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Jusqu'à 7 degrés de plus d'ici 2100: quels effets concrets aurait ce scénario catastrophe?

Paysage d'Alaska. (Photo d'illustration)

Paysage d'Alaska. (Photo d'illustration) - JOE RAEDLE / GETTY IMAGES NORTH AMERICA / AFP

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La contribution française à la prochaine publication du GIEC, qui paraîtra en 2021-2022, sur le changement climatique a été dévoilée mardi. Explorant plusieurs trajectoires possibles lors des décennies à venir, elle pose un scénario catastrophe aboutissant à une augmentation de la température moyenne de sept degrés.

C'est un cauchemar, et comme tous les cauchemars il est aussi improbable qu'évocateur. Dans la contribution que les scientifiques français, émargeant au CNRS, au Commissariat à l'énergie atomique ou à Météo France, apporteront au sixième rapport d'évaluation du GIEC sur le devenir du changement climatique, rapport qui paraîtra en 2021-2022, les experts ont comparé différents modèles dont ils ont tiré plusieurs scénarios, et dont l'un fait nettement figure d'épouvantail: le SSP5 8.5. 

Ce schéma correspond à un monde lancé dans une croissance économique rapide, alimentée par des énergies fossiles. Selon les estimations des spécialistes, une telle option pourrait faire grimper la température moyenne du globe de 6,5°C à 7°C. BFMTV.com a interrogé deux climatologues pour mieux comprendre les retombées concrètes d'une trajectoire aux allures de sortie de route planétaire. 

Un scénario extrême

Il s'agit cependant de procéder avec méthode et nuance. "Ce sont des scénarios d'opportunité, c'est un ensemble de possibles et en aucun cas ce ne sont des prédictions", pose le climatologue de Météo France Roland Séférian. Et le SSP5 8.5, ce scénario du pire, ne compte pas au rang des plus probables, loin de là.

"Le SSP5 est très peu réaliste dans l'absolu car il représente un emballement du système macro-économique, dans lequel les nations, tout en résolvant différents problèmes comme celui de la qualité de l'air, iraient chercher toujours plus de pétrole", poursuit Roland Séférian. 

Olivier Boucher, climatologue et directeur de recherches au CNRS qui a participé à la conférence de presse ayant révélé les conclusions du groupe d'étude mardi, précise également:

"C'est un scénario extrême. On peut se demander même s'il est possible d'extraire autant d'énergies fossiles en si peu de temps". Extrême certes, mais pas tout à fait à exclure: "C'est comme si on mettait des Trump et des Bolsonaro partout", observe Olivier Boucher. 

Déplacement d'écosystèmes

Dans le monde entièrement dépourvu de conscience écologique décrit par le SSP5 8.5, la France présente un visage bien différent. "Les régimes de précipitations changent. C'est une France où on aurait besoin de clim' sur la moitié du territoire pour vivre", lance Olivier Boucher. A un tel régime, à l'horizon 2100, le pays serait remodelé par la conjonction d'une telle montée de fièvre et d'une variation des précipitations d'ampleur.

"Les travaux des écologues montrent qu'à cause des régimes de précipitations notamment, la ligne des pinèdes a déjà évolué vers le nord. Sur des décennies, voire un siècle, on peut imaginer un déplacement d'écosystèmes, voire des forêts méditerranéennes", détaille Roland Séférian qui ajoute qu'il serait imprudent de faire de cette perspective une règle: "On ne peut pas dire que ce sera la norme car il existe d'autres facteurs que nous ne prenons pas en compte. Par exemple, cette situation pourrait entraîner le développement d'insectes ravageant ces végétations". 

Le sud de la France et le bassin méditerranéen plus largement souffriraient particulièrement de la sécheresse, parcourus par des canicules plus intenses et plus fréquentes. "Un été du type de celui de 2003 deviendrait la norme", prolonge le climatologue de Météo France. Les feux de forêts intègrent logiquement ce cortège: "La recrudescence des vagues de chaleur, c'est un élément favorisant les démarrages de feu. On peut imaginer un terrain plus propice aux incendies", affirme Roland Séférian.

Mais, relève l'expert, un schéma lié à une croissance rapide ménage une place pour le progrès technologique, et donc à de meilleurs moyens de lutter contre les incendies, ce qui rend les projections d'autant plus délicates.

Des hivers incertains 

Si, dans cette perspective particulièrement négative, l'été d'une année 2100 ne se lit que trop bien, il n'en va pas de même de l'hiver. "On sentira le réchauffement climatique en été, et le dérèglement climatique en hiver", résume Roland Séférian. Le climatologue dépeint:

"A cause du changement climatique et du changement de la structure de l'atmosphère, le jet stream (courant d'air en altitude, NDLR) deviendrait plus sinueux, et donnerait des hivers incertains, aléatoires. La bipolarité entre sec et froid et chaud et humide serait vacillante."

Situation invivable 

Un coup de chaud de sept degrés porterait des conséquences fâcheuses pour l'Hexagone. Mais elles pourraient bien être dramatiques dans les contrées plus torrides. Au point que certaines d'entre elles en deviendraient proprement invivables. "Est-ce que les conditions de vie de certaines populations en Afrique seront vivables? La précarité climatique va s'amplifier pour elles, c'est sûr", admet Roland Séférian. 

"Une situation est invivable lorsqu'on ne peut plus refroidir la température de son corps", définit Olivier Boucher qui avance qu'elle pourrait alors concerner l'Afrique subsaharienne, ou encore le Golfe mais aussi les régions méditerranéennes selon les conditions de SSP5 8.5. 

Une disparition totale de la banquise

Enfin, bien qu'un débat divise la communauté des spécialistes sur ce point, ce cas de figure obligerait sans doute à faire le deuil de la banquise.

"Avant la fin du siècle, il y aurait une disparition totale de la banquise. Après 2050, l'Arctique pourrait se trouver au mois de mois de mars libre de glace, alors même qu'il s'agit du moment de son extension maximale en principe", envisage Roland Séférian. 

Les ombres du SSP5 tiennent surtout de l'expérience de pensée. Le scénario SSP3 est plus proche du monde tel qu'il va pour le moment. Et celui-ci nous promet tout de même un saut de 4°C en moyenne. 

Robin Verner