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Les jeunes de Pontoise assurent ne plus faire de rodéos urbains depuis l'accident de la petite Kenya

Un conducteur de deux-roues se livrant à un rodéo sauvage. (Photo d'illustration)

Un conducteur de deux-roues se livrant à un rodéo sauvage. (Photo d'illustration) - BFMTV

Le 5 août dernier, la petite fille de 7 ans a été percutée par un jeune majeur en plein rodéo. Cet accident a choqué le quartier. Les amateurs de motocross ont décidé de faire une pause.

Une "profonde libération" mais aussi un "côté un peu bandit": malgré leur appétence pour le rodéo urbain, des adolescents des Hauts de Marcouville à Pontoise (95), assurent avoir rangé les motocross depuis qu'une enfant de leur quartier a été grièvement blessée début août par un motard.

En cette fin d'après-midi, la demi-douzaine d'adolescents discute sous le porche d'un des nombreux immeubles blancs barrés d'une frise violette défraîchie qui constituent la cité érigée en 1971. Un quartier en hauteur, enclavé, et réputé le plus pauvre de la ville.

"C'est une distraction"

Deux d'entre eux ont accepté de parler - parcimonieusement - à l'AFP, sous couvert de l'anonymat, au sujet des rodéos urbains, pratique illégale contre laquelle la police multiplie les opérations.

Une fois lancé sur la moto, il "y a une profonde libération", témoigne l'un d'eux, aux cheveux courts et survêtement noir, comme ses amis. "Mais quand je vois qu'il y a de grands virages, je rétrograde les vitesses", assure celui qui préfère rouler sans équipement.

"C'est une distraction", dit un autre lycéen de 18 ans qui se fait surnommer "Coca", les cheveux en bataille maintenus en chignon. "Là on est plus grands, on fait de la moto" (au lieu de faire du vélo) mais "pas quand y'a du monde".

"Plus personne ne fait de la moto ici"

Ils assurent aussi avoir rangé les motocross qu'ils ont l'habitude de chevaucher dès l'apparition des premiers rayons de soleil, depuis le grave accident survenu tout près de là.

Le 5 août dernier, une fillette de sept ans, prénommée Kenya, et un garçon de onze ans jouaient "à chat" sur la dalle lorsqu'ils ont été percutés par un jeune majeur en plein rodéo. Le motard avait d'abord pris la fuite avant de se rendre le lendemain au commissariat. Il a depuis été mis en examen et écroué.

La fillette, qui présentait un traumatisme crânien, est sortie du coma dimanche. Son état nécessite toutefois des soins médicaux.

"Le jeune était tout seul, il roulait et deux petits sont sortis d'un coin. Il a essayé de freiner mais il les a tapés", dit Moussa, 17 ans, répétant le récit qu'on lui a fait de la scène.

Depuis l'accident, "tous les grands ont dit 'plus personne ne fait de la moto ici'", jure-t-il.

L'illégalité du rodéo urbain "le rend plus attirant"

Séduit par les performances de jeunes à moto et des jeux-vidéos, ce lycéen s'est mis au rodéo il y a deux ans, plus attiré par la vitesse que par les acrobaties.

Sa vitesse record? "120 km/h", glisse-t-il avec une fierté contenue. "Mais j'avais des protections", assure-t-il, et ses prouesses n'avaient pas lieu au centre de la dalle.

Depuis une loi de 2018 renforçant les sanctions contre les auteurs de rodéos motorisés, la pratique est passible de cinq ans de prison.

Le fait que ce soit illégal? "Ça le rend plus attirant", affirme un adolescent, qui assume le "côté un peu bandit" des rodéos.

Le drame "a choqué tout le monde"

Plusieurs habitants interrogés par l'AFP ont confirmé que le ballet motorisé quotidien s'était arrêté.

"Avant l'accident, il y en avait pas mal mais là, j'entends absolument rien. Ca a choqué tout le monde" qu'une enfant soit grièvement blessée, témoigne Chaïma Seghiri, employée de la boulangerie du quartier.

Trois jours après, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin annonçait une "intensification des contrôles" dans le pays contre ce qu'il qualifie d'"actes criminels".

664 interventions et 99 gardes à vue dans le Val-d'Oise

À Marseille, un jeune homme de 19 ans est mort mardi soir après avoir perdu le contrôle de sa moto et percuté un poteau.

Depuis avril, 664 interventions, 99 gardes à vue et 55 engins saisis ont été recensés, a annoncé mercredi la préfecture du Val-d'Oise.

"Ça embête tout le monde, ça fait du bruit. T'es pas chez toi pour supporter du bruit", peste Katia (prénom d'emprunt), habitante du quartier depuis 35 ans, dénonçant "l'inconscience des jeunes".

"Les jeunes veulent s'éclater en bécane, peut-être qu'ils n'ont pas d'endroits donc ils le font ici", ajoute-t-elle cependant, en désignant l'avenue en lisière de cité.

Depuis mercredi, la pression est accrue sur les commissariats, qui doivent effectuer quotidiennement trois opérations anti-rodéo. Mais la doctrine reste la même: interdiction de prendre en chasse les motards, pour des raisons de sécurité.

S.B.-E. avec AFP