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Soldats français morts au Mali: pourquoi la revendication de Daesh semble opportuniste

Opération Barkhane au Burkina Faso, le 12 novembre 2019

Opération Barkhane au Burkina Faso, le 12 novembre 2019 - MICHELE CATTANI / AFP

"Il n'y a pas eu de retrait d'un appareil face à un tir des jihadistes", a déclaré ce vendredi François Lecointre, le chef d'état-major de l'armée française.

C'est une revendication qui interroge. La branche africaine de Daesh (Iswap) a déclaré jeudi être à l'origine de la collision des deux hélicoptères dans laquelle treize soldats français ont perdu la vie dans la nuit de lundi à mardi derniers. Une affirmation qui ne convainc pas les spécialistes, et qui a été balayée au plus haut niveau de l'armée française.

Dans un communiqué rapporté par l'organisme américain SITE intel Group, les jihadistes ont accompagné précisé leur propagande en ajoutant que l'un des appareils avait dû s'échapper précipitamment de la zone à la suite de l'une de leurs embuscades.

"On s'attendait à une revendication du groupe État Islamique (autre nom de Daesh, NDLR)", nous explique Caroline Roussy, chercheuse à l'IRIS, spécialiste de l'Afrique de l’Ouest et du Sahel. "Ça a même mis plus de temps que prévu", s'étonne-t-elle. La spécialiste ajoute que les jihadistes ont besoin de "laisser à croire qu'ils ont l’initiative sur le terrain, qu'ils malmènent les soldats français et de semer le doute dans l’opinion".

Une tactique qu'elle juge pernicieuse, et qui sert un objectif selon l'experte "que la France se retire enfin de la région".

Le chef d’état-major des armées françaises balaie la revendication de Daesh

Ce vendredi, le général François Lecointre, chef d’état-major des armées françaises, est revenu sur les conditions exactes de l’accident. Il en a profité pour démentir la revendication de Daesh sur Radio France Internationale (RFI).

"Il n’y a pas eu de prise à parti par les jihadistes qui étaient poursuivis (…). Il n’y a pas eu de retrait d’un appareil face à un tir des jihadistes. L’armée française dit la vérité: nous la devons à nos soldats et aux familles de nos compagnons qui sont morts. Les enquêtes ne sont pas terminées, les boîtes noires vont être exploitées pour avoir les détails précis de la manière dont nos soldats sont morts."

"Le sentiment de suspicion concernant cet accident doit être balayé", ajoute Caroline Roussy, avant de poursuivre:

"Il en ressort de la vie des jeunes soldats disparus et de leurs familles brisées. Si le gouvernement avait fait de fausses déclarations, l’exécutif ne serait plus crédible."

Après la collision de l’hélicoptère de combat Tigre et de celui de transport Cougar, venu appuyé des soldats français engagé au sol face à un commando de jihadistes armés, une enquête interne a été ouverte au sein de l’armée française. Le Bureau d’enquêtes et d’analyses pour la sécurité de l’aviation civile (BEA), a également été saisi pour analyser les données les deux boites noires des appareils retrouvés sur les lieux du drame.

Daesh multiplie les revendications opportunistes 

Longtemps les revendications d'attentats par Daesh ont été prises au sérieux. Une forme de protocole de validation de l’identité des terroristes, ainsi que du mode opératoire, était en effet de règle pour les organes de propagande de Daesh, à commencer par son "agence de presse" Aamaq, détaille l'historien Jean-Pierre Filiu sur son blog, "Un si proche Orient". Mais depuis 2017, le groupe terroriste multiplie les revendications dites "opportunistes" quitte à les démentir dans un second temps.

Le 20 avril 2017, Karim Cheurfi tue un policier sur les Champs-Elysées, avant d’être tué par les forces de l’ordre. Quelques heures plus tard, Daesh revendique l'attentat sur l'Aamaq par "Abou Youssouf al-Belgiki, "le Belge". Daesh reconnaîtra que le terroriste était Français et non Belge. Un mois plus tard, un homme masqué tue 37 personnes dans un casino proche de l'aéroport de Manille aux Philippines. Les autorités locales assurent que l'auteur de la tuerie, Jessie Carlos, était en réalité un joueur compulsif et endetté, qui aurait souhaiter se venger.

Le 1er octobre 2017, Daesh s'attribue la fusillade de Las Vegas, tuant 58 personnes à l'hôtel-casino Mandala Bay. Les dix mois d'enquête concluent finalement que le tireur avait mené cette opération seul. Enfin, le 23 août 2018, Daesh revendique l’attaque au couteau où un habitant de Trappes assassine sa femme et sa sœur, avant d’être abattu par la police. La justice française n'a jamais considéré cette attaque comme un acte terroriste. Daesh a perdu près de 95% de son territoire et est affaibli jusque dans ses organes de propagande.

Romane Ganneval