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Pourquoi ce parti anglais a choisi de présenter trois femmes victimes de violences sexuelles aux législatives

De gauche à droite, Gemma Evans, Serena Laidley, Jenn Selby et Eljai Morais.

De gauche à droite, Gemma Evans, Serena Laidley, Jenn Selby et Eljai Morais. - George Torode

Le Women's Equality Party (WEP), né en 2015 au Royaume-Uni, présente trois candidates, survivantes de violences, sexuelles et conjugales, aux élections législatives anglaises. Leur but? Faire bouger les lignes au sein d'un milieu politique anglais sexiste.

"On ne devrait pas exister, mais on existe parce qu'aucun autre parti politique n'est assez ambitieux concernant l'égalité entre les genres", annonce, avec détermination, Mandu Reid, présidente du Women's Equality Party (WEP), à BFMTV.com. Au Royaume-Uni, le jeune parti, avec ses quatre années d'existence, se fait de plus en plus entendre sur la scène politique.

Ce jeudi, alors que les Britanniques se rendaient aux urnes pour les élections législatives voulues par Boris Johnson, ils pouvaient voter pour trois candidates du WEP. Survivantes de violences sexuelles et de violences conjugales, elles se présentent dans trois circonscriptions (Dover, Bury South et Luton North) dont les actuels députés (MP) sont accusés d'agression ou de harcèlement sexuel. 

"Nous avons déjà gagné cette élection"

Le parti devait aussi se présenter dans deux autres circonscriptions (London and Westminster et Sheffield Hallam) mais a finalement réalisé une alliance avec les Libéraux-démocrates. Ces derniers, en échange, ont accepté de soutenir trois de leurs propositions: une meilleure offre de garderie, des financements durables pour les centres aidant les réfugiés et les victimes de viol, et, enfin, permettre aux électeurs de limoger un membre du Parlement qui serait jugé coupable de harcèlement ou d'agression sexuelle.

"Pour moi, nous avons déjà gagné cette élection. Nous nous étions présentées face à cinq hommes accusés mais qui n'avaient toujours pas été jugés. Après plusieurs semaines de campagne politique intensive, quatre de ces hommes ont annoncé qu'ils ne se représenteraient pas à Central London, Luton North, Dover et Sheffield Hallam", s'enthousiasme Mandu Reid.

Eljai Morais se présente dans la circonscription de Dover, dont l'actuel député est Charlie Elphicke, accusé trois fois d'agression sexuelle, comme le rapporte le Guardian. Gemma Evans se lance dans celle de Bury South, dont l'actuel MP, Ivan Lewis, a quitté le parti travailliste avant qu'une enquête sur des allégations de harcèlement sexuel ait pu être terminée. Enfin, Serena Laidley va tenter sa chance à Luton North, dont le membre du Parlement Kevin Hopkins a été suspendu par le parti travailliste après des accusations de harcèlement sexuel.

"Créer un vrai changement autour d'un sujet vital"

Si les trois candidates du WEP ne sont pas élues, Mandu Reid ne sera pas déçue. Car, pour elle, "le but de cette élection n'a jamais été de gagner un siège au Parlement ou d'avoir du pouvoir". 

"Il s'agissait, pour nous, d'utiliser notre influence pour créer un vrai changement autour d'un sujet vital. Je ne peux pas être plus fière de ce que nos courageuses candidates et nos activistes phénoménales ont accompli. En particulier dans ce contexte de système politique où la chance joue contre nous", explique-t-elle.

Le WEP a voulu attirer l'attention sur "le niveau inacceptable d'agression et de harcèlement sexuel au sein du milieu politique anglais", poursuit-elle. Plus de 20 députés ont été accusés de harcèlement, d'agression ou de violence envers les femmes ces deux dernières années, raconte la présidente du parti, "et aucun n'a eu le traitement qu'il méritait".

"Depuis le Brexit, 250.000 femmes ont été violées au Royaume-Uni et 400 ont été tuées par leur conjoint ou ex-conjoint. Le taux de violence conjugale a augmenté de 25% l'année dernière. Nous traversons une crise. Maintenant que nous avons attiré l'attention sur ces sujets avec notre campagne, nous demandons des actions".

Le Women's Equality Party imagine désormais une alliance avec leurs "soeurs" du mouvement Nous Toutes "qui conduisent toutes les grandes manifestations sur le sujet en France". À l'heure du Brexit, une alliance franco-britannique pour faire avancer l'égalité entre les genres marquerait, sans aucun doute, durablement les esprits.

Clément Boutin