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Quand austérité ne rime pas forcément avec santé

Les gouvernements européens engagés dans des politiques de rigueur veillent à épargner les dépenses de santé mais les autres coupes budgétaires sont loin d'être neutres sur l'état général des populations. /Photo d'archives/REUTERS/Mark Blinch

Les gouvernements européens engagés dans des politiques de rigueur veillent à épargner les dépenses de santé mais les autres coupes budgétaires sont loin d'être neutres sur l'état général des populations. /Photo d'archives/REUTERS/Mark Blinch - -

par Kate Kelland LONDRES (Reuters) - Les gouvernements européens engagés dans des politiques de rigueur veillent à épargner les dépenses de santé...

par Kate Kelland

LONDRES (Reuters) - Les gouvernements européens engagés dans des politiques de rigueur veillent à épargner les dépenses de santé mais les autres coupes budgétaires sont loin d'être neutres sur l'état général des populations.

Selon des experts, les cures d'austérité annoncées ces dernières semaines sur le continent, en matière de logement ou de retraites par exemple, risquent d'avoir un impact non négligeable sur la santé des Européens.

Si jamais le taux de chômage grimpait encore, comme le laissent entrevoir les prévisions en Grande-Bretagne et en Espagne, les conséquences sur la santé des gens pourraient être dangereuses. En clair, notre santé ne dépend pas seulement de notre système de santé.

"Ces coupes budgétaires auront pour conséquence de nuire à la santé des personnes", explique David Stuckler, chercheur au département de sociologie d'Oxford.

"Pour soigner les malades, tout ne se résume pas à des médecins et à des médicaments. Une prise en charge sociale et du soutien sont indispensables", poursuit l'universitaire.

Dans une étude publiée la semaine dernière dans le British Medical Journal (BMJ), Stuckler et d'autres sociologues expliquent qu'une réduction budgétaire d'environ 80 euros par personne dans la protection sociale augmenterait de 2,8% la mortalité liée à l'alcool et de 1,2% la mortalité cardiaque.

"UN VISAGE HUMAIN"

En Europe, la Grande-Bretagne vient d'annoncer une baisse drastique de ses dépenses publiques. Grèce, Espagne, Portugal et Italie sont également engagées sur la voie d'une réduction de leurs déficits. Même l'Allemagne, dont l'économie est réputée pour être la plus solide du continent, a annoncé une baisse de 80 milliards d'euros de ses dépenses publiques sur quatre ans.

"Jusqu'à maintenant, le débat sur les coupes budgétaires radicales s'est concentré en grande partie sur la question de la reprise économique. Mais (...) ces coupes auront un impact très négatif sur la vie des gens", estime le sociologue d'Oxford.

"Si l'on parvient à rappeler aux hommes politiques que ces coupes vont créer de réelles souffrances (...) peut-être que les décennies d'austérité et de douleur qui sont envisagées prendront un visage humain", poursuit-il.

Des études ont souligné l'impact immédiat du chômage sur le taux de suicides et sur celui des maladies mentales.

"Ce qu'on sait, et que soulignent toutes les études consacrées à ce sujet, c'est que le chômage n'est pas bon pour la santé. Alors oui, il y aura à la marge une petite proportion qui souffrira de manière catastrophique, en d'autres termes qui mourra", explique John Appleby, économiste en chef au King's Fund, centre de réflexion spécialisé dans la santé, à Londres.

Par le passé, des scientifiques ont établi une corrélation entre le taux de croissance d'un pays et son taux de mortalité, la récession entraînant généralement une hausse du nombre de décès, et inversement.

Mais David Stuckler a mis en évidence que ce lien de cause à effet pouvait être remis en question. Selon lui, en période de difficultés économiques, si l'Etat assure un certain niveau de dépenses publiques à ses citoyens, alors son taux de mortalité n'augmentera pas mathématiquement.

Il cite l'exemple de la Grande Dépression de 1929 aux Etats-Unis, où les effets sur le taux de mortalité ont été modérés. En partie, dit-il, parce qu'au même moment naissait l'Etat providence voulu par Franklin D. Roosevelt.

Olivier Guillemain pour le service français, édité par Gilles Trequesser