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Marseille: une tentative de règlement de compte décortiquée au tribunal, cinq prévenus condamnés

Des dossiers au tribunal.

Des dossiers au tribunal. - JOEL SAGET / AFP

Les magistrats ont condamné les cinq prévenus à des peines allant de deux ans avec sursis à huit ans de prison ferme pour deux d'entre eux.

Dangereux narco-trafiquants ou "petites frappes" qui n'auraient "que de la bouche"? Le tribunal correctionnel de Marseille a décortiqué ce mercredi une tentative de règlement de compte dans une cité des quartiers nord, sur fond de rivalité autour d'un juteux point de deal.

En revenant sur "ce dossier (qui) transpire la peur", la procureure Laurie Leblond a écarté après trois jours d'audience la version de la défense, estimant que les principaux prévenus, la plupart récidivistes, avaient bien "essayé de reprendre leur part du gâteau" dans les profits générés par un point de vente de la cité du Petit Séminaire, au printemps 2020.

Les magistrats ont d'ailleurs été à peine moins sévères que ses réquisitions, condamnant les cinq prévenus à des peines allant de deux ans avec sursis à huit ans de prison ferme pour deux d'entre eux.

Renseignements anonymes

Dans cette affaire, tout est parti de renseignements anonymes et beaucoup repose sur la sonorisation du véhicule d'un des prévenus, Anthony Torino.

"Moi, je vais l'éclater. Il fait 8000 par jour le charbon" (le point de deal, ndlr), "j'ai une guitare (une Kalachnikov, ndlr) et tout", lançait alors ce trentenaire volubile, lunettes et barbe bien taillée, condamné finalement à six ans de prison.

Loin du confinement et de ses restrictions de déplacement, l'enjeu semblait de reprendre aux "Blacks" le très rentable point de deal de cannabis et de cocaïne tenu par un certain "Foufou" au Petit Séminaire. Ensemble vétuste datant de 1959, dans le 13e arrondissement, cette cité est en attente de démolition depuis des années, minée par les trafics et les squats de migrants, notamment d'origine nigériane.

Règlement de compte "avorté"

Pour le ministère public, cette affaire est bien une reprise en main violente d'un point de deal et un règlement de compte "avorté", pas "que de la bouche", des paroles en l'air, comme l'ont soutenu les avocats de la défense.

Alors certes, la procureure a reconnu des "insuffisances" dans ce dossier où, exceptées ces conversations édifiantes, seules des munitions et des véhicules volés ont été retrouvés. Mais tout cela "transpire la peur", a insisté Laurie Leblond: et notamment celle d'être "reconnu comme ayant un litige" avec les "Blacks", et donc de s'exposer à des représailles.

Rida Ouarti, suspecté d'être à la tête de la bande, a assuré au tribunal que le chef de réseau des "Blacks" était son "ami": "Dans notre cité il y a aucun assassin, on n'est pas là pour tuer des gens".

"Un gentil garçon qui parle beaucoup"

Pourtant, peu après leur arrestation en mai 2020, trois autres trafiquants présumés sur cette cité "finiront abattus de plusieurs balles et carbonisés dans un véhicule", a rappelé la procureure.

Depuis lundi, les prévenus ont tout nié en bloc, faisant passer Anthony Torino pour un affabulateur. C'est "un gentil garçon qui parle beaucoup", a ironisé Rida Ouarti.

Torino a lui-même affirmé s'être "un peu inventé une vie". Et son avocate, Me Valérie Coriatt, de souligner les "excès de mythomanie, de vouloir être, de vouloir paraître" de son client, comme ses "fragilités psychologiques". Avec ses co-prévenus, ils ne seraient que des "petites frappes", a-t-elle plaidé.

Une photo de fusil d'assaut dans le téléphone

François Mussa, qui a écopé de la peine la plus dure avec Rida Ouarti, était catégorique: ce n'est pas lui qu'on entend sur les enregistrements, et il ne ferait "pas de mal à une mouche". Le fusil d'assaut en photo dans son portable? C'était "contre les oiseaux et les chats du voisinage". Les liasses de billets de 50 euros ? "Mon RSA et des gains au casino". Et les montres de luxe? "Toutes des fausses".

"Pour quelqu'un qui touche le RSA, vous vous en sortez plutôt bien", a ironisé le président, insistant sur la susceptibilité du prévenu: "À chaque fois qu'il y a un problème avec quelqu'un, vous dites que vous allez 'le fumer'".

Finalement ils ne "fumeront" personne, sans doute parce que leur "amie", également prévenue, n'a jamais donné le "go" attendu ce soir d'avril 2020: "J'avais peur", a-t-elle reconnu à la barre.

F.B. avec AFP