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Victoire indépendantiste en Catalogne, selon des résultats partiels

Dans un bureau de vote à Barcelone. Selon des résultats partiels, les quatre partis indépendantistes emportent la majorité absolue des sièges disputés lors des élections régionales anticipées qui ont eu lieu dimanche en Catalogne, mais le parti nationalis

Dans un bureau de vote à Barcelone. Selon des résultats partiels, les quatre partis indépendantistes emportent la majorité absolue des sièges disputés lors des élections régionales anticipées qui ont eu lieu dimanche en Catalogne, mais le parti nationalis - -

par Fiona Ortiz et Braden Phillips BARCELONE, Espagne (Reuters) - Les quatre partis indépendantistes emportent la majorité absolue des sièges...

par Fiona Ortiz et Braden Phillips

BARCELONE, Espagne (Reuters) - Les quatre partis indépendantistes emportent la majorité absolue des sièges disputés lors des élections régionales anticipées qui ont eu lieu dimanche en Catalogne, selon des résultats partiels, mais le parti nationaliste au pouvoir devrait perdre des élus.

Convergencia i Unio (CiU, droite nationaliste), d'Artur Mas qui est président de la région depuis trois ans, emporte 48 des 135 sièges qui composent l'Assemblée, contre 62 détenus actuellement, alors que la moitié des bulletins ont été comptabilisés.

Esquerra Republicana (ERC, gauche), autre parti indépendantiste qui devait arriver en deuxième position selon les derniers sondages, décroche lui 20 sièges.

Deux autres petits partis pouvant s'allier aux deux précédents compteraient, eux, 16 élus, donnant ainsi aux indépendantistes une majorité absolue avec environ 60% des sièges.

Le scrutin a atteint un taux de participation record, avec 68% des électeurs s'étant exprimés, soit 10 points de pourcentage de plus que lors des précédentes élections, deux ans auparavant.

"C'est la plus forte participation enregistrée en Catalogne lors des huit derniers scrutins, depuis 1988", a déclaré la vice-présidente de la Généralité de Catalogne, Joana Ortega, à la mi-journée.

Les balcons de Barcelone sont pavoisés de drapeaux -une étoile sur fond de bandes rouge et jaune- des nationalistes catalans. "J'en ai vendus en deux semaines plus que ces huit dernières années", confie une commerçante, Margarita Bascompte.

PACTE FISCAL

Si ces résultats sont confirmés, Artur Mas pourrait tenir sa promesse d'organiser dans les quatre ans un référendum d'autodétermination dont Madrid ne veut pas entendre parler.

"J'espère être le dernier président d'une Catalogne que l'Espagne s'efforce de détruire par une campagne de coups bas", a déclaré le chef de file de CiU au cours du week-end dernier. "Le prochain ne sera plus dépendant de l'Etat espagnol", a-t-il lancé devant ses partisans.

Les enquêtes d'opinion montrent aujourd'hui que 44% à 57% des Catalans seraient prêts à franchir le pas d'un Etat indépendant, des niveaux jamais atteints auparavant, à condition toutefois que la Catalogne reste dans l'Union européenne.

Le séparatisme en Catalogne, comme au Pays basque espagnol, a été durement réprimé sous la dictature franquiste (1939-75) mais les 17 régions espagnoles ont obtenu une large autonomie après le retour de la démocratie et les velléités indépendantistes sont restées limitées dans les années 1980-90.

Des événements récents ont cependant alimenté le sentiment de frustration des Catalans vis-à-vis de Madrid, à commencer par le rejet en 2010 par le Tribunal constitutionnel de plusieurs articles du nouveau statut d'autonomie régional, l'Estatut, dont celui reconnaissant une "nation" catalane.

La crise économique aiguë que traverse l'Espagne est venue renforcer l'argumentaire en faveur d'une sécession.

Avec ses ports méditerranéens très actifs, son tourisme, ses usines automobiles, son industrie chimique ou son secteur bancaire, la Catalogne, forte de 7,5 millions d'habitants -soit plus que la population du Danemark- , pèse un cinquième de l'économie espagnole.

Son produit intérieur brut équivaut à celui du Portugal.

La grave récession qui frappe le royaume depuis l'éclatement de la bulle immobilière en 2007 ne l'a pas épargnée : dans l'impossibilité de se financer sur les marchés depuis que ses titres ont été classés au rang d'obligations "pourries", la Catalogne a dû emprunter cinq milliards d'euros à Madrid pour payer ses factures.

QUEL IMPACT ÉCONOMIQUE ?

Mais de nombreux Catalans rejettent leurs difficultés sur Madrid en accusant le gouvernement central de prendre leurs impôts pour les reverser aux régions les plus pauvres. Les autorités régionales évaluent le manque à gagner à 16 milliards d'euros par an.

A la tête de la Generalité (exécutif régional), Artur Mas a tenté de renégocier un "pacte fiscal" plus avantageux avec Madrid, mais le président du gouvernement conservateur, Mariano Rajoy, y a opposé une fin de non-recevoir le 20 septembre, malgré une manifestation massive de centaines de milliers de Catalans à Barcelone neuf jours plus tôt.

Mariano Rajoy souligne que la Catalogne devrait déposer sa candidature à l'UE en cas de sécession et met en garde les électeurs contre "un billet pour nulle part". Le roi Juan Carlos a lui aussi lancé un appel à l'unité.

La récente conversion d'Artur Mas à l'indépendance fait aussi lever quelques sourcils en Catalogne.

Certains soupçonnent le chef de file de la droite nationaliste de vouloir faire oublier une situation économique dramatique et les coupes franches dans les dépenses des hôpitaux et des écoles.

"L'indépendance ne nous aidera pas à résoudre tous nos problèmes", résume Inma Prat, une infirmière à la retraite.

Un cadre catalan, préférant rester anonyme, note que les grandes entreprises de la région évitent de prendre position publiquement sur l'indépendance, pour ne pas se mettre à dos les clients du reste de l'Espagne.

Certaines PME pensent en revanche qu'une Catalogne indépendante, débarrassée de ses obligations fiscales envers Madrid, pourrait investir dans ses propres infrastructures, ce qui leur serait favorable.

"Un nouvel Etat catalan forcerait les bureaucrates de Madrid à se remettre au travail. Après cinq années de crise, l'Espagne n'a pas de stratégie et aucune idée pour s'en sortir", dit Ramon Tremosa, un élu CiU au Parlement régional.

Jean-Stéphane Brosse, Jean-Loup Fiévet et Agathe Machecourt pour le service français