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Moyen-Orient

GRAND ANGLE: Le pianiste de Yarmouk, des décombres aux plateaux TV d'Europe

Aeham Al Ahmad est devenu un symbole, que les festivals s'arrachent.

Aeham Al Ahmad est devenu un symbole, que les festivals s'arrachent. - BFMTV

PORTRAIT - Professeur de musique à Yamourk en Syrie, Aeham Al Ahmad s’est fait connaître en se produisant au milieu des ruines de son pays. Après un long périple sur la route des migrants, le jeune homme s'est retrouvé en Allemagne, où il espère vivre de sa passion.

Aeham Al Ahmad, 27 ans, est un pianiste hors du commun. Celui que l'on surnomme maintenant le pianiste de Yarmouk est devenu un symbole, que les festivals s'arrachent. A son actif, déjà une douzaine de concerts, parfois devant des dizaines de milliers de spectateurs.

Pour lui, tout a commencé sur Internet. Sur ses vidéos, on le voit jouer dans les rues de Yarmouk, un quartier de la banlieue de Damas, en Syrie. Sa ville est le théâtre de violents combats entre le gouvernement, les rebelles et Daesh.

"Ce n'est pas dans la culture arabe"

A l'époque, Aeham est professeur de musique. Avec ses amis et ses élèves, le jeune homme a une idée: déplacer son piano pour jouer dehors, pour les habitants de son quartier.

"Pour moi, la liberté totale, c'est de jouer du piano dans la rue", confie-t-il à BFMTV. "Ce n'est pas dans la culture arabe de faire ça. Mon but, c'était de dire aux gens de revenir. Je leur disais que leur maison était toujours là. Et je n'ai jamais fait de vidéo au même endroit, pour montrer que je pouvais aller n'importe où. Je suis allé partout, dans les 4 km² du camp, avec mon piano sur un chariot".

"L'islam est par essence une religion de musique"

Mais en Syrie, sa musique dérange. En avril dernier, un combattant de Daesh brûle son piano, au motif que l'islam interdirait la musique.

"L'islam est par essence une religion de musique", s'indigne le jeune pianiste. "Quand on prie, on chante. Ca fait comme de la musique. On répète cette prière cinq fois par jour et on vient me dire que la musique est impure! Non, la musique n'est pas interdite!"

Au fil des mois, la peur des bombes et le manque de nourriture pèsent sur le jeune homme. Alors à la fin du mois de septembre, il décide de tout quitter et de filmer sa traversée de la Méditerranée.

"Pour m'intégrer, il faut que je travaille"

Après un long périple à pied sur la route des migrants, Aeham se retrouve en Allemagne. Il a laissé derrière lui sa femme et ses deux fils de un et trois ans. Le jeune pianiste espère obtenir des papiers et faire venir sa famille en Allemagne. Mais en attendant, il soigne sa carrière naissante.

"Pour m'intégrer dans la société allemande, comme c'est un pays qui aime la musique, il faut que je travaille. J'espère bien continuer à faire de la musique, ici en Allemagne. Si Dieu le veut, je gagnerai ma vie grâce à la musique".

En attendant d'être régularisé, la carrière de pianiste d'Aeham avance vite. Durant le prochain mois, il va se produire dans six concerts.
C. P.