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Nouvelle journée de violences meurtrières en Egypte

Un manifestant antigouvernemnetal face à la police au Caire aux abords du Lycée français, dont une partie a été incendiée. /Photo prise le 26 janvier 2013/REUTERS/Amr Abdallah Dalsh

Un manifestant antigouvernemnetal face à la police au Caire aux abords du Lycée français, dont une partie a été incendiée. /Photo prise le 26 janvier 2013/REUTERS/Amr Abdallah Dalsh - -

par Yusri Mohamed et Yasmine Saleh PORT-SAID, Egypte/LE CAIRE (Reuters) - Trente deux personnes ont été tuées samedi en Egypte lors d'une nouvelle...

par Yusri Mohamed et Yasmine Saleh

PORT-SAID, Egypte/LE CAIRE (Reuters) - Trente deux personnes ont été tuées samedi en Egypte lors d'une nouvelle journée d'émeutes provoquées par la condamnation à mort de 21 accusés au procès du drame du stade de football de Port-Saïd, au lendemain de violentes manifestations contre le pouvoir islamiste.

Les forces de l'ordre, appuyées par des véhicules blindés, se sont déployées dans les rues de Port-Saïd, ville située à l'embouchure du canal de Suez sur la Méditerranée. Le bilan des émeutes des deux derniers jours s'élève à 41 morts au moins.

Celles de samedi ont éclaté après la condamnation à mort de 21 hommes jugés coupables d'implication dans la mort de 74 personnes, essentiellement des supporters du club cairote d'Al Ahly, à l'issue d'un match de football contre l'équipe locale d'Al Masri dans le stade de Port-Saïd le 1er février 2012.

Ce jour-là, de nombreux spectateurs ont péri piétinés et des témoins ont rapporté que certaines victimes avaient été jetées du haut des tribunes.

Les "Ultras" d'Al Ahly ont joué un rôle important dans le soulèvement qui a mené à la chute du président Hosni Moubarak en février 2011 et les supporters cairotes ont accusé le ministère de l'Intérieur d'avoir orchestré les incidents de Port-Saïd pour se venger. Le rapport d'une commission d'enquête parlementaire a renvoyé dos-à-dos les "Ultras" et les insuffisances des services de sécurité, dont le chef a été limogé.

Furieux que la responsabilité de ce drame soit imputée aux leurs, des habitants de Port-Saïd ont donné libre court à leur colère samedi dans les rues de la ville.

Des tirs ont été entendus aux abords de la prison où sont détenus la plupart des accusés. Des témoins ont vu des hommes prendre d'assaut deux commissariats. Des émeutiers ont incendié des pneus sur la chaussée et des colonnes de fumée noire se sont élevées au-dessus de la ville.

Outre les 32 décès dus pour la plupart à des blessures par balles, les émeutes ont fait 312 blessés, dit-on de source proche des services de sécurité de Port-Saïd.

SATISFACTION AU CAIRE

Les familles des victimes ont en revanche laissé éclater leur joie lorsque le juge Sobhy Abdel Maguid a lu les noms de 21 personnes, la plupart originaires de Port-Saïd, dont le cas était "transmis au grand mufti", autrement dit condamnées à mort dans la mesure où la peine capitale est examinée en Egypte par la plus haute instance religieuse du pays.

Au total, 73 personnes sont inculpées, parmi lesquelles 61 sont accusées de meurtre avec préméditation. Les douze autres, dont neuf policiers, sont soupçonnées d'avoir contribué au déclenchement des violences. Le verdict concernant les autres accusés sera prononcé le 9 mars, a déclaré le juge.

A l'extérieur du tribunal, les supporters d'Al Ahly ont aussi exprimé leur satisfaction. Ils avaient menacé de déclencher des violences si la peine de mort n'était pas prononcée.

La veille, neuf personnes avaient été tuées à travers l'Egypte, en grande partie à Suez, lors d'une journée de manifestations organisées à l'occasion du deuxième anniversaire du début de la révolution contre Hosni Moubarak.

"CHANGER DE PRÉSIDENT"

A l'appel de l'opposition laïque et libérale, des milliers de manifestants sont descendus vendredi dans les rues du Caire, d'Alexandrie, de Suez ou encore d'Ismaïlia. Ils accusent les Frères musulmans, vainqueurs de toutes les élections organisées depuis le renversement d'Hosni Moubarak, de vouloir imposer un régime autoritaire fondé sur la loi islamique et de trahir ainsi les idéaux de la révolution. Ils leur reprochent aussi leur incapacité à relancer une économie plongée dans le marasme.

"Nous voulons changer de président et le gouvernement. Nous en avons assez de ce régime. Rien n'a changé", a déclaré Mahmoud Souleïmane, un manifestant de 22 ans sur la place Tahrir du Caire, épicentre du soulèvement de 2011.

D'autres manifestations ont donné lieu à de nouveaux troubles samedi, notamment à Suez, à Alexandrie et au Caire, où la police a essuyé des jets de pierres.

Le Conseil national de défense, présidé par le chef de l'Etat, Mohamed Morsi, a condamné les violences de ces dernières heures et appelé à un "vaste dialogue national" en présence de personnalités indépendantes pour régler les contentieux et garantir le bon déroulement d'élections législatives "équitables et transparentes".

Le Front de salut national (FSN), qui regroupe des mouvements de l'opposition libérale, s'est félicité de cet appel, mais a souhaité qu'un ordre du jour précis soit établi et que la mise en ?uvre des décisions auxquelles il conduira soit garantie.

Le mouvement, qui avait jusqu'ici décliné les offres de dialogue, avait auparavant menacé de boycotter les élections, qui pourrait avoir lieu en avril, et d'appeler à de nouvelles manifestations vendredi. Il réclame notamment la formation d'un gouvernement d'union nationale et la tenue d'un scrutin présidentiel anticipé.

Le FSN rassemble des formations disparates qui, après leurs échecs électoraux successifs face aux Frères musulmans, ont décidé d'unir leurs efforts contre le projet de Constitution élaboré par une assemblée dominée par les islamistes. Malgré cette union, les Egyptiens ont approuvé cette Constitution par référendum en décembre.

Hélène Duvigneau, Bertrand Boucey et Jean-Philippe Lefief pour le service français