pour rendre compte d’une réalité plurielle qui existe dans nos sociétés, mais aussi pour attirer et inclure un public plus diversifié. Les séries font très bien ce travail de réécriture du genre nécessaire."

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV