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Bandes dessinées

Zep publie un "Titeuf" hanté par le dérèglement climatique: "Le sujet transgressif n'est plus le sexe"

Le dessinateur Zep en août 2023 au Festival du film francophone d'Angoulême

Le dessinateur Zep en août 2023 au Festival du film francophone d'Angoulême - YOHAN BONNET / AFP

Le dessinateur Zep sort un nouvel album et confronte son héros à la houpette blonde aux grands enjeux de notre époque du changement climatique au consentement, en passant par la pédocriminalité.

Pour ses trente ans, Titeuf s'offre un 18e tome, Suivez la mèche, disponible à partir de ce jeudi dans les librairies. Un album ancré dans le réel, où son créateur Zep fait la part belle aux sujets écologiques, du dérèglement climatique aux droits des animaux en passant par le végétarisme.

Le monde de Titeuf est devenu plus sombre et plus inquiétant qu'à ses débuts. Le garnement à la houppette blonde est désormais plus concerné par l'importance de recycler les pots de yaourts que par les mystères du sexe.

Longtemps, Zep a refusé d'intégrer des éléments de modernité dans Titeuf afin de ne pas perdre en intemporalité. Depuis quelques albums, il s'est décidé à confronter son héros aux grands enjeux de notre époque.

"J'ai l'impression que dans tous les tomes de Titeuf, il y a des thématiques de l'époque où l'album est sorti", assure le dessinateur. "Quand je relis les premiers, c'est ce que je retrouve. On y parle notamment du sida."

"Aujourd'hui, on la ramène moins"

Suivez la mèche témoigne en particulier des inquiétudes du dessinateur de 55 ans, de son vrai Philippe Chapuis, à l'heure où le monde approche du point de non-retour avec le réchauffement climatique. "Le sujet transgressif n'est plus le sexe", résume-t-il.

Couverture du tome 18 de "Titeuf" de Zep
Couverture du tome 18 de "Titeuf" de Zep © Glénat

Une demi-douzaine de gags aborde frontalement ces questions. L'ambition de Zep: permettre aux enfants de mieux les comprendre. "Ils savent qu'ils vont hériter d'une planète abîmée et qu'ils vont devoir réparer ce que les générations d'avant ont fait."

"C'est un sujet important qui les concerne, mais pour lequel ils n'ont pas beaucoup la possibilité d'intervenir", regrette-t-il encore. "Beaucoup d'enfants deviennent ainsi végétariens pour des raisons écologiques, pour défendre des animaux."

En écho aux actions des jeunes pour le climat, Titeuf évolue: "Il y a 30 ans, on pensait qu'on avait la mission de sauver la nature. Aujourd'hui, on la ramène moins. On a plutôt la mission d'écouter la nature pour ne pas lui faire plus de mal."

Avec le temps, Titeuf s'est adouci. La BD graveleuse des années 1990 est désormais une lecture familiale. "Beaucoup de parents m'ont dit qu'ils lisaient Titeuf avec leurs enfants, car c'était pour eux une porte d'entrée pour parler des sujets difficiles."

Titeuf vs. les pédocriminels

Les personnages de Titeuf semblent désormais plus raisonnables, y compris le turbulent héros blond: "Je ne suis pas sûr que Titeuf soit devenu plus responsable", rectifie Zep. "Mais autour de lui, il y a des personnages qui le sont."

Responsable, Titeuf l'est pourtant: dans son nouvel album, il lutte aussi contre les prédateurs sexuels sur Internet, sauvant au passage son ami Manu. En Suisse, Titeuf est également le parrain d'une véritable association d'aide aux enfants victimes de violences ou d'agressions sexuelles.

Un extrait du tome 18 de "Titeuf"
Un extrait du tome 18 de "Titeuf" © Glénat

"C'est important de parler de ce sujet dans l'album. Ça fait partie de l'ADN de Titeuf d'intégrer ces sujets dans la bande dessinée", insiste le dessinateur, qui a déjà abordé le sujet dans un autre album de la série.

"Les enfants savent qu'il y a des gens qui ne sont pas vrais sur TikTok. Que dans leurs followers, il y a des gens qui ne sont pas vraiment leurs copains. Ils sont informés, mais je trouvais bien de faire cette histoire pour le rappeler."

Preuve de l'importance qu'il a accordée au sujet, Zep lui consacre deux pages: "C'est important de prendre plus de temps pour ne pas expédier le sujet, pour bien informer le plus jeune public. J'avais envie qu'on expose la situation, qu'on voie le bonhomme."

Pas un donneur de leçon

Zep confronte enfin Titeuf au consentement. "Ça fait 30 ans qu'il drague une fille qui lui dit non et qu'il continue. Au début, on trouvait ça mignon. Aujourd'hui, c'est plus discutable. C'est bien qu'il ait un petit reboot sur le concept même s'il ne comprend pas."

"Je pense que c'est toujours bien que Titeuf soit celui qui comprend moins bien que les lecteurs", conclut le dessinateur. "C'est jubilatoire pour un jeune lecteur de sentir qu'il a mieux compris [que Titeuf], qu'il va pouvoir lui expliquer. Je n'ai pas envie que Titeuf soit un donneur de leçon."

Titeuf, Suivez la mèche, tome 18, Glénat, 48 pages, 11,50 euros.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV