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Qui était Abdelmalek Droukdal, le chef d'Aqmi tué au Mali par les forces françaises?

Les autorités militaires françaises ont annoncé la mort du chef d'Al-Qaida au Maghreb islamique tué au Mali, vendredi. Le terroriste se cachait depuis plusieurs années.

Il avait été l'ennemi public numéro un en Algérie puis avait fondé la branche d'Al-Qaida au Maghreb islamique (Aqmi), rêvant de devenir une figure du jihad global. L'Algérien Abdelmalek Droukdal est finalement mort en "martyr", dans une opération de l'armée française au Mali

"L'émir des émirs"

Avec la mort de Droukdal, parfois appelé aussi Droukdel et également connu sous le nom d'Abou Moussaab Abdelouadoud, disparaît un pan entier de l'histoire du jihad africain. "Il avait l'aura de celui qui avait réussi à durer et qui était en lien avec Al-Qaida centrale", souligne un expert de l'antiterrorisme sous couvert d'anonymat. "Mais comme tous les chefs dans ce milieu, il était contesté".

"Il était toujours l'émir des émirs. Mais son isolement en Algérie lui était de plus en plus reproché" car il paralysait ses liens opérationnels avec le terrain, confirme une source proche du dossier. Selon elle, les combattants lui reprochaient de ne pas être à leurs côtés.

Né en 1971 à Zayane, un quartier pauvre de Meftah, une localité déshéritée de la grande banlieue d'Alger, Abdelmalek Droukdal fait des études scientifiques à Blida et rejoint en 1993 les Groupes islamiques armés, où il joue les experts en explosifs.

Son mentor politique et militaire est le Jordanien Abou Moussaab Al-Zarkaoui, qui avait multiplié les attentat-suicides en Irak avant d'être tué par l'armée américaine en 2006. L'homme au visage rond dévoré par une barbe abondante et d'épais sourcils lui a même emprunté son nom de guerre, Abou Moussaab, en hommage à un compagnon du prophète Mohammed.

Mais il n'en était pas moins ancré dans son pays d'origine, souligne le site Counter Extremism Project, décrivant "un mélange d'islam politique et de nationalisme arabe" chez un de ces rares leaders d'Al-Qaida à ne pas avoir été formé dans des camps au Yemen ou en Afghanistan. 

"Réseau inestimable"

"Droukdal a été décrit comme dur, doté d'une forte personnalité", précise le CEP. Un homme "charismatique avec d'excellentes capacités oratoires". Un ambitieux prêt à éliminer "des membres d'Aqmi qui se détournaient de ses instructions ou de ses positions idéologiques". 

A la fin des années 90, il participe à la fondation du GSPC algérien (Groupement salafiste pour la prédication et le combat), sous la direction de l'émir Hassan Hattab. Mais ce dernier est jugé insuffisamment actif par Droukdel et un autre de ses lieutenants, Nabil Sahraoui. "Peu après l'invasion américaine en Irak, ils déposent Hattab au nom d'un engagement nettement plus internationaliste", écrit Jean-Pierre Filiu dans son ouvrage "Les neufs vies d'Al-Qaida". Quand Sahraoui est tué, Droukdal devient l'émir du GSPC.

Le GSPC forme alors des jihadistes pour les envoyer en Irak. La direction d'Al-Qaida s'intéresse à celui qui mobilise à partir du sud algérien dans les pays voisins - Mauritanie, Mali, Niger, Tunisie, Libye. "Un tel réseau est inestimable pour le jihad global", relève Jean-Pierre Filiu.

Le nombre d'attaques double de 2006 à 2007, ce qui lui vaut d'être fiché comme un terroriste lié à Al-Qaida par les Etats-Unis et l'ONU. "Droukdal a fabriqué des engins explosifs qui ont tué des centaines de civils lors d'attentats perpétrés dans des lieux publics", estime l'ONU dans sa fiche, avant d’énumérer une liste impressionnante d'attentats, enlèvements et assassinats.

Une autorité effritée

Droukdal a encouragé Aqmi "à enlever des nationaux algériens et étrangers comme moyen de financer ses activités terroristes", affirme encore la fiche de l'ONU. Il est condamné par contumace à la réclusion à perpétuité par le tribunal de Tizi-Ouzou en Algérie, en 2007. A la fin des années 2000, il domine le nord-est algérien, "rançonne les populations environnantes et harcèle les forces de sécurité".

"L'organisation de Droukdal reste construite sur deux pôles du GSPC, le maquis prédateur en Kabylie, sous le contrôle de l'émir, d'une part, le réseau largement indépendant et itinérant au Sahara d'autre part", explique Jean-Pierre Filiu. Mais l'émir échoue à fédérer les groupes actifs au Maroc, en Tunisie ou en Libye.

En 2011, Ben Laden est tué au Pakistan. Abdelmalek Droukdal refuse de prêter allégeance à Zawahiri et reprend son autonomie. Son emprise locale est plus évanescente, son autorité s'effrite. Il se fait plus rare, voire totalement silencieux, entre 2012 et 2015. En 2016, des journaux algériens affirment qu'il s'est enfui en Tunisie. Depuis, il se cachait. "C'est un beau résultat", estime l'expert en terrorisme, mais "ça ne règle pas le problème du Sahel".

C. S. avec AFP