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Paris, Lyon, Toulouse … Manifestations de prostitués contre la verbalisation de leurs clients

Les prostitués ont manifesté contre une loi de 2016 précarisant les travailleurs du sexe selon les organisateurs du mouvement.

Quelque 150 prostitués des deux sexes ont manifesté mercredi à Paris et à Lyon contre une loi de 2016 qui selon eux pénalise les clients, un texte censé contribuer à combattre l'exploitation sexuelle mais qui a d'avantage précarisé les travailleurs du sexe, estiment les organisateurs.

"Travail du sexe, 6 ans que votre loi tue"

A Paris, quelque 130 personnes, selon la police, ont marché entre Pigalle et République à l'appel du Syndicat du travail sexuel (Strass), derrière une banderole proclamant "Travail du sexe, 6 ans que votre loi tue".

Les manifestants scandaient des slogans comme "Ni coupables ni victimes, fiers d'être putes", et brandissaient des pancartes demandant "Libérez-nous de votre putain de loi!".

Avant la loi de 2016, les prostituées pouvaient être verbalisées pour "racolage passif", ce qui "créait un arbitraire policier terrible", a expliqué à l'AFP Cadyne Senac, secrétaire générale du Strass. Mais avec la nouvelle législation, "le report de la sanction sur le client n'a rien changé à cette attitude de répression et à la clandestinité qui en résulte", selon elle.

Avec la pénalisation des clients, la prostitution s'est déplacée de la rue vers "des endroits moins visibles", rendant plus difficile encore la prévention des violences, a-t-elle ajouté.

A Lyon, une vingtaine de jeunes portant des masques blancs se sont réunies près de la mairie sur la place de la Comédie, autour de parapluies rouges et d'une banderole proclamant "loi du 13 avril 2016. Toujours autant tué.s, agressé.e.s, précarisé.e.s. Merci on a plus peur, on est mort.e.s". Des affichettes affirmaient que "reconnaître le travail sexuel, c'est protéger les prostituées".

Malgré la nouvelle loi, "on constate toujours des verbalisations" contre les prostituées, qui "peuvent être consentantes à leur activité", dit Camille, 29 ans, juriste et bénévole de l'association lyonnaise Cabiria, qui depuis 1993 "développe une action de santé communautaire sur les territoires de la prostitution lyonnaise".

"Une très forte précarisation"

Selon un tract commun à Médecins du Monde, Cabiria et au Strass, 1280 travailleurs du sexe ont été verbalisés à Lyon en 2020, contre 31 clients seulement. Les prostituées sont sanctionnées sur la base d'arrêtés municipaux interdisant le "stationnement de camionnettes" dans certains secteurs de la ville, a indiqué à la presse une bénévole de Cabiria.

A Toulouse, les militants de l'association Grisélidis avaient choisi d'organiser une performance, applaudie par une centaine de personnes: au son de tambours, six personnes habillées en noir, avec des masques de plusieurs couleurs ont notamment martelé, parapluie rouge à la main, "Pas de sales putes, que des sales lois !" Sur leurs t-shirts, on pouvait lire "pas de féminisme sans les putes".

"On est constamment mis en danger, alors qu'on fait un métier bénéfique pour la société. On mérite le respect, comme n'importe quelle autre profession", déclare Zinnia (prénom modifié), 20 ans.

La loi de 2016 "met en danger beaucoup de personnes. On est obligées de se cacher. On est de plus en plus à l'écart de nos collègues qui pourraient nous protéger", abonde Cherry (prénom modifié), 23 ans.

June Charlot, de Grisélidis, pointe une "très forte précarisation". "Il y a beaucoup moins de clients, alors ils croient pouvoir tout négocier. Il y a énormément de demandes de rapports sans préservatif. A quatre heures du matin, quand on n'a pas eu de client, on peut finir par accepter", note-t-il.

G.H. avec AFP