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"Un #MeToo de la gynécologie": les témoignages de violences gynécologiques se multiplient en Ile-de-France

Le professeur Daraï de l'hôpital Tenon à Paris est accusé de violences gynécologiques par de nombreuses femmes. Dans le Val-d'Oise, un praticien a quant à lui été visé par 118 plaintes.

Un #MeToo de la gynécologie. C'est avec ces mots que Sonia Bisch, la fondatrice du collectif Stop aux violences obstétricales et gynécologiques (Stop VOG) décrit le mouvement de libération de la parole des femmes qui prend de l'ampleur en Île-de-France.

"Actuellement, il y a vraiment besoin d'un #MeToo de la gynécologie. Il y a l'inversion de la culpabilité encore, dès qu'elles (ndlr, les femmes) subissent des violences, on ne les écoute pas. Et il y en a tellement. Donc oui, on peut dire qu'il y a un #MeToo de la gynécologie qui commence et tant mieux parce que ça fait des années que la parole des femmes est étouffée", explique Sonia Bisch à BFM Paris.

L'une des affaires qui a enclenché ce mouvement dans la région est celle concernant le professeur Emile Daraï, praticien à l'hôpital Tenon dans le 10e arrondissement de Paris.

De nombreuses femmes dénoncent la brutalité et les gestes humiliants de ce spécialiste de l'endométriose pour des faits remontant jusqu'à 1996. Certaines parlent aussi de viols lors d'examens médicaux. Trois femmes ont d'ailleurs porté plainte ces derniers jours pour des faits de viol.

"On se sent coupable"

Anne-Laure est l'une des victimes présumées du professeur Daraï. Atteinte d'endométriose, elle va le consulter en 2019 dans l'espoir qu'il allège ses souffrances. Elle décrit aujourd'hui "un épisode traumatisant".

"Au début, sympathique. Et a commencé l'examen clinique. Un examen gynécologique vaginal extrêmement douloureux où il fait une plaisanterie. Je ne pourrais plus vous dire exactement les mots aujourd'hui. Après sans prévenir, un examen anal très violent également", explique Anne-Laure au micro de BFM Paris.

Deux jeunes internes sont présents lors de cette consultation mais ne font rien face à la situation selon la patiente. Anne-Laure explique être sortie de ce rendez-vous "physiquement salopée, dégueulassée".

"Et on ne se rend tellement pas compte de ce qui se passe avec toute cette violence et cette brutalité qu'au début on se sent coupable. Et on se rend compte avec le temps que non, ça ne se passe pas comme ça", explique-t-elle à BFM Paris.

Visé par 118 plaintes

Les accusations contre le docteur Daraï sont loin d'être les premières à faire surface en Île-de-France. Dans le Val-d'Oise, un gynécologue, aujourd'hui à la retraite, a été visé par 118 plaintes.

D'après une enquête des Jours, cet homme est accusé d'avoir commis 75 viols et 14 agressions sexuelles durant ses trente ans de carrière, souvent pendant des examens médicaux dans son cabinet à Domont.

Une instruction a été ouverte en 2013 contre ce gynécologue et parmi les 251 femmes auditionnées, 160 estiment avoir été victimes. Bien avant cette date, plusieurs plaintes ont été déposées, les premières dès 2005. Deux ont même été présentées devant le Conseil départemental de l'ordre des médecins du Val-d'Oise.

L'avocat de certaines victimes dénonce l'omerta toujours présente dans le milieu médical.

"Beaucoup de ses pairs connaissaient les agissements. Comment le Conseil de l'ordre a pu, en étant informé par différentes plaintes de différentes victimes, fermer les yeux?", s'interroge Blandine Heurton, avocate, à BFM Paris.

Briser l'omerta

Aujourd'hui, ce praticien du Val-d'Oise est libre sous contrôle judiciaire et a interdiction d'exercer.

De son côté, Emile Daraï a été mis en retrait de l'hôpital Tenon et le parquet de Paris a ouvert une enquête pour "viol en réunion par personne ayant autorité" après que plusieurs plaintes ont été déposées à son encontre. Le Conseil de Paris et Stop VOG demandent la suspension du professeur Daraï, le temps de l'enquête.

Selon Stop aux violences obstétricales et gynécologiques, des dizaines de dossiers de violences gynécologiques ne seraient pas encore dévoilés. Le collectif continue de recueillir la parole des femmes dans l'espoir de briser l'omerta autour des violences gynécologiques.

Marine Langlois