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Les JO ont-ils fait baisser la tension entre les deux Corée?

Supportrices nord-coréennes brandissant le drapeau de la Corée réunie lors des JO d'hiver en Corée du sud.

Supportrices nord-coréennes brandissant le drapeau de la Corée réunie lors des JO d'hiver en Corée du sud. - Mladen ANTONOV / AFP

A l'occasion des Jeux olympiques d'hiver, Pyongyang a envoyé une délégation chez son voisin du Sud, et les deux Corée ont monté une équipe de hockey sur glace commune. Les JO ont-ils vraiment permis de faire baisser la tension entre Corée du Nord et Corée du Sud? BFMTV.com a interrogé un spécialiste de la question.

Depuis 1953, la péninsule coréenne est divisée en son 38e parallèle entre une partie nord, communiste et administrée par la dynastie des Kim, et la partie sud, capitaliste et historiquement proche des Etats-Unis. Ce contraste a décidé d'une situation de guerre froide qui perdure jusqu'à aujourd'hui. Si, au cours des soixante-dix dernières années, les tensions ont été nombreuses entre Pyongyang et Séoul, il y a eu aussi quelques rares moments d'apaisement. Et celui de ce mois de février, après les rodomontades nucléaires de Kim Jong-un, a semblé rapprocher significativement les positions des frères ennemis.

Trouver une meilleure position 

En effet, lors de ces jeux olympiques d'hiver, la Corée du Nord a envoyé une délégation de ses sportifs participer à la compétition organisée à Pyeongchang, de l'autre côté de la frontière. Mieux, Nord-Coréens et Sud-Coréens ont défilé ensemble lors des cérémonies officielles. Enfin, l'équipe féminine de hockey sur glace a montré le premier visage concret que pourrait arborer une Corée une et indivisible, en unissant les forces de la péninsule.

Antoine Bondaz, chargé de recherche à la Fondation pour la recherche stratégique et spécialiste des relations entre les deux Corée, ne nie pas la dimension apaisante de la séquence qui vient de se clore en même temps que les JO d'hiver. Toutefois, le chercheur appelle à ne pas perdre de vue que les nordistes poursuivaient plusieurs objectifs à cette occasion, l'un d'entre eux visant à gagner du temps.

"L'un des objectifs de la Corée du Nord est aussi de gagner du temps pour se trouver en position de force au moment de reprendre les négociations. C'est d'ailleurs ce qu'il se passe maintenant, après les jeux olympiques. Si des négociations reprennent avec les Etats-Unis, les Coréens du Nord n'apparaîtront pas comme la petite puissance qui a cédé. Ils apparaissent comme ceux qui ont initié une ouverture, et ont mis les Américains au pied du mur", développe le chercheur.

Car en adoucissant leurs relations, les deux membres de l'orageux couple coréen lorgnent tous deux vers un tiers: les Etats-Unis, jusqu'ici porteurs d'une attitude inflexible envers Pyongyang. "La Corée du Sud veut avant tout relancer les discussions entre la Corée du Nord et les Etats-Unis. Pourquoi? Parce que la question du nucléaire nord-coréen est primordiale et elle ne peut être réglée qu'entre Pyongyang et Washington", pose Antoine Bondaz.

Réelle ouverture ou marché de dupes? 

Cette nécessité n'interdit pas le réchauffement bilatéral entre les Corée. En effet, la diplomatie des patinoires pourrait trouver un prolongement plus classique: lors de ces olympiades, la sœur de Kim Jong-un a transmis au président de la Corée du Sud, Moon Jae-in, une invitation à se rendre à Pyongyang pour rencontrer le leader nord-coréen.

L'événement serait des plus notables: il s'agirait de la première venue d'un grand dirigeant étranger dans le régime communiste depuis l'intronisation de Kim Jong-un. Pour le moment, la Corée du Sud a accepté le principe, mais n'a pas indiqué que son président honorerait un rendez-vous précis. La gageure pour la "Maison bleue" de Séoul est en fait de ne pas surgir comme le benêt dans un marché de dupes. "Politiquement, c'est extrêmement important. Mais si Moon s'y rend, il doit obtenir quelque chose. Et, dans ce genre de rencontres, on négocie avant et non pendant la visite elle-même. La question préalable pour les Coréens du Sud est donc celle-ci: que peut-on obtenir?", note notre spécialiste. 

En face, le bénéfice est aussi évident que le risque politique est infime pour le dictateur: "La Corée du Nord a tout à gagner. Elle montrait qu'elle n'est pas isolée, qu'elle peut discuter avec l'extérieur. Et, comme il ne s'agirait que d'un sommet bilatéral présidentiel et non d'un sommet économique, il y aurait peu de risque politique pour Kim et son régime", ajoute Antoine Bondaz.

Le traité de paix est encore loin

Si la réconciliation des deux Corée se confirmait et se poursuivait, pourrait-on espérer prochainement un traité de paix et bonne et due forme, pour mettre fin à une guerre officiellement toujours en cours? Sur ce sujet comme sur les autres, on se retourne vers les Etats-Unis. "Les Etats-Unis conditionnent la signature d'un traité de paix à l'amélioration des relations entre les Corée et maintenant à la dénucléarisation. Un traité de paix ne peut pas être signé sans avancée sur ce dossier", analyse le chercheur qui enchaîne: "Pour qu'elles aboutissent, il faut que dans les négociations, les Etats-Unis comme la Corée du Nord aient l'impression de gagner quelque chose". 

Or, d'un côté comme de l'autre, on se sent entraîné dans une course contre la montre. D'une part, les Américains veulent agir avant que les missiles intercontinentaux déjà testés par leur ennemi soient opérationnels et puissent frapper leur territoire. De l'autre, le régime communiste affronte une difficulté grandissante. Le légitimité de Kim Jong-un tient à la stratégie, qu'il a mise en place, du "Byungjin". Et cette stratégie repose sur deux jambes: le renforcement du nucléaire, justement, et celui de la situation économique. Et, si la seconde jambe flageole de plus en plus, la première est toujours bien sur ses appuis. De quoi compliquer encore l'équation. 

Robin Verner