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"Aucune raison économique": l'intersyndicale et la mairie d'Argentan vent debout contre la fermeture de l'usine Marelli

La direction de l'entreprise de sous-traitance automobile a indiqué ce mercredi le lancement d'un plan de sauvegarde de l'emploi dans le cadre d'une fermeture du site, début 2024. Les salariés peinent à digérer cette décision.

Le couperet est tombé ce mercredi. L'usine Marelli d'Argentan, dans l'Orne, va fermer ses portes début 2024, après plus de 50 ans de bons et loyaux services.

Le plan de sauvegarde de l'emploi présenté par la direction de l'entreprise jette une ombre sur l'avenir proche des 167 salariés de ce site de sous-traitance automobile. Le site était spécialisé dans la fabrication des boîtiers papillon utilisés dans l'élaboration de moteurs thermiques.

Dans un communiqué, la direction se dit "parfaitement consciente des conséquences sociales et humaines du projet présenté" et assure qu'elle "met actuellement en œuvre un système de soutien et d’accompagnement personnalisé pour tous les employés".

28 millions d'euros de pertes

Pour autant, l'entreprise estime impérieusement nécessaire de faire cesser l'activité de l'usine. Et s'appuie sur des données économiques pour justifier sa décision.

"Entre 2018 et 2022, le site a généré une perte cumulée de plus de 28 millions d’euros. L’usine devra faire face à une baisse importante des commandes en 2024 et les prévisions pour les années suivantes sont également en forte baisse", affirme l'entreprise, dont l'actionnaire majoritaire est le fonds de pension américano-japonais KKR, dans un communiqué.

Et d'ajouter: "Malgré les efforts accomplis par les équipes et la direction de l’entreprise, l’activité actuelle du site ne permet pas d’espérer un retour à un modèle économique viable dans les années à venir".

Une fermeture en vue d'une délocalisation?

Les 167 salariés de Marelli Argentan balayent ces explications d'un revers de main. Pour eux, il ne s'agit ni plus ni moins d'un "gâchis" et d'une fermeture en vue d'une délocalisation en Slovaquie. Avec, in fine, une réduction des coûts pour l'entreprise.

Au début de l'année, ils avaient entamé une grève, après avoir mis la main sur des éléments leur faisant craindre un prochain plan de sauvegarde l'emploi. Au bout de trois semaines, le mouvement social s'était soldé par un accord avec la direction leur garantissant un an de sursis. Le temps d'évaluer trois pistes d'avenir, dont celle d'un repreneur, notifie une source syndicale à l'Agence France-Presse (AFP). En vain.

Composée de la CGT, la CFE-CGC et la CFDT, l'intersyndicale s'est exaspérée de la décision du conseil d'administration de Marelli dans un communiqué au vitriol.

"Cette annonce, malheureusement prévisible, n’est que la conclusion d’un processus de délocalisation décidé et engagé par le groupe depuis plusieurs mois et que l’intersyndicale n’a eu de cesse de dénoncer auprès du groupe et des pouvoirs publics", tacle l'intersyndicale, pour qui la fermeture récente d'un site en Italie laissait deviner le sort qui serait réservé à celui d'Argentan.

En résumé, les représentants des salariés fustigent les "contradictions", les "duperies face au pouvoirs publics" et le "bafouement des principes de base du droit du travail" de l'entreprise.

"Il n'y aucune raison économique de fermer"

Interrogé par BFM Normandie, Jean-Philippe Fresny, délégué syndical, estime que l'argument économique défendu par la direction ne tient pas. En 2022, l'entreprise avait même présenté des comptes positifs. Ce qui, de l'aveu de l'intéressé, "n'était pas arrivé depuis longtemps".

"On a fait faire trois analyses par des cabinets différents sur la compétitivité et la viabilité d'Argentan. Ils sont unanimes pour dire qu'il n'y a aucune raison économique de fermer Argentan. Ça devrait être la logique", souffle le salarié.

Malgré tout, l'heure n'est pas à l'optimiste chez les syndicats. "On est même plutôt pessimistes, parce qu'une décision politique du groupe Marelli, comme celle qui a été prise aujourd'hui, on ne peut pas aller contre." Seule possibilité: "alerter les pouvoirs publics".

"Instants difficiles"

La disparition programmée du site d'Argentan constitue une "annonce funeste pour notre territoire", s'attriste Frédéric Leveillé, le maire d'Argentan. L'élu y est lui aussi allé d'un communiqué pour montrer toute son "incompréhension" ce mercredi.

Son premier mot revient aux salariés. "Tous doivent savoir que nous sommes à leurs côtés en ces instants difficiles pour eux et leurs familles", jure l'édile. L'homme regrette que la direction de Marelli en vienne à "sacrifier" une usine dans la seule optique d'une "recherche de rentabilité à court terme".

"Cet actionnaire lointain se moque du savoir-faire reconnu des salariés de Marelli comme de l’impact économique pour notre ville et notre territoire. Aujourd’hui, j’appelle au plus haut niveau de l’État, à se mobiliser pour sauver l’excellence d’un site reconnu pour ses performances industrielles et la qualité de ses salariés et éviter ainsi une délocalisation de la production vers la Slovaquie ou la Chine."

Promesse

En attendant un improbable sauvetage, le conseil d'administration de Marelli indique que "la consultation du comité social et économique se poursuivra jusqu’au début du premier trimestre 2024".

Au cours de cette période, l'entreprise assure qu'une "recherche active d’acquéreurs ou d’investisseurs du site sera menée".

Reste à savoir si les salariés croient à cette promesse. Rien n'est moins sûr à ce stade. D'autant que selon l'intersyndicale, la direction a aussi annoncé la fermeture d'une deuxième usine, celle de Saint-Julien-Du-Sault (Yonne).

Florian Bouhot Journaliste BFM Régions