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Qu'est ce que l'Alliance bolivarienne, dont parle Mélenchon dans son programme?

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- - Jean-Luc Mélenchon à La Plaine-Saint-Denis le 4 avril 2017. - LIONEL BONAVENTURE / POOL / AFP

Elu, Jean-Luc Mélenchon voudrait faire adhérer la France à une organisation d'Amérique du sud: l'Alliance bolivarienne. Ce point ne passe pas inaperçu dans la campagne car cette instance est chapeautée par le Venezuela et Cuba. Cette alliance qui regroupe onze Etats d'Amérique latine se veut avant tout un programme de coopération et un contrepoint à l'influence des Etats-Unis sur le continent.

Qui aurait cru qu'une ligne située sous le point 62 du programme présidentiel de Jean-Luc Mélenchon ferait autant parler dans cette campagne? Au chapitre "Construire des coopérations altermondialistes et internationalistes" de L'avenir en commun, on lit ainsi, entre autres choses, qu'il faut: "instaurer une politique de codéveloppement avec l'Amérique latine et les Caraïbes en adhérant à l'ALBA". 

L'affaire ALBA

L'ALBA, c'est l'acronyme (espagnol) de "l'Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique - Traité de commerce des peuples". Les lieutenants du candidat de la "France insoumise" ont été interrogés cette semaine sur cette volonté de se rapprocher de cette organisation. Autour de la table de l'émission "C à vous" de France 5, le journaliste Patrick Cohen a demandé à Alexis Corbière, l'un des porte-paroles de Jean-Luc Mélenchon, quelle logique présidait à un départ de l'Otan (préconisé également par le député européen) joint à une entrée dans l'ALBA: "Vous mettez sur le même plan une alliance militaire et de nouveaux modes de coopération", a distingué Alexis Corbière. 

Sur le même sujet, Clémentine Autain,elle aussi représentante de Jean-Luc Mélenchon, a tout d'abord séché sur les ondes de France Info, avant de répondre au micro de RMC: "L'ALBA n'est pas une coopération militaire, ni même commerciale, il s'agit d'échange pour permettre à ces pays de tenir tête aux géants américains." Difficile ici d'y voir plus clair. Mais quelle est donc alors cette Alliance bolivarienne et pourquoi Jean-Luc Mélenchon envisage-t-il d'y intégrer la France? 

Une coopération tous azimuts

L'Alliance bolivarienne est issue d'un désir émis par Hugo Chavez, défunt président du Venezuela, en 2001, et est devenue une réalité en 2004, rappelle Le Monde. Elle tire son nom d'un général et homme politique vénézuélien, Simon Bolivar, un fervent admirateur de Napoléon, qui conduisit de nombreuses guerres d'indépendance contre les Espagnols en Amérique latine au début du XIXe siècle. 

L'ALBA est avant tout un outil d'intégration régionale, fondé sur plusieurs principes: "L’Alba met l’accent sur la solidarité, la complémentarité, la justice et la coopération", est-il expliqué sur le site de l'organisation. Le contenu de cette coopération est expliqué plus précisément: "C’est une alliance politique, économique, sociale pour défendre l’indépendance, l’autodétermination et l’identité des peuples qui y sont intégrés". Les dirigeants de l'ALBA veulent notamment en faire la plateforme de relations économiques qui ne reposent pas sur le profit mercantile et financier.

A l'origine, l'ensemble a été créé pour contre-balancer la "Zone de libre-échange des Amériques". La profession de foi de l'Alliance bolivarienne ne fait pas mystère de son orientation "anti-impérialiste" et très critique à l'endroit des Etats-Unis. L'idée est ainsi d'opposer "Notre Amérique", détaille l'institution, à "l'autre Amérique, qui est expansionniste, et conduite par des appétits impérialistes". L'ALBA, qui s'occupe de nombreux sujets (du commerce équitable à l'écologie, en passant par le tourisme, l'alimentation, l'éducation, jusqu'à la "préservation des cultures autochtones"), emploie même sa propre monnaie virtuelle pour renforcer les échanges entre les pays-membres tout en se passant du dollar: le "SUCRE", qui est là aussi, non pas une référence à la substance, mais à un autre grand nom des indépendances latines, le général Sucre

L'Iran et la Syrie partenaires traditionnels de l'Amérique du sud

S'agissant justement des Etats-membres, ils sont onze: Cuba, Venezuela, Bolivie, Nicaragua, la Dominique, Equateur, Saint-Vincent-et-les-Grenadines, Antigua-et-Barbuda, Sainte-Lucie, Saint-Kitts-et-Nevis, Grenade. Mais, c'est-à-côté de ces membres, que vient se loger une part de la polémique soulevée en France au sujet d'un rapprochement avec l'ALBA. En 2009, la Russie a envoyé des représentants à un sommet de l'organisation et l'Iran, Haïti et la Syrie ont le statut d'Etats-observateurs.

Interviewé par le site Arrêt sur Image au sujet d'un possible lien de l'organisation avec ces régimes autocratiques, Christophe Ventura, membre de la "France insoumise" et chercheur spécialiste de la géopolitique de l'Amérique latine a expliqué: "Pour dissiper tout malentendu : ces pays dits 'observateurs' sont en réalité des pays qui ont envoyé des représentants à des sommets pléniers de l’ALBA, mais en aucun cas, ces pays ne siègent ou n'ont de représentation organique dans les instances de l’ALBA". Et l'Amérique du sud entretient depuis longtemps avec l'Iran et la Syrie, selon Christophe Ventura:

"Il faut savoir que pour des raisons géostratégiques, quels que soient les régimes politiques, les gouvernements latino-américains ont toujours entretenu des liens de coopération historiques avec l’Iran et la Syrie autour d'intérêts communs : leurs intérêts pétroliers et leur rejet d'une certaine politique américaine notamment".

Nouvelles relations internationales pour un intérêt local

Au moment de justifier une éventuelle entrée de la France dans l'Alliance bolivarienne, Jean-Luc Mélenchon évoque d'autres considérations géopolitiques. Dans un entretien avec le géopolitologue Pascal Boniface, paru sur son blog, il déclare: "C’est un avenir plus cohérent pour nos compatriotes de ces territoires que de subir le mépris de la Commission européenne pour les régions dites 'ultra-périphériques' ou que le marché unique avec l’Estonie ! Cela vaut également en Amérique Latine pour la Guyane à l’égard de l’Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique (ALBA), par exemple !" 

Au journal de 20h sur TF1 ce vendredi, Jean-Luc Mélenchon a poursuivi ses explications à ce propos: "L'ALBA est une organisation de coopération, je suis partisan du fait que les territoires d'outremer français, et en particulier ceux des Caraïbes, s'insèrent dans l'économie de leur région."

Le livret thématique consacré à l'Outre-mer par la France insoumise emprunte le même sillon. On y prône la nécessité de "rejoindre les coopérations régionales: l’ALBA (Alliance bolivarienne pour les peuples de notre Amérique) et la CELAC (Communauté d'Etats latino-américains et caraïbes) pour les Antilles et la Guyane française". Une manière pour l'équipe du candidat de rappeler qu'à travers les Antilles et la Guyane, la France est aussi un pays d'Amérique du sud. 

Robin Verner