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Les Libyens élisent librement leurs députés dans un climat tendu

Dans un bureau de vote à Tripoli. Les Libyens sont appelés aux urnes ce samedi pour leurs premières élections libres après quatre décennies de régime autocratique de Mouammar Kadhafi. /Photo prise le 7 juillet 2012/REUTERS/Ismail Zitouny

Dans un bureau de vote à Tripoli. Les Libyens sont appelés aux urnes ce samedi pour leurs premières élections libres après quatre décennies de régime autocratique de Mouammar Kadhafi. /Photo prise le 7 juillet 2012/REUTERS/Ismail Zitouny - -

par Ali Shuaib et Hadeel Al Shalchi TRIPOLI/BENGHAZI (Reuters) - Les Libyens sont appelés aux urnes ce samedi pour leurs premières élections libres...

par Ali Shuaib et Hadeel Al Shalchi

TRIPOLI/BENGHAZI (Reuters) - Les Libyens sont appelés aux urnes ce samedi pour leurs premières élections libres après quatre décennies de régime autocratique de Mouammar Kadhafi.

Moins d'un an après le renversement et la mort de l'ancien dirigeant, de nombreuses menaces planent cependant sur le déroulement du scrutin: des velléités autonomistes s'expriment dans l'est de la Libye, le chaos persiste dans le sud désertique et la crainte de violences pendant et après le vote perdure dans un pays toujours en proie à l'influence de milices armées nées au cours de la révolution.

Les Libyens doivent élire une assemblée de 200 membres, qui désignera à son tour un gouvernement et un Premier ministre et rédigera une nouvelle Constitution afin de permettre l'organisation d'élections législatives en 2013.

Après la Tunisie et l'Egypte, la Libye pourrait à son tour porter des islamistes à sa tête dans la foulée du "printemps arabe". Beaucoup parmi les plus de 3.700 candidats à la députation défendent en effet des programmes d'inspiration religieuse.

Dans une école du centre de Tripoli transformée en bureau de vote, une dizaine de femmes faisaient la queue samedi pour voter et certaines avaient les larmes aux yeux.

"Je suis un citoyen libyen dans une Libye libre", s'est réjoui Mahmoud Mohamed al Bizamti, à l'extérieur de ce bureau de vote.

"Je suis venu aujourd'hui pour pouvoir voter démocratiquement. Aujourd'hui, c'est comme un mariage pour nous", a-t-il ajouté.

ATTAQUES

La principale menace pesant sur les élections vient de la province orientale de Cyrénaïque, berceau du soulèvement contre Mouammar Kadhafi début 2011. A Benghazi, la capitale provinciale, et dans sa région, s'est développée une hostilité à l'égard des autorités intérimaires installées à Tripoli, dans l'ouest.

"Il ne fait aucun doute qu'il pourrait y avoir une guerre civile entre nous, dans l'Est, et l'Ouest", a dit à Reuters Hamed al Hassi, ancien rebelle désormais chef du Haut Conseil militaire de Cyrénaïque, chargé de la sécurité de la province.

"Le pays va être paralysé car personne au gouvernement ne nous écoute", a-t-il ajouté.

Vendredi, des groupes armés de la région ont bloqué la moitié des exportations de pétrole du pays pour exiger une meilleure représentation de la Cyrénaïque au sein de la nouvelle assemblée. Au moins trois grands terminaux pétroliers destinés à l'exportation ont été touchés.

Des centaines de manifestants se sont rassemblés vendredi soir sur une place du centre de Benghazi pour protester contre la répartition géographique des sièges au sein de l'assemblée constituante. La Cyrénaïque sera représentée par 60 élus contre 102 pour l'ouest du pays. Les manifestants ont annoncé leur intention de boycotter le scrutin.

Les autorités électorales ont été la cible de plusieurs attaques récemment. La dernière en date vendredi a contraint un hélicoptère transportant du matériel de vote à effectuer un atterrissage d'urgence près de Benghazi après avoir été touché par un tir de DCA. Une personne à bord a été tuée.

"Il n'y a aucune sécurité dans ce pays", a déclaré Emad el Sayih, vice-président de la Haute Commission électorale nationale, à Reuters.

VERS UN SUCCÈS ISLAMISTE?

Dans la région désertique de Koufra dans le sud du pays, les combats entre tribus sont si violents que les observateurs du scrutin ne pourront s'y rendre, ce qui alimente les doutes sur la tenue même des opérations de vote dans certaines zones reculées de cette vaste province.

A Syrte, la ville de Mouammar Kadhafi sur les rives de la Méditerranée, les élections ne suscitent guère d'enthousiasme.

"Ils devraient d'abord s'occuper de nous, regardez nos maisons", déclare Abed Mohamed, un habitant du quartier n°2, dévasté par les combats de 2011. Mouammar Kadhafi se serait caché dans ce quartier avant d'être débusqué et tué en octobre.

"Nous ne sommes pas contre des élections à l'avenir, mais faisons les choses dans l'ordre", ajoute-t-il.

Beaucoup de Libyens sont toutefois impatients de pouvoir désigner enfin par eux-mêmes leurs dirigeants et il est quasiment impossible de prédire l'issue du vote.

Le Parti de la Justice et de la Reconstruction, aile libyenne des Frères musulmans, et Al Watan, de l'islamiste Abdel Hakim Belhadj, devraient recueillir de nombreux suffrages.

Un certain nombre de sièges sont réservés aux femmes, ce qui suscite des tensions, comme l'illustrent les gribouillages sur les affiches électorales des candidates à Tripoli.

De premiers résultats partiels devraient être connus après la fermeture des bureaux de vote samedi à 20h00 (18h00 GMT) mais les résultats complets ne sont pas attendus avant lundi.

Avec Marie-Louise Gumuchian à Tripoli et Taha Zargoun à Syrte, Bertrand Boucey pour le service français