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"Château de sable", la BD qui a inspiré "Old", le nouveau film de M. Night Shyamalan

La couverture de la BD "Château de sable" et l'affiche du film "Old"

La couverture de la BD "Château de sable" et l'affiche du film "Old" - Atrabile - Universal Pictures

Le dessinateur suisse Frederik Peeters raconte la genèse de son album désormais adapté à Hollywood. Il donne aussi son ressenti sur l’adaptation concoctée par le maître du fantastique.

M. Night Shyamalan revient ce mercredi 21 juillet avec Old, un nouveau thriller à twists où un groupe de vacanciers est piégé sur une place où le temps s’écoule très rapidement. Les enfants deviennent des adolescents, et les adultes des vieillards. La folie les guette. Avec les années qui passent, leurs forces s'amenuisent, tout comme leur chance de s'échapper de ce cauchemar...

Old est l'adaptation d'une bande dessinée, Château de sables (2011), écrite par Pierre Oscar Lévy et dessinée par Frederik Peeters. La genèse du film est amusante: M. Night Shyamalan s'est pris de passion pour cette histoire après avoir reçu le livre en cadeau de fête des pères il y a quelques années. Fasciné par ce conte nihiliste qui aborde notamment l'éveil à la sexualité, le réalisateur y a vu le canevas parfait pour une film. Il l'a tourné en septembre dernier durant la pandémie.

A l'occasion de la sortie de Old, son dessinateur Frederik Peeters raconte la genèse de Château de sables. Il donne aussi son ressenti sur cette adaptation concoctée par le maître du fantastique. S'il se dit déçu par le résultat, il a été en revanche très surpris de découvrir dans le film plusieurs de ses cadrages de la BD...

Quelle est la genèse de "Château de sable"?

Pierre Oscar me contacte il y a environ quinze ans pour adapter Pilules Bleues [roman graphique de Peeters, paru en 2001] en film. Le projet ne s’est pas concrétisé, mais en cours de route, il m’a proposé ce scénario qu’il avait en tête. J’ai adoré, il l’a écrit, je l’ai découpé et dessiné, et voilà. En fait, j’ai une très mauvaise mémoire sur les processus de fabrication de mes livres, surtout quand le scénario est écrit par quelqu’un d’autre. Je plonge complètement dedans et je me les accapare. Cela crée parfois des malentendus.

Couverture de la nouvelle édition de "Château de sable"
Couverture de la nouvelle édition de "Château de sable" © Atrabile

Quelle a été votre réaction en découvrant les ressorts de cette étonnante histoire?

Honnêtement, d’abord l’étonnement, parce que j’ai découvert ça comme un super épisode de La Quatrième dimension, alors que je pense que Pierre Oscar se situe davantage du côté de l’intellectualisme de gauche très français que du côté de la pop culture. Je pense qu’il l’a davantage écrit en mélangeant le Buñuel de L’Ange Exterminateur à une conscience écologique que comme de la télé américaine des années 60. Et très vite, la puissance de l’idée de base très SF classique m’a paru incontournable. Comme une fable éternelle sur laquelle on peut calquer toutes les angoisses existentielles. Et son écriture et sa construction étaient très au point.

Quel a été le plus grand défi pour vous? Dessiner les personnages à différents âges de leur vie?

Le défi, c’est un peu fort. Mais l’enjeu principal, oui, c’était ça. Faire vieillir les corps et les visages, mais plus encore faire grandir les enfants, de façon à ce qu’ils gardent une âme d’enfant dans un corps d’ado puis d’adulte, et qu’ils ressemblent au mélange de leurs parents.

"Château de sable" a des allures de conte et semble parfois se situer hors de la réalité. Comment avez-vous créé cet effet?

Pierre Oscar avait pensé l’histoire comme un premier volet d’une plus grande histoire de SF sur plusieurs époques. Cette dimension m’excitait moins. J’ai demandé qu’on supprime la fin qu’il avait écrite, et qui reconnectait cette plage à un contexte extérieur en fournissant une explication. J’avais envie qu’on ne quitte jamais physiquement cette plage et ces personnages. Cela a peut-être contribué à la sensation que vous décrivez. Mais j’ai suivi tout le reste de son écriture, et le ton étrange et absurde y était déjà présent.

Avec le recul, comment jugez-vous "Château de sable"? Cet album marque-t-il selon vous une rupture dans votre travail, ou du moins une nouvelle étape?

Non, c’est un flux permanent, comme je l’explique dans Oleg, je fabrique une grosse machine de Tinguely [artiste suisse connu pour ses sculptures animées, les Méta Matics, NDLR] informe faite de livres successivement agglomérés, avec des collaborations à gauche à droite, des échos, et un jour je me retournerai pour voir à quoi ça ressemble. Ou peut-être jamais d’ailleurs. L’important, c’est de fabriquer des trucs.

Quelles ont été vos impressions en découvrant l'adaptation de M. Night Shyamalan, qui offre une explication au vieillissement des personnages?

La partie qui correspond au livre est assez réussie à mon avis, efficace, tendue, avec quelques moments d’émotions inattendus. Même certaines modifications qu’il a faites à l’intérieur de cette partie sont bien vues. Mais le double ou triple twist final est particulièrement faible, je trouve. Le fait de quitter la plage, de rompre l’enfermement, produit en pire ce que j’avais déjà ressenti dans la première mouture du scénario pour le livre. Le souffle magique retombe. L’angoisse ressentie paraît d’un coup totalement anodine.

Mais je comprends bien qu’on ne peut pas monter un film pareil avec la fin crue et nihiliste du livre. Pour des raisons industrielles, Shyamalan a choisi d’expliquer, de prendre le spectateur par la main, d’éluder les séquences de sexe, de l’emmener dans une sorte de train fantôme, avec des 'jump scares', et une fin moralement satisfaisante, qui ne gâche pas le goût du milk shake qu’on prendra en sortant. C’est aussi un des ressorts réels de la pop culture mondialisée.

Qu'avez vous ressenti en découvrant dans le film certains des cadrages de la BD?

Quand même une petite jubilation, c’est vrai. Le réalisateur du Sixième Sens ou d’Incassable qui valide certains choix narratifs, certains cadrages, ou des détails comme la façon primesautière dont la vieille dame rentre dans l’eau au début, ça fait plaisir. Et en même temps, c’est comme pour la naissance d’un enfant par exemple. Des années durant, vous vous dites que ça va changer votre vie, et finalement, le jour où ça arrive vraiment, eh ben vous rentrez ensuite chez vous et vous fumez une clope en regardant par la fenêtre. Tant mieux dans un sens. C’est la vie qui continue. Ce qui excitant, c’est ce qui est à venir.

Château de sable, Pierre Oscar Lévy et Frederik Peeters, Atrabile, 104 pages, 18 euros.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV