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Un chef de police révoqué en Syrie, les troubles continuent

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Le chef de la police de Banias, ville côtière du nord-ouest de la Syrie, a été arrêté après la mort de cinq civils dans la répression de manifestations pour la démocratie qui s'y étaient déroulées la semaine dernière, a rapporté mercredi un mouvement de défense des droits de l'homme.

L'observatoire syrien des droits de l'homme, qui cite des sources à Damas, identifie le responsable sous le nom d'Amjad Abbas. Le week-end dernier, les forces de sécurité avaient bouclé la ville après des manifestations contre le président Bachar al Assad et une attaque d'éléments pro-Assad contre un groupe qui gardait une mosquée.

Malgré la répression, des manifestants descendent dans les rues depuis plus d'un mois pour exiger plus de libertés.

Les militants des droits de l'homme, qui font état de plus de 200 morts depuis le début du mouvement, ont réclamé des enquêtes indépendantes sur l'action des forces de sécurité.

AUTORISATION REQUISE POUR MANIFESTER

La dernière initiative des autorités semble viser à se concilier les contestataires, qui ont rejeté des appels à l'arrêt des manifestations et ignoré une concession majeure du gouvernement. Celui-ci a en effet adopté mardi un projet de loi abrogeant l'état d'urgence en vigueur depuis 48 ans.

Selon l'Observatoire, des habitants de Banias ont déclaré qu'Abbas, le chef de police limogé, était l'un des responsables de la sécurité qui avaient frappé un villageois dans la ville voisine de Baïda, ce dont témoignerait un document vidéo.

En même temps que le projet de loi levant les mesures d'exception, le nouveau cabinet a approuvé des mesures imposant aux Syriens d'obtenir l'autorisation de l'Etat pour manifester.

Quelques heures plus tôt, le ministère de l'Intérieur avait exhorté les citoyens à s'abstenir de toute manifestation.

Selon des observateurs, le communiqué du ministère et le fait que les autorités aient arrêté dans la nuit un important dirigeant de l'opposition laissent penser que la levée de l'état d'urgence ne s'accompagnera pas de la fin de la répression.

Des rassemblements d'opposants se sont poursuivis dans la nuit en divers points du pays, notamment dans le faubourg damascène de Zabadini où certains ont réclamé "la chute du régime". On a également signalé des sit-in à Djabla, sur la côte, une manifestation de femmes à Barzeh (Damas) et une procession aux chandelles à Tel, près de la capitale.

ARRESTATION À DOMICILE

A Homs, des soldats et des partisans d'Assad vêtus de noir patrouillaient dans un secteur compris entre deux places du centre-ville, ont rapporté des témoins. Les magasins sont restés fermés en signe de protestation contre la mort de 20 manifestants abattus par les forces de sécurité depuis lundi.

L'opposant Mahmoud Issa a été interpellé à son domicile à Homs vers minuit par des membres de la police politique.

"Issa est un ancien prisonnier politique connu. L'arrêter quelques heures après avoir annoncé la levée de l'état d'urgence est répréhensible", a dit Rami Adelrahman, responsable de l'Observatoire pour les droits de l'homme en Grande-Bretagne.

Plusieurs personnalités connues à Homs, creuset intellectuel et artistique, ont signé une pétition appelant l'armée "à ne pas verser le sang de Syriens honorables" et démentant des allégations gouvernementales selon lesquelles des groupes salafistes opéreraient dans la ville.

A Alep, deuxième ville de Syrie, des éléments irréguliers soutenant Assad ont dispersé une manifestation d'étudiants à l'université, frappant un certain nombre de ceux-ci et procédant à 37 arrestations, a déclaré un militant des droits de l'homme.

Le département d'Etat américain a noté que la nouvelle loi requérant des autorisations pour manifester ne permettait pas de savoir si la fin de l'état d'urgence favoriserait une action gouvernementale moins restrictive.

Selon une source autorisée citée par un journal officieux, le président Assad signerait mercredi les décrets confirmant les décisions du gouvernement.

Le ministère de l'Intérieur avait affirmé lundi soir que les troubles qui agitent la Syrie étaient orchestrés par "des groupes armés appartenant à des organisations salafistes". Le salafisme est une forme rigoriste de l'islam sunnite.

Pour les spécialistes, les autorités syriennes tentent d'empêcher l'opposition de trouver un lieu à partir duquel se cristalliserait la contestation, comme cela a été le cas en Egypte de la place Tahrir, au Caire.

Pierre Sérisier et Philippe Bas-Rabérin pour le service français