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Un an après la grippe a, le procès de la gestion gouvernementale

Un an après le début de l'épidémie de grippe A (H1N1) en France, les parlementaires font le procès de la gestion gouvernementale de cette crise sanitaire et de la campagne nationale de vaccination qui l'a accompagnée. /Photo prise le 12 novembre 2009/REUT

Un an après le début de l'épidémie de grippe A (H1N1) en France, les parlementaires font le procès de la gestion gouvernementale de cette crise sanitaire et de la campagne nationale de vaccination qui l'a accompagnée. /Photo prise le 12 novembre 2009/REUT - -

par Clément Guillou PARIS (Reuters) - Un an après le début de l'épidémie de grippe A (H1N1) en France, les parlementaires font le procès de la...

par Clément Guillou

PARIS (Reuters) - Un an après le début de l'épidémie de grippe A (H1N1) en France, les parlementaires font le procès de la gestion gouvernementale de cette crise sanitaire et de la campagne nationale de vaccination qui l'a accompagnée.

La campagne est considérée comme un échec par certains compte tenu de son coût - 500 millions d'euros selon le ministère de la Santé - et de son résultat : moins de six millions de personnes vaccinées en France.

Selon l'institut de veille sanitaire (InVS), la grippe A a fait 312 morts en France, un nombre inversement proportionnel à l'ampleur médiatique de la crise.

Les responsables, en premier lieu la ministre de la Santé, ont argué lors d'auditions au Sénat et à l'Assemblée nationale que l'incertitude sur une possible mutation du virus exigeait une telle réponse.

"J'ai retenu un scénario fondé sur des hypothèses plausibles, qui s'est révélé plus pessimiste que ce qui est advenu dans la réalité", a dit Roselyne Bachelot lors de son audition devant la commission d'enquête de l'Assemblée sur la gestion de l'épidémie.

La ministre y a, pour la première fois, reconnu "des points noirs", concernant l'expertise, "indispensable" mais "perfectible", les centres de vaccination et la communication avec les médecins généralistes.

ADAPTABILITÉ

"Nous avons perdu la bataille du nombre", a concédé le directeur général de la santé, Didier Houssin. "Il se trouve que la population française ne s'est pas montrée assez inquiète, craignant peut-être davantage le vaccin" que la grippe.

Moins d'un quart des populations à risques - femmes enceintes, bébés, enfants et personnes fragiles - ont été vaccinées. Dans plusieurs pays comme la Suède, les Pays-Bas ou le Canada, les taux de vaccination ont dépassé les 50%.

Devant les deux commissions d'enquêtes, les critiques se sont focalisées sur la fuite en avant du gouvernement dans la campagne de vaccination.

En juillet, la France a annoncé l'achat de 94 millions de vaccins contre la grippe A, pour un coût d'environ 800 millions d'euros, avant d'annuler 50 millions de commandes car une seule dose suffisait à vacciner la quasi-totalité de la population.

François Bricaire, spécialiste des maladies infectieuses, a estimé que la France n'en avait pas trop fait au printemps compte tenu de la gravité des cas apparus au Mexique.

"Face à un agresseur annoncé comme dangereux, on a frappé fort et il fallait frapper fort. Tout le problème a été de ne pas pouvoir décélérer rapidement", a dit ce professeur.

Pour la députée socialiste Catherine Génisson, "la réactivité et l'adaptabilité a quand même été très, très restreinte et en tout état de cause, à chaque fois qu'il y a eu des changements de cap, ça a été très, très mal expliqué".

"Du jour au lendemain, on a dit on arrête tout, sans tellement d'explication", a dit à Reuters cette membre assidue de la commission d'enquête.

Le gouvernement avait pourtant des indices sur le faible enthousiasme des Français, selon Michel Setbon, sociologue à l'école des hautes études en santé publique et qui a mené des études financées par le gouvernement (SIG) pendant la crise.

En juin, le niveau d'inquiétude des Français est "extrêmement bas". Six mois plus tard, le débat public a fait passer les indécis dans le refus de la vaccination.

"Si la réponse vaccinale était au départ tout à fait justifiée, les incertitudes pesant sur les paramètres de l'épidémie et leur impact sur les comportements en matière de vaccination auraient dû conduire à adapter le programme. Or on a fait le choix inverse, celui de l'irréversibilité", a-t-il dit.

"SABOTAGE"

Didier Houssin répond que les pouvoirs publics ont eu toutes les expertises en main pour arrêter leurs choix, et, comme Roselyne Bachelot, souligne que le Premier ministre François Fillon a lui-même décidé l'achat de 94 millions de vaccins.

La ministre déplore aussi "le sabotage" qu'a représenté "la désinformation" sur les prétendus effets secondaires du vaccin : "Les responsables en sont remarquablement divers - occultes et dissimulés derrière la toile du Net, ou bien notables en quête d'une éphémère célébrité médiatique", a dit Roselyne Bachelot.

La communication gouvernementale n'a ni contrebalancé ni contenu ce soupçon ambiant et a été privée du meilleur porte-voix en matière de santé : la médecine généraliste.

"Non seulement ils n'ont pas relayé la position du gouvernement auprès de leurs patients mais encore ils l'ont combattue, ce qui est assez ahurissant et décevant", a dit le président du Haut conseil de la santé publique, Roger Salamon.

Le faible taux de vaccination des professionnels de santé a aussi convaincu la population que le virus était bénin.

Les derniers reproches faits à Roselyne Bachelot concernent la négociation de l'achat des vaccins. La ministre a résumé la situation devant le Sénat : "Le déséquilibre entre l'offre et l'importance de la demande au niveau mondial plaçait les laboratoires en position de force. Ceux-ci privilégiaient les commandes fermes et définitives. Aucun laboratoire n'a accepté de s'engager sur un calendrier de livraison."

Edité par Yves Clarisse