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Moyen-Orient

Abdallah, le roi qui a préservé l'Arabie saoudite des tempêtes arabes

Le Roi Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud

Le Roi Abdallah Ben Abdel Aziz Al-Saoud - SPA - AFP

Le pieux Abdallah, qui s'était forgé une réputation de probité face à d'autres membres de la famille royale accusés de corruption, était "le roi le plus aimé en Arabie saoudite depuis Fayçal".

Le roi Abdallah d'Arabie saoudite, dont le décès a été annoncé vendredi, a gardé la première puissance pétrolière mondiale à l'abri des crises du monde arabe, mais a déçu les attentes des réformateurs, notamment sur la place de la femme dans la société. De fait, Abdallah s'est souvent trouvé tiraillé entre les ailes libérale et conservatrice de la famille royale, ce qui a certainement paralysé son action.

Décédé à environ 90 ans (on ne connaît pas son âge exact), il avait accédé au trône à la mort en août 2005 de son demi-frère, Fahd, mais il dirigeait de facto le royaume depuis 1995. Après avoir subi plusieurs opérations ces dernières années, ses apparitions publiques étaient devenues de plus en plus rares et il se faisait représenter par le prince héritier, Salmane Ben Abdel Aziz, 79 ans.

Le pieux Abdallah, qui s'était forgé une réputation de probité face à d'autres membres de la famille royale accusés de corruption, était "le roi le plus aimé en Arabie saoudite depuis Fayçal", assassiné en 1975, selon un diplomate occidental.

Discours dur contre l'islam radical

Face à la montée en puissance du groupe Etat islamique (EI) en Syrie et en Irak, l'Arabie saoudite, qui abrite les deux premiers lieux saints de l'islam, a rejoint sous son règne la coalition internationale et participé aux raids contre ces jihadistes actifs aux portes du royaume.

Durcissant son discours contre l'islam radical, Abdallah avait averti que les pays occidentaux seraient la prochaine cible des jihadistes: "Si on les néglige, je suis sûr qu'ils parviendront au bout d'un mois en Europe, et un mois plus tard en Amérique".

Réformateur prudent

Le royaume, premier exportateur mondial de brut, a joué à fond la carte pétrolière pour défendre sa part de marché, menacée selon lui par l'essor du pétrole de schiste, notamment américain. Sous l'influence d'Abdallah, l'Opep s'est abstenue de réduire son offre malgré la chute des cours.

Mais au plan interne, le roi avait engagé un prudent processus de réformes en tentant de concilier les positions d'un establishment religieux ultraconservateur et celles d'une frange libérale de la population avide de modernisation. En 2005, il avait organisé les premières élections municipales partielles et accordé aux femmes le droit de vote au prochain scrutin de 2015, même si celles-ci ne peuvent toujours pas conduire.

Abdallah avait aussi allégé l'emprise de la puissante police religieuse et introduit des réformes dans le secteur de l'éducation. Il avait inauguré en 2009 la King Abdullah University of Science and Technology, le premier établissement mixte du pays. Mais le mélange des sexes reste interdit en dehors du cadre familial.

Récemment la condamnation du blogueur Raif Badawi à une peine de dix ans de prison et à des coups de fouet en public pour "insulte à l'Islam" montre que beaucoup reste à faire.

Défenseur de l'ordre établi dans le monde arabe

Abdallah avait surtout su protéger son pays de la tempête qui a soufflé en 2011 sur le monde arabe. Puisant dans les importantes réserves financières du pays pour satisfaire la population, il a consacré plus de 36 milliards de dollars à la création d'emplois, la construction d'unités de logement et aux aides aux chômeurs. Malgré la chute des cours pétroliers, le roi avait ordonné de maintenir le rythme des dépenses dans le budget 2015 pour préserver la paix sociale.

Défenseur de l'ordre établi dans le monde arabe, le royaume a accueilli le président tunisien Zine Al Abidine Ben Ali, premier autocrate arabe à être chassé du pouvoir par la rue en janvier 2011, et n'a pas applaudi au renversement du président égyptien Hosni Moubarak le mois suivant avant de soutenir ouvertement le président égyptien Abdel Fattah al-Sissi après la destitution en 2013 de son prédécesseur Mohamed Morsi, issu des Frères musulmans, classé groupe "terroriste" par Ryad.

Sur l'échiquier régional, le roi fut l'initiateur du seul plan de paix global arabe au Proche-Orient, rejeté par Israël, comme il avait tenté par ailleurs de contrer les ambitions de l'Iran chiite.

Allié critique des Etats-Unis

Les fuites de WikiLeaks révèlent un homme qui ne mâche pas ses mots. En parlant de l'Iran, il avait recommandé aux Etats-Unis de "couper la tête du serpent" pour détruire son programme nucléaire. Allié des Etats-Unis, il n'avait pas non plus hésité à les critiquer, comme en 2007 lorsqu'il avait évoqué "l'occupation illégitime" de l'Irak par leurs troupes.

Né à Ryad, Abdallah était le 13e fils du roi Abdel Aziz, fondateur du royaume. Il était proche des tribus qui fournissaient les recrues de la Garde nationale, cette "armée blanche" qu'il avait dirigée avant d'en confier les rênes à son fils Mitaab.

Le roi défunt aimait se mêler à ses troupes et on l'a vu danser souvent avec les hommes de la Garde nationale, un drapeau saoudien sur l'épaule et une épée à la main, au rythme de la "Arda", sorte de chant de ralliement à la dynastie des Al-Saoud.

S.A. avec AFP