BFMTV
International

Nouvelles manifestations en Egypte, six morts

Un manifestant arrêté par des policiers en civil dans les rues du Caire. Au lendemain de la "journée de colère" sans précédent contre le pouvoir du président Hosni Moubarak, de nouvelles manifestations ont eu lieu mercredi en Egypte, en dépit de leur inte

Un manifestant arrêté par des policiers en civil dans les rues du Caire. Au lendemain de la "journée de colère" sans précédent contre le pouvoir du président Hosni Moubarak, de nouvelles manifestations ont eu lieu mercredi en Egypte, en dépit de leur inte - -

Au lendemain de la "journée de colère" sans précédent contre le pouvoir du président Hosni Moubarak, de nouvelles manifestations ont eu lieu mercredi en Egypte, en dépit de leur interdiction par les autorités.

Le ministère de l'Intérieur a annoncé un demi-millier d'arrestations en 48 heures dans l'ensemble du pays, où l'on recensait jeudi matin six morts - un policier tué par une pierre dans la capitale et trois manifestants victimes apparemment de balles de caoutchouc le même jour à Suez.

Au Caire, la police a utilisé des camions anti-émeutes et tiré en l'air pour disperser quelque 3.000 opposants qui avaient réussi à se réunir devant le palais de justice, en dépit du quadrillage policier étroit mis en place avant l'aube pour prévenir rapidement tout attroupement.

Egalement dans le centre de la capitale, la police a arrêté une centaine de personnes qui s'attroupaient sur la grande place Tahrir, où des milliers d'opposants s'étaient massés la veille et jusque tard dans la nuit avant d'être dispersés avant l'aube, rapporte l'agence de presse officielle Mena.

Des centaines de contestataires se sont aussi réunis devant le siège cairote du syndicat des journalistes, où des meetings sont souvent tolérés par la police. Des heurts ont eu lieu quand les protestataires ont cherché à forcer le cordon de policiers, sur qui des pierres ont été lancées des balcons d'immeubles voisins.

En divers autres endroits de la capitale, des petits groupes de manifestants ont brûlé des pneus et lancé des pierres sur la police, des scènes jamais vues depuis l'arrivée au pouvoir de Moubarak, il y a 30 ans.

"La principale tactique, consiste maintenant à faire notre apparition soudainement et sans préavis. C'est comme ça que nous progressons", a expliqué un manifestant. Un policier, désespéré, a confié pour sa part: "Nous ne savons pas où ils vont se présenter la prochaine fois!"

"DES MOYENS LÉGITIMES"

A Suez, des affrontements ont eu lieu devant la morgue entre la police et des centaines de manifestants qui réclamaient les corps des trois manifestants tués la veille. Ils ont réclamé que le ministre de l'Intérieur, Habib al Adli, informe "son maître que ses mains sont tachées de sang".

A Alexandrie, berceau des Frères musulmans, qui n'ont joué qu'un rôle mineur dans la mobilisation des dernières 48 heures, on fait état de source judiciaire d'une soixantaine de personnes arrêtées.

Après le bâton brandi par Adli, le Premier ministre Ahmed Nazif a manié la carotte en assurant que son gouvernement entendait "garantir la liberté d'expression par des moyens légitimes" et que sa police faisait preuve de retenue.

Les cyber-activistes à l'origine des manifestations de mardi avaient appelés à descendre de nouveau dans les rues ce mercredi pour réclamer le départ de Moubarak et, pour certains, tous les jours jusqu'à la chute du "raïs" de 82 ans.

On estime que quelque 20.000 personnes ont manifesté mardi dans l'ensemble du pays pour exiger le départ de Moubarak et protester pêle-mêle contre la pauvreté, la corruption, le chômage et la répression. Le journal Al Masri al Youm a titré mercredi en gros caractères rouges: "Avertissement."

Soixante pour cent des 80 millions d'Egyptiens et 90% des chômeurs ont moins de 30 ans. Quarante pour cent de la population gagne moins de deux dollars par jour et un tiers est illettrée.

Inspiré par la révolution populaire en cours en Tunisie, les cyber-activistes égyptiens réclament, outre le départ de Moubarak, celui d'Ahmed Nazif, la dissolution du parlement et la formation d'un gouvernement d'union nationale.

Selon un centre de surveillance du Web à Harvard, les réseaux sociaux Facebook et Twitter utilisés par les activistes égyptiens seraient bloqués, mais un porte-parole du gouvernement a démenti en affirmant que celui-ci "n'utiliserait pas de telles méthodes". Facebook a parlé de simples perturbations.

"SE METTRE AU DIAPASON DE LA POPULATION"

La secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a incité le gouvernement du Caire à ne pas recourir au blocage des réseaux sociaux pour prévenir des manifestations pacifiques et l'a invité à saisir "cette occasion importante" pour mettre en oeuvre des réformes politiques, économiques et sociales.

"Notre évaluation, c'est que le gouvernement égyptien est stable et cherche les moyens de répondre aux besoins et intérêts légitimes du peuple égyptien", avait-elle dit la veille en appelant "toutes les parties" à la retenue.

La Maison blanche a annoncé mercredi suivre avec beaucoup d'attention la situation en Egypte, qualifiée d'"alliée proche et importante".

Tout en se retranchant derrière la non-ingérence, la ministre française des Affaires étrangères, Michelle Alliot-Marie, a souhaité "toujours plus de démocratie et de liberté dans tous les Etats". Mais elle a jugé "beaucoup trop tôt" pour dire si le régime Moubarak était menacé, à l'instar de celui du Tunisien Zine ben Ali, tombé le 14 janvier.

Moins diplomate, son homologue allemand, Guido Westerwelle, a pressé l'Egypte de respecter "les droits fondamentaux de l'homme, les droits civiques, la libération d'opinion et de réunion et la liberté de la presse".

"La différence est immense entre la liberté d'expression et le chaos", lui a rétorqué par avance Safouat el Chérif, secrétaire général du Parti national démocrate (PND) de Moubarak, dans les colonnes du journal gouvernemental Al Akhbar.

Le prince Turki al Fayçal, ancien chef des services de renseignement saoudiens et ex-ambassadeur de son pays à Londres et Washington, estime que l'avenir du régime de Moubarak dépend de sa capacité à comprendre les raisons de la révolte de mardi.

"Il reste à voir si ses dirigeants seront capables de se mettre au diapason de ce que la population réclame", a-t-il confié à Reuters Télévision.

Marc Delteil pour le service français, édité par Gilles Trequesser