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Nucléaire iranien: quelles conséquences politiques après le retrait américain?

Donald Trump montrant le document annonçant de nouvelles sanctions contre l'ran, le 8 mai 2018.

Donald Trump montrant le document annonçant de nouvelles sanctions contre l'ran, le 8 mai 2018. - SAUL LOEB / AFP

Après l'annonce du retrait américain de l'accord sur le nucléaire iranien, les autres pays signataires, au premier rang desquels la France, espèrent préserver l'accord. L'Iran a accepté de négocier, tout en menaçant de reprendre ses activités d'enrichissement d'uranium si les discussions n'aboutissent pas.

Donald Trump a mis ses menaces à exécution. Mardi soir, le président américain a annoncé qu'il retirait son pays de l'accord sur le nucléaire iranien signé à Vienne en juillet 2015 par l'Iran et le groupe 5+1, composé de la Chine, des Etats-Unis, de la France, de la Grande-Bretagne, de la Russie et de l'Allemagne. Cet accord prévoit la limitation du programme nucléaire iranien en échange de la levée des sanctions internationales décidées contre le Téhéran. L'annonce retentissante du président américain pose toute une série de questions, sur le plan économique en premier lieu, mais pas seulement. Les conséquences possibles de ce retrait sur le plan politique et diplomatique sont vertigineuses. 

Quel avenir pour l'accord?

La première question qui se pose désormais est celle de l'avenir de cet accord. "L'accord n'est pas mort", ont martelé ce mardi plusieurs membres du gouvernement français, comme le ministre des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, mais aussi le porte-parole Benjamin Griveaux. "Les États-Unis en sont sortis, mais la France reste dans l’accord. L’accord n’est donc pas caduc. Nous voulons le préserver coûte que coûte", a déclaré ce dernier.

Mardi, Emmanuel Macron avait évoqué l'idée d'un nouvel accord. "La France, l'Allemagne et le Royaume-Uni regrettent la décision américaine de sortir de l'accord nucléaire" iranien et vont "travailler collectivement" à un accord "plus large", a-t-il déclaré sur Twitter. Toutes les éventualités restent donc sur la table.

Des négociations sous pression avec l'Iran

  • Le président iranien Hassan Rohani a affirmé mardi soir vouloir discuter avec les Européens, les Russes et les Chinois, pour savoir si son pays avait intérêt à rester dans l'accord. Des négociations vont donc avoir lieu ces prochaines semaines. Mais il a au passage mis la pression sur les signataires, laissant entendre que l'Iran pourrait cesser d'appliquer les restrictions imposées à ses activités d'enrichissement d'uranium si ces négociations ne donnaient pas les résultats attendus. 

"J'ai ordonné à l'Organisation iranienne de l'énergie atomique de prendre les mesures nécessaires(...) pour qu'en cas de nécessité nous reprenions l'enrichissement industriel sans limite", a-t-il déclaré. 

L'enrichissement industriel est destiné à faire du combustible pour les centrales nucléaires civiles. Mais hautement enrichi, et en quantité suffisante, l'uranium peut permettre la fabrication d'une bombe atomique. Par l'accord de Vienne, l'Iran s'est solennellement engagé à ne jamais chercher à acquérir la bombe atomique.

Ce mercredi, l'Elysée a annoncé dans un communiqué que les ministres des Affaires étrangères iranien et français allaient se rencontrer. Emmanuel Macron et Hassan Rohani se sont entretenus par téléphone, et le chef de l'Etat français a insisté sur la volonté de la France de "continuer à mettre en oeuvre l'accord", tout en soulignant "l'importance" pour l'Iran de faire de même.

Des sanctions immédiates?

Concrètement, si les pays signataires de l'accord continuent à l'appliquer, ils courent le risque de sanctions américaines s'ils commercent avec l'Iran. Le conseiller américain à la sécurité nationale a prévenu: les sanctions de Washington sont applicables immédiatement pour les éventuels nouveaux contrats qui seraient passés avec Téhéran. 

Hassan Rohani fragilisé en Iran

Dans son pays, le président Hassan Rohani ressort fragilisé par le retrait américain. A l'époque de la signature de l'accord, dans laquelle le président modéré s'était fortement impliqué, le guide suprême, l'ayatollah Ali Khamenei, avait mis en garde contre les Américains, et réclamé une garantie signée du président de l'époque, Barack Obama. Ce mercredi, Ali Khamenei a estimé qu'il avait eu raison de mettre en garde son pays, appelant à la prudence. 

"Vous voulez conclure un accord, obtenez des garanties réelles, car demain ils feront la même chose que ce que les États-Unis ont fait", a déclaré Ali Khamenei lors d'un discours diffusé par la télévision d'État iranienne.

Pour Alain Frachon, éditorialiste au Monde interrogé sur BFMTV, Hassan Rohani est "ridiculisé".

  • "Il est ridiculisé, face aux durs du régime qui, peut-être maintenant encore plus qu’hier, vont avoir la main sur la politique iranienne. Ça veut dire la poursuite de l’expansion politico-militaire iranienne en Irak, en Syrie, mais aussi au Liban ou au Yémen", a-t-il estimé ce mercredi. 

La situation pourrait donner lieu à un sursaut nationaliste en Iran autour des intérêts du pays, alors que des députés ont brûlé mercredi le drapeau américain dans le Parlement. 

Quel risque pour la région?

Le retrait américain de l'accord pourrait déstabiliser tout le Proche-Orient. Au premier rang des tensions dans la région, Israël accuse souvent l'Iran, son ennemi juré, de renforcer sa présence en Syrie voisine, où l'armée israélienne a mené des raids meurtriers contre des cibles iraniennes selon Téhéran. Israël se tient prêt depuis plusieurs semaines à l'éventualité d'une riposte de l'Iran, directe ou par un intermédiaire, aux frappes qui lui sont attribuées. 

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s'est longtemps battu contre l'accord nucléaire iranien et a salué le retrait américain, mais cette décision laisse son pays dans l'attente nerveuse de la réplique iranienne. Le Premier s'est envolé ce mercredi pour la Russie, où il ne devrait pas manquer de discuter des retombées du retrait américain. 

Charlie Vandekerkhove avec AFP