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Moyen-Orient

Syrie : la difficulté d'une zone tampon

Le Conseil de sécurité de l'ONU

Le Conseil de sécurité de l'ONU - -

Ce jeudi, Laurent Fabius a convié le Conseil de sécurité de l’ONU pour débattre de l’instauration d’une zone tampon en Syrie. Sur RMC, le ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian reconnaissait que l’opération serait difficile à mettre en place.

Laurent Fabius est parti à New-York sans trop y croire. Alors que la France préside le Conseil de sécurité de l’ONU pour un mois, le ministre français des Affaires étrangères rencontrera ce jeudi son homologue britannique ainsi que les ambassadeurs des trois autres pays membres du conseil. La Jordanie, le Liban, la Turquie et l'Irak, pays voisins de la Syrie, ont aussi été conviés pour débattre et peut-être trouver un consensus sur la situation humanitaire dans le pays. L’idée de Paris : créer une zone tampon, déjà évoquée par François Hollande lundi, c’est-à-dire une zone de sécurité aérienne permettant de protéger les réfugiés syriens qui convergent vers les pays limitrophes.

« Faire circuler les armes »

Si l’idée est soutenue par la Turquie, confrontée à un afflux croissant de réfugiés, elle est évidemment totalement rejetée par Bachar Al Assad. Historien spécialiste de la Syrie et chercheur à l'université de Tours, Frédéric Pichon considère que c’est une façon de contourner les blocages actuels : « Comme on ne peut pas avoir une solution par le Conseil de sécurité, on utilise le motif humanitaire ». En soi, personne ne peut critiquer l’idée et le motif humanitaire, même si la réalité est toute autre. « Ça permettrait aux armes et au matériel acheminés en direction des rebelles, notamment depuis la frontière turque vers la ville d’Alep, de circuler beaucoup plus facilement, et donc d’assurer d’une certaine manière non pas la victoire des rebelles mais en tout cas leur permettre de s’ancrer au nord de la Syrie et d’y faire une sorte de région de reconquête pour l’ensemble du pays ». On comprend que Bachar Al Assad s’y oppose.

« Totalement irréaliste »

Même si un accord était trouvé à l’ONU sur ces zones tampons, leur mise en place s’annonce difficile. « Ce serait possible, ajoute Frédéric Pichon, mais sous réserve d’un appui aérien qui ne pourrait être engagé qu’avec un feu vert du Conseil de sécurité ou par les forces armées des occidentaux, ce qui s’avère compliqué. D’une part, ces forces aériennes sont sous le contrecoup de l’opération en Libye, et d’autre part, le système de défense anti-aérien syrien est beaucoup plus élaboré que celui de Kadhafi. Le projet parait totalement irréaliste ».

Une opération compliquée

Même s’il dit y croire, le ministre de la Défense Jean-Yves le Drian reconnaissait ce jeudi matin sur RMC qu’il y avait encore de nombreux obstacles : « Il faut qu’une partie du territoire soit sous le contrôle de l’opposition, une opposition organisée et reconnue par la communauté internationale, par exemple avec un gouvernement provisoire. Dans ce cas, la donne politique change ». Là, seulement, l’aviation française « et pas que la nôtre », précise le ministre, pourrait intervenir pour protéger la zone. Conséquence : un état de guerre.

« C'est de fait rentrer en guerre »

Car c’est bien une guerre qui menace. Jean-Dominique Merchet, spécialiste des questions de sécurité et de défense, ne trouve pas d’autres termes. « Mettre une zone d’exclusion aérienne ou une zone tampon au sol dans un pays souverain, c’est de fait rentrer en guerre. Donc il faut évidemment s’attendre à ce que le pays réagisse. On sait comment on entre dans une guerre, on ne sait pas très bien comment on en sort. Il pourrait y avoir des pertes, mais c’est dans l’ordre naturel des choses qu’il y ait des pertes à la guerre ». Pas sûr que les gouvernements occidentaux soient prêts à prendre le risque.

La rédaction avec Alexandre Mognol