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Iran: comment les forces de sécurité utilisent le viol pour réprimer les protestations

Dans une enquête exclusive, CNN dévoile plusieurs témoignages de femmes, d'hommes et d'adolescents qui racontent avoir été victimes d'agressions sexuelles après avoir été arrêtés en marge des manifestations qui traversent le pays depuis le mois de septembre.

Armita Abbasi a 20 ans. Elle ressemble à beaucoup de jeunes femmes de sa génération: elle a des cheveux teints en blond platine, porte un piercing au sourcil et publie des vidéos de ses chats sur ses réseaux sociaux. Mais dès le début des manifestations en Iran, elle commence à poster sans retenue des critiques du régime.

Du jour au lendemain, elle disparait des réseaux sociaux. Devenue un symbole du mouvement, comme Mahsa Amini ou Nika Shakarami avant elle, elle est reconnue plus tard par des médecins à l'hôpital. Sa tête avait été rasée et elle était entourée d'agents de police.

"Quand elle est arrivée, elle faisait une hémorragie du rectum... à cause de viols répétés. Les officiers ont insisté pour que le médecin l'écrive comme un viol avant l'arrestation", raconte un membre du personnel médical, dans des propos rapportés par CNN.

Un infirmier a également affirmé que la police empêchait le personnel de parler à Armita Abbasi, et qu'il était inscrit qu'elle avait été admise à l'hôpital pour "problèmes digestifs". La jeune femme avait été arrêtée par la police, torturée et agressée sexuellement.

Armita Abbasi
Armita Abbasi © CNN

De nombreux témoignages

Dans son document, CNN publie plusieurs témoignages qui révèlent les violences sexuelles subies par des femmes, des hommes et des adolescents liés au mouvement de protestation et qui montrent surtout leur caractère systémique.

Ces dernières semaines, des vidéos ont été diffusées sur les réseaux sociaux montrant les forces de sécurité iraniennes en train d'agresser sexuellement des manifestantes dans les rues. Des rapports faisant état de violences sexuelles contre des militants dans les prisons ont commencé à faire surface.

Dans certains des cas, l'agression sexuelle a été filmée et utilisée pour faire chanter les manifestants afin qu'ils gardent le silence.

Des manifestants iraniens descendant dans les rues de la capitale Téhéran lors d'une manifestation pour Mahsa Amini, quelques jours après sa mort en garde à vue, le 21 septembre 2022.
Des manifestants iraniens descendant dans les rues de la capitale Téhéran lors d'une manifestation pour Mahsa Amini, quelques jours après sa mort en garde à vue, le 21 septembre 2022. © AFP

Agressions sexuelles et viols en prison

Hana*, comme de nombreuses femmes iraniennes, a brûlé son voile dans la rue, un geste devenu un rituel des récentes manifestations. Elle a été incarcérée puis a fui l'Iran pour l'Irak, où CNN l'a rencontrée.

Elle a été détenue dans un poste de police de la ville d'Urmia. "Il y avait des enfants de 13 et 14 ans qui ont été capturés lors des manifestations. Ils ont été brutalement blessés. Ils ont fait encore plus mal aux filles. Ils les ont violées sexuellement", raconte-t-elle.

"Un officier prenait une jolie fille, et il allait dans une pièce pour être seul avec elle et l'agresser sexuellement", ajoute la jeune femme.
La prison d'Urmia, où a été emprisonnée Hana*.
La prison d'Urmia, où a été emprisonnée Hana*. © CNN

Elle raconte également comment une jeune fille a été enfermée dans une autre salle d'interrogatoire alors que son frère adolescent exigeait de la rejoindre pour s'assurer que rien "ne lui arrive".

Hana explique que les policiers ont frappé le garçon à coups de matraque. Pendant ce temps, sa sœur criait dans la salle d'interrogatoire, se souvient-elle, affirmant penser que la femme était en train d'être violée.

Les hommes et les mineurs également concernés

CNN a également recueilli le témoignage audio d'un jeune homme de 17 ans qui affirme que lui et ses amis avaient été violés et électrocutés en détention après avoir été arrêtés lors des manifestations. Pour CNN, ces témoignages suggèrent que l'agression sexuelle du mineur n'est pas un acte isolé.

"Ils ont amené quatre hommes qui avaient été battus, qui criaient intensément dans une autre cellule. Et l'un des hommes qui avait été torturé, a été envoyé dans la salle d'attente où j'étais", raconte à CNN le garçon.

"Je lui ai demandé ce que signifiaient tous ces cris. Il a dit qu'ils violaient les hommes".

Un officier a alors entendu cette conversation et a commencé à torturer le jeune homme. Ce dernier dit qu'il a ensuite été également violé.

Le responsable de Kurdistan Human Rights, Rebin Rahmani, a déclaré à CNN que deux femmes en détention, avec lesquelles il s'est entretenu, ont été menacées du viol de leurs sœurs adolescentes afin de les contraindre à des aveux télévisés forcés. Dans un cas, les agents ont amené la sœur adolescente de la femme dans une salle d'interrogatoire et lui ont demandé si elle était "prête" à les laisser violer sa sœur, raconte Rebin Rahmani, citant le récit de la manifestante.

Un système carcéral labyrinthique

Les groupes internationaux Human Rights Watch et Amnesty International ont également fait état de plusieurs cas d'agressions sexuelles dans les prisons depuis le début des manifestations à la mi-septembre en Iran.

Ils expliquent que les manifestants sont généralement arrêtés puis déplacés d'un endroit à l'autre, leurs familles ignorant où ils sont détenus. Des centaines de personnes ont ainsi disparu dans ce réseau labyrinthique de prisons et de centres de détention.

Le gouvernement iranien a interdit l'accès du pays aux journalistes étrangers non accrédités, coupe régulièrement Internet et fait taire les voix dissidentes par des arrestations massives. Un climat de peur règne en Iran alors que la répression s'intensifie. Selon CNN, la stigmatisation des victimes de violences sexuelles ajoute une autre couche de silence à la situation.

Salomé Robles