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Netanyahou veut garder le pouvoir en se droitisant à outrance

Benjamin Netanyahou, le 2 décembre 2014.

Benjamin Netanyahou, le 2 décembre 2014. - Gali Tibbon – AFP le 2 décembre

EDITO - En annonçant des élections anticipées, le Premier ministre israélien fait clairement une savante manœuvre politicienne. Cependant, c'est tout l'avenir démocratique d'Israël qui est en cause avec le projet de loi controversé qui renforcerait encore davantage le caractère juif de l'État, et sèmerait angoisse et amertume chez Juifs et Arabes.

La coalition israélienne devait éclater, et voilà que c'est fait. Les pressions entre les centristes et les divers secteurs de la droite ont eu raison d'un attelage bancal. En fait, le gouvernement israélien, c'est-à-dire le conseil des ministres, décide par vote interne, ce qui le rend instable. Les ministres sont tous issus de la Knesset, laquelle est élue entièrement à la proportionnelle. Les partis naissent en quelques mois, sur fond de vagues d'opinion, et des noms de formations totalement neuves surgissent. C'est le cas de la populaire Tzipi Livni, coqueluche des médias occidentaux, chargée des négociations avec l'OLP: son parti Hanuat est né sur mesure pour elle. Et elle vient d'être éjectée par le Premier ministre Benyamin Netanyahou. 

Donc tous les gouvernements sont des coalitions de partis qui ne font que coexister dans un navire qui peut devenir une galère. Le Premier ministre peut licencier qui il veut, mais alors la coalition diminuée peut perdre la majorité à la Knesset. Ainsi mis en minorité, le Premier ministre provoque des élections anticipées. Il a calculé son moment: les sondages donnent son parti, le Likoud - seul parti un peu ancien - en bonne place. 

L'impact historique de cette dissolution

Pour provoquer cette dissolution, Netanyahou a proposé une loi fondamentale choc voire incensée. Une loi pour faire d'Israël, l'État national du peuple juif. Cela peut paraître anodin, mais le diable est dans les détails: jusqu'à présent l'État d'Israël était explicitement un État juif et démocratique, en vertu de la Déclaration d'Indépendance de 1948. Ce texte est sacré, et y toucher serait un genre de révisionnisme inoui. L'effet de la loi proposée par Netanyahou gommerait les droits démocratiques des Arabes israéliens, chaque fois que la judéité d'Israël serait en péril. Aujourd'hui, la Cour suprême protège les droits de tous et donc des Arabes, et c'est pour cela que la langue arabe a un statut quasi-officiel en Israël, qui pourrait être aboli si la nouvelle loi passait.

Ainsi, pour plaire à sa droite (son ultra-droite) Netanyahou a touché à l'intouchable et chassé les centristes. Les forces en présence pour les élections à venir: deux droites - le Likoud et les autres plus à droite -, plusieurs centres laïcisants, une gauche émiettée, des petits partis religieux. L'équation pour Netanyahou: le Likoud, les droites, et les religieux. Le centre est rejeté, la gauche encore plus. Tzipi Livni et les autres centristes sauront-ils bâtir, avant les élections générales du 17 mars, une coalition de centre-gauche?

Toujours est-il que la question de la loi sur l'État national du peuple juif va devenir la future pomme de discorde en Israël. Elle va réveiller la contestation, polariser l'électorat, faire oublier les négociations paralysées avec l'OLP et le fantomatique État de Palestine, et déboucher peut-être sur une crise si terrible, israélo-israélienne et israélo-palestinienne, que le Moyen-Orient s'en trouvera totalement bouleversé.