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Rapatriement des enfants retenus dans les camps syriens: la France condamnée par la CEDH

Des orphelins de différentes nationalités, dont deux Français, dans le camp syrien d'al-Hol le 25 janvier 2020.

Des orphelins de différentes nationalités, dont deux Français, dans le camp syrien d'al-Hol le 25 janvier 2020. - DELIL SOULEIMAN / AFP

La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France qui refuse jusqu'alors le rapatriement des femmes et des enfants de jihadistes retenus en Syrie. La justice européenne avait été saisie par deux familles.

Une victoire pour les familles de femmes et enfants français toujours retenus dans les camps en Syrie. La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné la France à réexaminer les demandes de rapatriement des familles de jihadistes en Syrie. Des requêtes qui vont devoir être réexaminer au plus vite par Paris.

"En exécution de son arrêt, la Cour précise qu'il incombe au gouvernement français de reprendre l'examen des demandes des requérants dans les plus brefs délais en l'entourant des garanties appropriées contre l'arbitraire", a indiqué la Grande chambre de la CEDH, sa plus haute instance.

"La France ne peut pas refuser de les faire entrer"

La justice européenne avait été saisie par les parents et grands-parents de deux Françaises, épouses de jihadistes, bloquées dans les camps en Syrie avec leurs enfants. Ces deux femmes avaient quitté la France en 2014 et 2015 pour rejoindre la Syrie où elles ont donné naissance à leurs enfants. En avril 2019, le conseil d'Etat avait rejeté leurs demandes de rapatriement, estimant qu'elles ne relevaient pas de la compétence du juge français.

La Cour européenne des droits de l'Homme a condamné Paris pour le non-respect du protocole n°4 de la Convention européenne des droits de l'Homme qui indique que "nul ne peut être privé du droit d'entrer sur le territoire de l'Etat dont il est le ressortissant". "Autrement dit, la CEDH dit 'ce sont des ressortissants français et la France ne peut pas refuser de les faire entrer", analyse pour BFMTV.com Me Laurence Roques, avocate et présidente de la Commission Liberté et Droits de l’Homme au Conseil national des barreaux.

La France a toujours appliqué une politique "au cas par cas" concernant ses ressortissants français détenus dans les camps syriens depuis la chute de l'Etat islamique. Au cours de l'été, Paris a rapatrié 35 mineurs et 16 mères qui étaient jusqu'alors détenus dans des camps de prisonniers jihadistes au nord-est de la Syrie. Jusqu'alors seuls 35 enfants avaient été rapatriés en France depuis mars 2019.

"Victoire"

Concrètement, une autorité indépendante va devoir réexaminer les demandes déposées par les familles des Françaises détenues en Syrie. "C'est une victoire, car il y a condamnation", estime Me Laurence Roques, qui assure que les familles de ces Françaises pourront revenir devant la CEDH si la France ne respectait pas la décision qui vient d'être prise. Paris devra également verser 18.000 euros et 13.200 euros aux deux familles requérantes pour frais et dépens.

"La cour dit à la France 'votre politique de rapatriement est illisible'", considère l'avocate.

Paris n'a toutefois pas été condamnée sur l'arguement avancé par les avocats des familles de ces Françaises qui estimaient que la France "expose consciemment et délibérément ceux-ci à des traitements inhumains et dégradants" en les laissant dans les camps en Syrie. La CEDH a considéré que ces camps ne dépendaient pas de la compétence de la France.

Plus largement, les défenseurs d'une politique de rapatriement massif espère que cet arrêt rendu ce mercredi par la Cour européenne des droits de l'Homme impulse une nouvelle doctrine. "Nous espérons que la décision aura un impact sur le positionnement des autres pays européens" qui refusent toujours de rapatrier leurs ressortissants, conclut Me Laurence Roques.

https://twitter.com/justinecj Justine Chevalier Journaliste police-justice BFMTV