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"Maison de l'horreur": les regrets des anciens voisins et camarades des enfants torturés

Des ballons devant la "maison de l'horreur" à Perris en Californie.

Des ballons devant la "maison de l'horreur" à Perris en Californie. - FREDERIC J. BROWN / AFP

Dans la presse américaine, ils sont nombreux, ayant eu l'occasion de fréquenter ou de vivre à proximité de la famille Turpin, à regretter leur silence malgré les signes de la malnutrition et de tortures subies par les treize enfants, au Texas et en Californie. Certains déplorent leur propre comportement.

Ils ont vu, ils ont deviné qu'il se tramait quelque chose et n'ont rien dit. Aujourd'hui, de nombreux voisins du couple Turpin ou camarades de classes de leurs enfants, regrettent publiquement de n'avoir rien dit ou de s'être moqués de cette fratrie de treize torturés et affamés par leurs parents, David et Louise Turpin, au Texas puis en Californie, comme l'a recensé ce vendredi la version américaine de Buzzfeed News

Il y a quelques jours déjà, un riverain de leur quartier de Perris, en Californie, avait dit que, de retour de son travail qu'il quittait tard dans la soirée, il avait vu les enfants "marcher en cercle à l'étage". Certains témoignages de voisins peuvent sembler jurer entre eux. L'un se souvient les avoir vus marcher devant la maison en pleine nuit, un autre assure qu'il ne les a jamais vus mettre un pied dehors. 

Des "ordures jusqu'à la taille"

Mais les riverains californiens ne sont pas les seuls à se rafraîchir la mémoire ces temps-ci. Avant Perris, il y a eu Rio Vista au Texas et son lot d'anecdotes étranges au premier abord et sordides resituées dans l'ensemble du tableau. Un habitant vivant à proximité du vaste mobile-home que la famille occupait alors au milieu de sa propriété, derrière la maison qu'ils avaient apparemment vandalisée, a vu, un Noël, David et Louise Turpin acheter huit vélos pour leur marmaille. Mais le geste n'avait finalement pas grand chose de louable: les bicyclettes sont restées inertes devant l'habitation pendant des mois, avec l'étiquette du magasin encore en place.

Ne faisant décidément rien comme les autres, c'est en pleine nuit que les Turpin ont plus tard déserté Rio Vista pour partir s'installer sous les cieux de la côte ouest américaine. Ricky Vinyard, qui avait déjà rapporté l'anecdote cycliste, avait profité de ce départ pour satisfaire sa curiosité en visitant le mobile home. Il a évoqué au Los Angeles Times "les ordures lui arrivant à la taille", "les cadavres de chiens et de chats" à l'intérieur, les cadenas un peu partout.

Un homme a racheté la propriété un an après cette fuite. Dans la maison saccagé, Billy Baldwin, qui a raconté sa découverte des lieux à ABC News, a pu constater que le sol de la salle de bain avait pourri, et que des excréments jonchaient le salon. Il a aussi mis la main sur des clichés Polaroid montrant une corde attachée à l'armature d'un lit.

La mémoire douloureuse des anciens camarades de classe 

Mais les témoignages les plus terribles proviennent d'anciens camarades de classes des enfants Turpin. Certes, pour l'essentiel, il avait été décidé par le ménage que les enfants seraient instruits à la maison, sous l'égide de leur père, David, ingénieur de formation. Mais cette éducation à la maison n'a pas empêché certains des enfants de faire des passages dans des établissements scolaires.

L'un des fils a ainsi été en cours au San Jacinto College, en Californie. Une élève qui l'y a côtoyé a parlé à NBC Los Angeles de ce jeune qui ne regardait personne dans les yeux, portait chaque jour les mêmes vêtements et qui, l'air affamé, "engloutissait plat après plat" lors d'un buffet organisé par l'école.

Coupés du monde la majorité du temps, soumis à la maison à des humiliations et tortures systématiques, plongés dans une saleté révoltante, les enfants Turpin ne pouvaient pas passer inaperçus et il y avait fort à parier qu'ils subissent les railleries de leurs congénères du même âge. C'est ce qui est arrivé, notamment à l'une des jeunes filles, Jennifer. Taha Muntajibuddin, dans un post Facebook, s'est souvenu de cette année de scolarité commune le 18 janvier, soit quatre jours après que les policiers ont mis fin à la sinistre routine du foyer en pénétrant dans leur logement. 

"Jennifer Turpin était la fille de l'école primaire de Meadowcreek avec laquelle personne ne voulait être vu", commence-t-il. "Chaque classe avait désigné 'une vermine' et elle avait hérité du titre dans notre classe de CE2", décrit avec émotion cet homme aujourd'hui âgé de 28 ans qui dit se sentir "submergé par la honte et la culpabilité".

Il y a huit ans, une première tentative de fuite 

Les vêtements empuantis, rapiécés et souillés de la petite fille étaient pour beaucoup dans les quolibets. "On ne peut s'empêcher de se sentir en-dessous de tout quand on se rend compte que la camarade de classe dont tout le monde se moquait parce qu'elle "sentait le caca" devait littéralement s'asseoir dans ses propres déjections parce qu'elle était enchaînée dans son lit", regrette-t-il. Un détail lui revient alors:

"J'ai passé mon année à me payer sa tête car, un jour, notre instituteur lui avait demandé de jeter une sorte de chouchou qu'elle s'était fait pour s'attacher les cheveux en se servant d'un emballage de barre chocolatée." 

Certaines consciences pèsent sans doute plus lourd que d'autres. Le Los Angeles Times a signalé qu'un jour, alors que les Turpin vivaient encore au Texas, une des aînées avait réussi à s'enfuir... avant d'être ramenée chez elle par un voisin. D'après le Mercury News ce vendredi, c'est cette tentative avortée qui a précipité le départ de la famille vers la Californie, seulement quelques jours plus tard. C'était huit ans avant qu'une autre tentative de ce type réussisse, elle.
Robin Verner