"Un record depuis 1981": le nombre de jours de tramontane est en baisse et menace l'écosystème

Le nombre de jours de tramontane enregistrés par Météo-France en 2022 n'a jamais été aussi faible. Une tendance qui inquiète certains experts, alors que ce vent typique du Langedoc-Roussillon est essentiel pour le climat local.

La tramontane s'essoufle-t-elle? Ce vent régional, bien connu des habitants du Languedoc-Roussillon, se manifeste de moins en moins souvent dans la région en raison du réchauffement climatique, selon les relevés 2022 de Météo-France rapportés par France Bleu ce dimanche. Ce phénomène, s'il perdure et s'intensifie, aurait des conséquences non négligeables sur la faune et la flore locales.

"Un record depuis 1981"

"En 2022, nous n'avons enregistré que 90 jours de tramontane, un jour sur quatre. C'est un record depuis 1981", déplore auprès du média local Florence Vaysse, référente territoriale de Météo-France pour le Languedoc et le Roussillon.

La disparition progressive de la tramontane est observée par les météorologistes depuis plusieurs années. "Depuis 3 ans, le nombre de jours de tramontane est en dessous de la moyenne", assure l'ingénieure météorologue.

Ce vent, enregistré par Météo-France lorsqu'il souffle à au moins 58 km/h, était détecté en moyenne "un jour sur trois" par l'institut dans les années 1980 à 2010.

Des rafales allant jusqu'à 100 km/h

Ce "vent violent et froid" venu du Nord souffle habituellement sur "les contreforts des Pyrénées et les monts du sud du Massif" jusqu'aux "plaines côtières du Bas-Languedoc et du Roussillon", selon Météo-France.

"Ses rafales peuvent atteindre 100 km/h", précise le site Futura Sciences.

Pour l'instant, aucune garantie que l'année 2023 sera marquée par un nouveau record, mais les experts sont inquiets. Une étude, menée par le Centre national de recherches météorologiques et parue en 2017, estime notamment que l'augmentation des émissions de gaz à effet de serre est associée à une baisse de la tramontane.

Un vent essentiel pour l'écosystème marin

Fortement associée à l'identité de la région Occitanie, la tramontane est cruciale pour la faune et la flore du sud de l'Hexagone.

"Si elle diminue, c'est tout l'écosystème qui est menacé", alerte auprès de France Bleu Pascal Conan, responsable du service d'observation du Laboratoire Arago, à Banyuls-sur-Mer.

La tramontane est notamment indispensable à l'alimentation des espèces marines. "Ce vent (...) entraîne un refroidissement et une évaporation des eaux en surface, ce qui augmente leur densité", explique le CNRS sur son site.

Ce phénomène entraîne une chute des eaux de surface qui se mélangent à celles du fond "leur apportant de grande quantité d’O2" et de nutriments primordiaux pour l'écosystème. Sans tramontane, tout l'équilibre des fonds marins est donc menacé.

Pollinisation et assainissement des sols

En soufflant dans les plaines du Languedoc et du Roussillon, la tramontane est par ailleurs essentielle à l'assainissement des sols de la région, réputée pour ses vignes et ses arbres fruitiers.

Le vent contribue ainsi à "la forte production biologique printanière dans la région" réputée notamment pour ses pêches et ses cerises, assure la fondation scientifique Agropolis.

Le ministère de l'Agriculture précise notamment le rôle de la tramontane dans la formation des abricots rouges du Roussillon, espèce homologuée, dans un bulletin officiel.

"La présence de ce vent fort, très actif au printemps, assure la pollinisation de ces variétés auto-fertiles, accélère la maturité et évite le développement de maladies cryptogamiques (causées par un champignon NDLR)", souligne le ministère.

Juliette Desmonceaux