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Quatre ans de prison requis contre Pasqua dans trois affaires

L'avocat général de la Cour de justice de la République (CJR) a requis quatre ans de prison, dont deux avec sursis, à l'encontre de l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua pour trois affaires de corruption présumée entre 1993 et 1995. /Photo d'arc

L'avocat général de la Cour de justice de la République (CJR) a requis quatre ans de prison, dont deux avec sursis, à l'encontre de l'ancien ministre de l'Intérieur Charles Pasqua pour trois affaires de corruption présumée entre 1993 et 1995. /Photo d'arc - -

PARIS - L'avocat général de la Cour de justice de la République (CJR) a requis quatre ans de prison, dont deux avec sursis, à l'encontre de...

par Clément Guillou

PARIS (Reuters) - L'avocat général de la Cour de justice de la République (CJR) a requis jeudi quatre ans de prison, dont deux ferme, à l'encontre de Charles Pasqua pour trois affaires de corruption présumée lorsqu'il était ministre de l'Intérieur entre 1993 et 1995.

Le verdict du jury, composé de 12 parlementaires et trois magistrats, doit être rendu vendredi à la mi-journée, à l'issue de deux semaines d'un procès "singulier" pour l'accusation, joué d'avance selon la défense.

L'avocat général Yves Charpenel a en outre demandé 200.000 euros d'amende et l'interdiction des droits électifs, soit la perte de son mandat et l'inéligibilité dont la durée est à l'appréciation du jury.

"Nous sommes dans un dossier où le soupçon a été un poison subtil et pernicieux", a dit l'avocat de Charles Pasqua, Léon Lev Forster, lors de sa plaidoirie. Le réquisitoire de l'avocat général a été "une construction intellectuelle où on a l'impression que les suspicions et les doutes forgent les certitudes", a-t-il ajouté.

Le sénateur des Hauts-de-Seine est jugé par la CJR, une juridiction d'exception, pour des faits de corruption passive dans l'autorisation d'exploitation du casino d'Annemasse (Haute-Savoie), qui aurait permis de financer plus tard son parti, le Rassemblement pour la France (RPF).

Il est aussi accusé de complicité et recel d'abus de biens sociaux dans les affaires des contrats de la Sofremi, société de matériel de sécurité liée à l'Intérieur, et de l'autorisation du déplacement du siège de GEC-Alsthom.

Charles Pasqua, âgé de 83 ans, encourt dix ans de prison. Il peut se pourvoir en cassation dans les cinq jours suivant la décision et bénéficie de l'immunité parlementaire, ce qui le protège en l'état d'aller en prison.

GAULLISME

Le vétéran du gaullisme, qui accuse Jacques Chirac d'avoir fait exhumer ces affaires pour l'empêcher d'être candidat à la présidentielle de 2002, a traversé la journée du réquisitoire et des plaidoiries le plus souvent tête basse et l'air parfois absent. En fin de journée, après avoir consenti quelques sourires lors des plaidoiries de ses avocats, il s'est adressé une dernière fois aux jurés.

" Vous ne me devez rien. Vous devez vous déterminer en votre âme et conscience. Moi, j'ai ma conscience pour moi. J'ai servi l'Etat, je ne regrette rien de ce que j'ai fait et si c'était à refaire, je le referais ", a-t-il dit.

Mercredi, s'adressant à ses pairs parlementaires, il s'est dit " meurtri " et " humilié " de comparaître devant eux et d'avoir accordé une trop grande confiance à ses subordonnés.

Dans les affaires Sofremi et Alsthom, dont les protagonistes ont déjà été condamnés lors de procédures de droit commun, il apparaît que le ministre de l'Intérieur d'Edouard Balladur aurait profité de ses pouvoirs pour faire verser des commissions à des proches, dont son fils Pierre-Philippe Pasqua.

Sa décision d'autoriser l'exploitation du casino d'Annemasse, contre l'avis des autorités administratives et policières, a été rapidement suivie de la vente du casino en 1995. Une partie du produit de la vente aurait été utilisé pour financer la campagne européenne du RPF quatre ans plus tard.

Dans tous ces dossiers, les millions de francs valsent, transitant souvent par des paradis fiscaux, avant d'atterrir sur les comptes de présumés proches de Charles Pasqua.

Le sénateur UMP nie être impliqué dans ces affaires. Il affirme qu'il n'avait pas le temps de se soucier de tous les dossiers sous sa tutelle et qu'il connaissait à peine certains bénéficiaires de ces circuits, notamment Etienne Léandri, intermédiaire trouble disparu en 1995.

"FAIBLESSES"

Il n'y a ni aveu de Charles Pasqua ni preuves de son implication mais il existe un faisceau de culpabilité, a plaidé l'avocat général.

Charles Pasqua n'a "aucune âpreté personnelle au gain", a noté Yves Charpenel, qui voit chez l'homme politique "essentiellement deux faiblesses qui ont fini par devenir des fautes. Celle de la passion politique, qui lui a fait perdre les limites de la probité publique (?) et peut-être, surtout, la passion familiale et amicale".

Charles Pasqua, dont la défense comme l'accusation ont dressé un portrait flatteur et rappelé sa participation à la Résistance, n'a pas beaucoup été mis en difficulté par les témoignages, y compris par ceux qui l'avaient mis en cause lors de l'instruction, menée dans les trois affaires par le juge Philippe Courroye.

Les trois avocats de la défense ont prié les juges de privilégier ces témoignages faits sous serment aux déclarations en gardes à vue. Ils les ont aussi appelés à oublier l'opinion publique sur Charles Pasqua et les instructions précédentes, prétendument menées à charge.

"J'ai rarement eu autant le sentiment d'intervenir dans un procès dans lequel on a mis tout en oeuvre pour que les dés soient déjà jetés", a dit Me Jacqueline Laffont dans sa plaidoirie.

Mis en cause dans de multiples affaires, Charles Pasqua n'a jusqu'ici été condamné définitivement qu'une seule fois, dans le volet non-ministériel de l'affaire du casino d'Annemasse. La Cour de cassation a confirmé une peine de 18 mois de prison avec sursis pour le financement illicite du RPF.

Edité par Yves Clarisse