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Une élue australienne allaite son bébé au Parlement: serait-ce possible en France?

(Photo d'illustration)

(Photo d'illustration) - Leo Ramirez-AFP

Une sénatrice australienne a allaité ce mardi son bébé au sein du Parlement fédéral. Une première. Une telle situation pourrait-elle être envisagée à l'Assemblée nationale? En France, le sujet est délicat: les femmes qui donnent le sein dans les lieux publics sont parfois prises à partie.

Elle n'a que quelques semaines mais elle est déjà entrée dans l'histoire de l'Australie. Alia est devenu ce mardi le premier nourrisson à avoir été allaité dans l'enceinte du Parlement fédéral australien. Sa mère Larissa Waters, une sénatrice écologiste, est donc devenue la première élue à avoir nourri son bébé au sein. En février 2016, les règlements des chambres parlementaires australiennes avaient été modifiés pour autoriser à siéger avec son bébé.

"Si fière que ma fille Alia soit le premier bébé allaité au Parlement fédéral! Nous avons besoin de plus de femmes et de parents au Parlement", a-t-elle commenté sur Twitter.

Ce n'est pas la première fois qu'une telle scène se déroule dans l'enceinte d'un Parlement. En octobre 2016, une députée islandaise était intervenue à la tribune, le bébé au sein.

Aucun précédent au palais Bourbon

En 2015, c'était une députée argentine qui avait allaité son enfant en pleine séance au Parlement. En France, aucune situation de ce genre ne s'est jamais produite par le passé à l'Assemblée nationale. Mais comme le précise le service presse du palais Bourbon à BFMTV.com, "ni le règlement, ni l'instruction générale du bureau de l'Assemblée nationale n'évoque la présence d'enfant ou la question de l'allaitement". Difficile donc de savoir ce qu'il se passerait si une élue se présentait à l'hémicycle, bébé affamé dans les bras.

Le sujet de l'allaitement maternel dans les lieux publics semble pourtant délicat. En avril dernier, une femme s'est vue refuser de nourrir au sein son bébé dans un commissariat parisien alors qu'elle venait faire une procuration avec son mari. "Elle n'a pas à imposer ça aux gens", aurait déclaré l'agent. Les deux parents avaient alors lancé une pétition sur les réseaux sociaux, estimant que "l'allaitement d'un enfant ne peut être refusé ou reproché à une femme".

La controverse sur l'allaitement maternel dans les lieux publics n'est pas nouvelle. En 2013, une mère avait été contrainte de quitter un supermarché de Biscarosse, dans les Landes, pour allaiter. "Madame, nous sommes dans un magasin. Et les femmes qui allaitent, c'est comme les hommes torse nu, je n'en veux pas dans mon magasin", avait rétorqué la gérante, selon Europe 1.

"Les seins de plus en plus sexualisés"

Comme le pointe pour BFMTV.com Claude Didierjean-Jouveau, porte-parole de Leche League France, une association qui fait la promotion de l'allaitement maternel, "beaucoup de femmes qui n'allaitent pas dans les lieux publics ne le font pas par crainte des remarques qu'on pourrait leur faire".

En effet, selon une étude publiée en 2014, 41% des Françaises considèrent qu'allaiter en public est embarrassant, ce qui représente même leur troisième crainte concernant l'allaitement maternel. "La culture de l'allaitement s'est perdue, assure pour BFMTV.com Sophie Chevalier, la présidente de Leche League France. Ce qui est sans doute lié à l'érotisation des poitrines féminines."

Un point de vue développé par Amy Bentley, auteure de "Inventing Baby Food". 

"La sexualisation de la poitrine a été accélérée par les affiches de pin-ups de la Seconde Guerre mondiale et par le soft porn d'après-guerre, tel qu'illustré par le magazine Playboy et la popularité d'icônes hollywoodienne comme Marilyn Monroe, expliquait-elle à Slate. Cela a débouché sur une incongruité du sein comme source de nutrition infantile. Alors que les seins étaient de plus en plus sexualisés, ils sont devenus de moins en moins fonctionnels."

L'allaitement dans les lieux publics, de l'exhibition sexuelle?

Ceux qui s'opposent à l'allaitement maternel dans les lieux publics évoquent parfois "l'outrage à la pudeur". Pourtant, ce délit a disparu du code pénal en 1994 pour être remplacé par le délit d'exhibition sexuelle. "L'exhibition sexuelle imposée à la vue d'autrui dans un lieu accessible aux regards du public est punie d'un an d'emprisonnement et de 15.000 euros d'amende", rappelle le code pénal.

Comme l'explique l'avocat parisien Thierry Vallat sur son blog, "la jurisprudence estime que deux éléments constitutifs doivent être obligatoirement constatés par le juge: l'exhibition sexuelle en public et la conscience d'offenser la pudeur d'autrui".

"Dans le cadre de l'allaitement maternel, on est bien loin de l'exhibition sexuelle, précise-t-il pour BFMTV.com. Il n'y a d'ailleurs rien de sexuel là-dedans. La seule chose qui pourrait être invoquée, c'est le trouble à l'ordre public. Mais de quel trouble peut-on parler quand il s'agit d'allaitement?"

Selon lui, une femme qui se verrait interdire d'allaiter pourrait même porter plainte. Si le règlement de l'Assemblée nationale n'a pas encore intégré cette question, le code du travail prévoit pourtant que "la salariée peut allaiter son enfant" sur son lieu de travail et précise même: "pendant une année à compter du jour de la naissance, la salariée allaitant son enfant dispose à cet effet d'une heure par jour durant les heures de travail". Les députées sont prévenues.

Céline Hussonnois-Alaya