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Cinéma

Alerte à la bombe à Bastia avant une projection: "Borgo", film inspiré d'un double assassinat

Hafsia Herzi dans "Borgo"

Hafsia Herzi dans "Borgo" - Capture d'écran YouTube - Film Francophone d'Angoulême - Le Pacte

Ce long-métrage mêle réalité et fiction en s'inspirant d'une affaire qui a secoué la Corse et n'a pas encore été jugée.

Le film Borgo, inspiré de l'histoire d'une surveillante pénitentiaire accusée de complicité dans un double assassinat en Corse, mêle fiction et réalité dans un jeu d'équilibriste qui trouble dans l'île.

Vendredi soir, la projection en avant-première en Corse du film de Stéphane Demoustier, dans le cadre du festival Arte Mare, a ainsi été retardée de près d'une heure par une fausse alerte à la bombe.

Centré autour d'un "destin de femme", celui de Mélissa, une surveillante pénitentiaire qui s'installe en Corse avec sa famille pour un nouveau départ, le film fait écho à celui de Cathy Sénéchal, gardienne à la prison de Borgo (Haute-Corse), mise en examen dans le double assassinat de Tony Quilichini et Jean-Luc Codaccioni, deux membres du grand banditisme insulaire abattus à l'aéroport de Bastia-Poretta.

Le 5 décembre 2017, en faisant la bise à l'une des deux victimes, c'est elle qui lui aurait donné le "baiser de la mort", permettant au tireur de l'identifier et de l'exécuter. Problème: cette affaire ne sera jugée que dans sept mois, du 6 mai au 10 juillet, devant la cour d'Assises des Bouches-du-Rhône. Trois semaines après la sortie du film, le 17 avril.

Une avance "regrettable"

Il est "particulièrement regrettable qu'une oeuvre de fiction s'empare avant même l'ouverture du procès" d'un dossier qui "n'est pas un spectacle ni un divertissement", a dénoncé auprès de l'AFP Me Julien Pinelli, conseil de l'un des 17 mis en examen. Pour l'avocat, ce film "risque d'influencer l'appréciation des magistrats et jurés".

"Si le film avait pu sortir après le procès, ça aurait été plus simple", reconnaît le réalisateur, mais "ce qui me fait dire qu'on peut y aller (...) c'est que ce n'est pas le fait divers" mais une fiction.

L'actrice Hafsia Herzi (Mektoub My Love, Tu mérites un amour) y prête ses traits à la surveillante dont l'intégration à la prison de Borgo est facilitée par Saveriu (Louis Memmi), jeune détenu qui la place sous sa protection. Mais, une fois libéré, Saveriu lui demande un service, la faisant glisser dans une mécanique pernicieuse au service de bandits corses.

Le mystère d'un destin criminel

L'auteur-réalisateur reconnaît avoir découvert l'histoire de cette femme dans un article du quotidien Le Monde. "Ensuite je n'ai pas fait d'enquête", dit-il à l'AFP. "J'ai au contraire essayé d'oublier ce fait divers" pour "embrasser la fiction" et plonger dans "le mystère de savoir comment on peut, en quelques mois, passer d'une vie ordinaire à un destin de criminel".

Parmi les changements notables intervenus dans la fiction, tournée à Ajaccio et dans une prison désaffectée de Compiègne (Oise), le personnage de la gardienne est désormais une jeune femme maghrébine en couple avec un homme noir victime du racisme d'un voisin corse. Un sujet urticant dans l'île.

"C'est un problème si un film a comme point d'arrivée un cliché, mais en revanche s'il part d'un cliché, ça ne me dérange pas", argumente Stéphane Demoustier.

L'acteur Cédric Appietto, qui incarne l'un des deux bandits abattus, avoue que "deux ou trois moments" l'ont "gêné" à la lecture du scénario: mais "c'est une réalité, ce n'est pas qu'en Corse, le racisme est partout".

"Un regard plus exigeant" dans l'île

Louis Memmi (Saveriu) s'attendait à ce que la perception du film par le public corse soit différente du continent, avec "un regard plus exigeant" dans l'île, où l'histoire originelle est connue de tous. Si le film a été applaudi vendredi soir, lors du débat qui a suivi un spectateur a demandé au réalisateur s'il n'était pas "tombé dans une sorte de caricature" dans sa description de la vie carcérale à Borgo.

Stéphane Demoustier a assuré avoir voulu être "le plus fidèle possible" à l'esprit de cette prison, épinglée par un rapport du contrôleur des prisons qui regrettait que ce soit les détenus qui surveillent les gardiens et non l'inverse.

B.P. avec AFP