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Bandes dessinées

"Wanted Lucky Luke", la BD qui bouscule le mythe du célèbre cowboy

Lucky Luke par Matthieu Bonhomme

Lucky Luke par Matthieu Bonhomme - Dargaud

Le dessinateur Matthieu Bonhomme revient cinq ans après le succès de L'Homme qui tua Lucky Luke avec un nouvel album qui déconstruit la légende du célèbre cowboy de Morris.

Sorti en 2016, L'Homme qui tua Lucky Luke de Matthieu Bonhomme devait être avec Jolly Jumper ne répond plus de Guillaume Bouzard une parenthèse, l’unique moment où la célèbre licence s’autorisait un pas de côté. Cinq ans et 120.000 exemplaires vendus plus tard, Matthieu Bonhomme rempile et sort ce vendredi 9 avril une suite, intitulée Wanted Lucky Luke.

"Je me suis vraiment amusé à faire le premier et il y a eu un super accueil, un super succès commercial. Je n’avais pas envie d’en rester là", explique le dessinateur. "J’avais encore plein de choses à dire. J’ai proposé mon idée à mon éditeur, qui a accepté, mais je n’imagine pas en faire un troisième. Il n’est pas question d’en faire une série!" Ni de voler la vedette à Achdé et Jul, les auteurs de la série officielle.

Si L'Homme qui tua Lucky Luke était "un western de montagne, de chercheurs d’or, de boue, de pluie", avec une dominante bleue, Wanted Lucky Luke est en tout point son opposé: "J’ai voulu amener cet album vers quelque chose de très, très sec. J’avais envie d’une histoire avec des couleurs très vives, avec des ambiances à la Blueberry. Je voulais faire de Lucky Luke un vrai cowboy, à la dure, et le voir affronter le soleil, les bêtes, les brigands." L'Homme qui tua Lucky Luke parlait de la mort d’un héros, et Wanted Lucky Luke de la naissance de son désir.

Lucky Luke par Mathieu Bonhomme
Lucky Luke par Mathieu Bonhomme © Dargaud 2020

Avec 100.000 exemplaires mis en vente à travers la France, Wanted Lucky Luke est un des événements éditoriaux du mois. Les fans, qui avaient adoré la vision réaliste et parfois critique du cowboy de Morris par Matthieu Bonhomme, attendent de pied ferme ce nouvel album.

"Je suis très flatté", commente Matthieu Bonhomme. "C’est vraiment un personnage que j’ai complètement investi à ma façon. Certains me disent qu’ils y retrouvent le Lucky Luke qu’ils ont aimé plus jeune. Je ne savais pas que ma vision coïnciderait à ce point-là avec celle des lecteurs. Quand je poste des images de l’album sur les réseaux sociaux, je vois que ça réagit très vite et très fort. Je suis impatient de voir les retours des lecteurs."

A qui appartient Lucky Luke?

Pour lui, L'Homme qui tua Lucky Luke est sorti au bon moment: "J’ai eu la chance d’arriver le premier en tant que repreneur. Ils n’avaient jamais fait ça avec le personnage, alors que Dupuis le fait déjà avec Spirou, et sans doute un petit peu trop. Il y avait un essoufflement, quand de mon côté ça a créé un peu de surprise." Sa reprise de Lucky Luke est d'ailleurs considérée par beaucoup de lecteurs de BD franco-belge comme l'une des meilleures reprises du moment, si ce n'est la meilleure.

A qui appartient Lucky Luke?
A qui appartient Lucky Luke? © Dargaud

Il a choisi de faire de ces problèmes inhérents à la reprise de héros cultes le sujet de Wanted Lucky Luke. Notre cowboy s’y trouve ainsi poursuivi par divers groupes - des gangsters, des femmes, l’armée, etc. - qui cherchent chacun à se l’approprier. Une métaphore de l’impossibilité à faire sien un héros qui appartient à tous les lecteurs depuis 65 ans:

"Il y a ces jeunes femmes qui le veulent par amour, ces gangsters qui le veulent pour la récompense, pour l’argent, ce militaire qui le veut pour obtenir des galons. Chacun a des raisons qui pourraient être celles qu’ont les auteurs de reprendre un personnage. Je voulais explorer ces situations pour dire qu’à la fin un personnage de BD, a fortiori un cowboy solitaire, n’appartient à personne et à tout le monde à la fois."

En le confrontant ainsi à des groupes plus ou moins oppressifs, Mathieu Bonhomme amène Lucky Luke à questionner son rapport à la justice: "C’est quelque chose que j’aime beaucoup faire dans Lucky Luke: utiliser son entourage pour le révéler. J’inverse les rôles et j’en fais une proie. Je voulais que dans cet album il soit assailli de toutes parts." Au cours de Wanted Lucky Luke, il est donc harcelé, torturé et presque écartelé. 

Des cases de "Wanted Lucky Luke" de Mathieu Bonhomme
Des cases de "Wanted Lucky Luke" de Mathieu Bonhomme © Dargaud

Matthieu Bonhomme convoque dans son album plusieurs méchants de la série, dont Pete l’indécis, un homme de main de Joss Jamon dont la particularité est de ressembler à... Goscinny. Le personnage affronte Lucky Luke en duel, et lui lance: "Lucky Luke, tu es à moi." Ce à quoi notre héros répond: "Je suis tout à toi". "C’était mon petit clin d'œil à l’appartenance de Lucky Luke. Il appartient quand même à ses auteurs”, précise Bonhomme.

On notera également l’absence des Dalton, prouvant ainsi qu’une histoire de Lucky Luke peut aussi exister sans les quatre frères ahuris. "C’est surtout pour une question de dessin", note l’auteur. "Il y a des personnages que je vais avoir beaucoup de mal à dessiner dans un autre style que celui de Morris. Les Dalton sont plus un code graphique que des personnages. Ils sont en escalier. Ce sont quatre clones, plus ou moins difformes. Leur donner une marque réaliste serait vraiment très compliqué. Les Dalton, en film, ça ne marche pas, par exemple."

Des cases de "Wanted Lucky Luke" de Mathieu Bonhomme
Des cases de "Wanted Lucky Luke" de Mathieu Bonhomme © Dargaud

Cette absence notable ne perturbe pas le petit théâtre de papier de Lucky Luke. La première et la dernière case se répondent, avec sa célèbre chanson I'm a poor lonesome cowboy, comme si l’album n’était qu'une boucle temporelle. "Il n’y a pas grand-chose qui a changé pour lui", confirme Matthieu Bonhomme. Lucky Luke va juste continuer à vivre de nouvelles aventures, avec ou sans Achdé et Jul, et... de l'autre-côté du Rhin. Un one-shot inédit, venu d’Allemagne, sortira en mai. Notre héros y troquera Jolly Jumper contre un… vélo.

https://twitter.com/J_Lachasse Jérôme Lachasse Journaliste BFMTV