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Hezbollah, Iran... Faut-il craindre une extension du conflit entre Israël et le Hamas?

Obsèques de deux combattants du Hezbollah tués par des frappes israéliennes, à Khirbet Selm, au Liban le 10 octobre 2023.

Obsèques de deux combattants du Hezbollah tués par des frappes israéliennes, à Khirbet Selm, au Liban le 10 octobre 2023. - MAHMOUD ZAYYAT / AFP

La possible implication de l'Iran dans l'attaque du Hamas contre Israël et les roquettes tirées par le Hezbollah libanais font craindre un embrasement régional.

La crainte d'un conflit régional. Les attaques terroristes lancées par le Hamas contre Israël autour de la bande de Gaza ont rapidement été suivies par des heurts plus au nord, à la frontière avec le Liban.

Dimanche, le Hezbollah, parti chiite libanais allié de l'Iran, a revendiqué des tirs "d'obus d'artillerie et de missiles guidés" sur trois positions israéliennes dans un secteur contesté à la frontière entre les deux pays. Israël a aussitôt répliqué, tuant au moins 3 combattants de cette organisation considérée comme terroriste par l'Union européenne.

Lundi, ce sont "les Brigades al-Qods", la branche militaire du Jihad islamique palestinien, qui ont épaulé le Hamas en revendiquant une opération d'infiltration en territoire israélien depuis le Liban.

Vers un front à la frontière libanaise?

La communauté internationale, de Washington à Paris, en passant par la Chine et les Nations unies, multiplie les mises en garde contre un débordement du conflit. Le Hezbollah ne doit pas prendre la "mauvaise décision" d'ouvrir un deuxième front contre Israël à la frontière avec le Liban, a ainsi prévenu lundi un haut responsable de défense américain.

Si la naissance d'un deuxième front au nord d'Israël n'est pas exclue, les experts estiment dans leur ensemble qu'un embrasement est peu probable dans cette zone.

"Le Hezbollah ne veut pas d'un conflit ouvert avec Israël parce qu'ils savent que ce serait très coûteux pour eux", explique Thierry Coville, spécialiste de l'Iran à l'institut Iris.

La dernière guerre entre le Hezbollah et Israël remonte à 2006. Elle avait ravagé le sud-Liban et fait plus de 1.200 morts côté libanais, en majorité des civils, et 160 côté israélien, des militaires pour la plupart.

Les frappes qui ont accompagné l'attaque du Hamas "s'inscrivent davantage dans la volonté d'instaurer un rapport de force", estime le chercheur.

L'ombre de l'Iran

Derrière ces attaques plane l'ombre de l'Iran, ennemi historique d'Israël depuis la révolution islamique de 1979. Si le régime des mollahs est un soutien assumé du Hamas et du Hezbollah, l'ayatollah Ali Khamenei, la plus haute autorité d'Iran, a nié l'implication de son pays.

"Nous embrassons les fronts et les bras des initiateurs (de cette attaque, NDLR) (...) mais ceux qui disent que l'œuvre de Palestiniens a été déclenchée par des non-Palestiniens ne connaissent pas la nation palestinienne", a-t-il déclaré.
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Le spécialiste du monde arabe Gilles Kepel a cependant expliqué sur BFMTV qu'une intervention extérieure était plus que probable. "Ça semble très difficile que le Hamas ait pu penser une opération de cette ampleur seul", a-t-il déclaré sur notre antenne.

De là à pointer du doigt clairement l'Iran, il y a un pas que les dirigeants occidentaux ne franchissent pas. "Je n’ai pas de commentaire à faire sur une implication directe de l’Iran dont nous n’avons pas la trace de manière formelle", a déclaré Emmanuel Macron, "prudent", lors d’une conférence de presse commune avec le chancelier allemand Olaf Scholz à Hambourg.

Dans un communiqué conjoint, la France, les États-Unis, l'Allemagne, l'Italie et le Royaume-Uni ont néanmoins appelé "tout État qui pourrait chercher à profiter de la situation, en particulier l'Iran, à ne pas chercher à exploiter cette situation à d'autres fins, ni à étendre le conflit au-delà de Gaza".

"Aucun des acteurs n'a véritablement intérêt à une escalade"

Pour Héloïse Fayet, chercheuse à l'Institut français des relations internationales (Ifri), "le risque de débordement est présent mais restreint car aucun des acteurs n'a véritablement intérêt à une escalade".

D'un côté, "l'Iran a tout à perdre dans une guerre ouverte contre une Israël soutenue par les États-Unis. Téhéran a plutôt intérêt à continuer à agir en sous-main grâce à ses organes d'influence", estime la chercheuse. De l'autre, "Israël ne veut pas avoir à gérer plusieurs fronts en même temps" alors que son armée est déjà mobilisée à la frontière libanaise, dans les colonies de Cisjordanie et maintenant autour de Gaza.

Dans les faits, "il y a déjà un affrontement indirect entre Israël et l'Iran", rappelle Thierry Coville. Jérusalem mène régulièrement des opérations de sabotage contre le programme nucléaire iranien et parfois même des assassinats ciblés de scientifiques, dont le dernier date de 2020. Depuis le début de la guerre en Syrie, en 2011, Israël mène par ailleurs de nombreuses frappes contre des forces iraniennes et du Hezbollah, alliés de Damas.

Les ennemis d'Israël attentistes

Dans "l'Axe de la résistance", cette alliance informelle contre Israël formée par l'Iran, le Hezbollah, le Yémen, la Syrie et d'autres milices chiites, l'heure n'est donc pas vraiment à la guerre ouverte.

"Il faut comprendre que ce qui se passe en Israël est en premier lieu un conflit local. Tous les ennemis d'Israël n'ont pas forcément intérêt à s'y mêler", souligne Héloïse Fayet.

"Même s'ils sont très idéologues, ils restent pragmatiques", complète le chercheur de l'Iris Thierry Coville, qui tient toutefois à rester prudent: "nous faisons face à un événement complètement nouveau. La situation géopolitique peut encore évoluer".

François Blanchard