BFMTV
International

Tunisie : la crainte des femmes pour leurs droits

Le 9 août à Tunis, les femmes manifestaient déjà leur mécontentement face à cette proposition de constitution

Le 9 août à Tunis, les femmes manifestaient déjà leur mécontentement face à cette proposition de constitution - -

Un projet de Constitution en Tunisie privilégiant la « complémentarité » au principe d’« égalité » pourrait remettre en cause le droit des femmes. « Ça peut être une porte d’entrée à des régressions », craignent les associations féministes.

Les Tunisiennes craignent pour leurs droits ! Elles s'insurgent contre un article de la future constitution (en cours de rédaction) qui fait polémique en Tunisie. Ce texte instaure la notion de « complémentarité » entre hommes et femmes, écartant le principe d' « égalité ». L'article 27 stipule que « l'État assure la protection des droits de la femme sous le principe de complémentarité avec l'homme au sein de la famille en tant qu'associée de l'homme ». La femme ne serait donc définie qu’en fonction de l’homme. Elle est considérée comme son partenaire et son complément. Cet article a déjà été approuvé par 12 députés d'Ennahda (islamistes majoritaires à l'Assemblée nationale constituante) mais doit encore être approuvé en séance.

Des manifestations à Paris et à Tunis

Ce texte provoque la colère des ONG féministes et de défense des droits de l'homme. Elles dénoncent des propositions rétrogrades et passéistes. Elles appellent donc à manifester ce lundi, à Paris (18h place du Chatelet) comme à Tunis (21h, heure locale), à l’occasion du 56e anniversaires de la promulgation du Code du statut personnel. Ce code comprend une série de lois datant du 13 août 1956 qui légifère les relations au sein de la famille, accordant un statut privilégié dans le monde arabe aux Tunisiennes : interdiction de la polygamie et de la répudiation, instauration du divorce, droit des garçons et des filles à l'éducation, âge minimum légal pour le mariage, mariage des petites filles prohibé. Un héritage que les féministes tunisiennes veulent à tout prix préserver.

« Une porte d’entrée à des régressions : droit au travail ou polygamie »

Ahlem Bel Hadj, présidente de l'Association tunisienne des Femmes démocrates (ATFD), qui appelle à manifester ce lundi dans les rues de Tunis, estime que les droits des femmes en Tunisie sont susceptibles d’être en grand danger. « On a entendu des voix qui parlaient de polygamie, de revenir sur le droit à l’avortement, de mutilations génitales. Ce qui change la donne c’est que c’est écrit dans le projet de constitution. C’est gravissime. Les Tunisiennes ne sont pas considérées comme étant des citoyennes à part égale. Ça peut être une porte d’entrée à des régressions, ça peut être le droit au travail ou la polygamie. Tant que nous ne sommes pas dans l’égalité, tout est possible ».

« On va retourner 14 siècles en arrière »

Houda Zekri, présidente du collectif Culture création citoyenneté, (association qui lutte depuis la France pour les droits individuels en Tunisie), craint vraiment une régression : « La femme va être considérée comme mineure, c’est à dire qu’elle ne pourra pas sortir du territoire sans autorisation, sans l’aval d’un tuteur. Elles ne pourront plus non plus occuper les postes qu’elles ont aujourd’hui d’autant plus qu’un discours se fait entendre selon lequel s’il y a du chômage en Tunisie c’est parce que les femmes prennent les places des hommes. On va remettre en cause la scolarité. La norme ça va être les femmes voilées, alors que ce n’était pas du tout le cas en Tunisie. On commence a voiler les enfants aussi… On va retourner 14 siècles en arrière ».

La Rédaction avec R. Pour Sadjadi